Ce dont on oublie de
parler au beau milieu des batailles de nourriture et des compétitions
fanfaronnes que sont devenus les « débats » est la destruction qui
s’abat sur les deux partis eux-mêmes. Je ne sais pas comment les Républicains
ou les Démocrates pourront s’en sortir indemnes. La saison d’élections
primaires qui approche apporte avec elle des évènements qui feront disparaître
ces deux clubs vides de sens dans le trou sans fond des mauvais souvenirs de
l’Histoire. Les deux partis ont échoué si fondamentalement à représenter ou
même appréhender les intérêts de leur nations qu’ils ne sont désormais que de
simples obstacles à un possible avenir, deux machines infernales en travers
de la route, qui continueront de trembler jusqu’à n’en plus pouvoir.
Il se peut que le Parti
républicain soit plus proche de la mort, parce que ses membres les plus
proéminents n’accepteront jamais Donald Trump comme candidat légitime, et
parce que Trump ne ressent rien que du dédain envers eux. Si Trump parvenait
à collecter suffisamment de votes primaires et assez de votes délégués, la
convention de juillet à Cleveland sera le théâtre d’un suicide politique de masse.
La direction du parti, dont des gouverneurs, membres du Congrès, Sénateurs et
leurs donateurs trouveront bien un moyen de priver Trump de sa récompense, et
ses partisans se dresseront contre cette action. Le processus de nomination
se terminera en justice, et la conséquence en sera une organisation brisée.
La Commission des élections fédérales pourrait ensuite avoir à faire appel à
Capital Hill pour repousser les élections générales. Le résultat évident en
sera une crise constitutionnelle. La légitimité politique se trouvera brisée.
Entrera alors en scène un général du Pentagone sur son cheval blanc.
Des évènements
parallèles pourraient faire trembler le camp démocrate. Je m’attends à ce qu’Hillary
sorte de la course à un moment ou un autre avant avril. Elle sera retirée des
rayons tel un produit défectueux qui n’aurait jamais dû passer entre les
filets du contrôle qualité. Personne ne l’apprécie vraiment. Personne ne lui
fait confiance. Personne, à l’exception de Debbie Wasserman Schultz et Huma
Abedin, n’est d’avis que son tour est venu de gérer les affaires du pays. Les
factions du FBI qui se sont penchées sur les emails de son ancien Département
d’Etat veulent la voir inculpée pour avoir utilisé l’institution pour
commettre des escroqueries en le nom de la Fondation Clinton. Et ces mêmes
membres du FBI sont peut-être déjà en train de paramétrer une nouvelle crise
constitutionnelle pour forcer l’Avocate générale Loretta Lynch de lancer une
action en justice contre Clinton ou de présenter sa démission. Les rumeurs
quant à son état de santé (elle souffrirait de complications suite à une
commotion cérébrale dont elle a souffert en automne) ne s’estompent pas. Et
pour finir, n’oublions pas le Sénateur Bernie, qui bien évidemment l’embarrasse
terriblement aux suffrages.
Les Démocrates
pourraient possiblement avoir à nominer Bernie par TKO, mais en décider ainsi
les transformerait instantanément en parti d’arrière-plan colporteur de la
marque du « socialisme » - le pire placement de produit imaginable,
compte tenu de notre Histoire et de nos mythes nationaux. En théorie, le pays
pourrait bénéficier d’une dose partielle de socialisme comme par exemple un
système de Medicare universel à payeur unique – afin de faire s’écrouler l’odieuse
matrice de rackets qu’est devenue la médecine – mais la méga-bureaucratie de
grande échelle a dépassé sa date de péremption dans un monde en phase de
post-centralisation dont les régions devront devenir plus locales et
autonomes.
La dernière fois que les
partis politiques se sont désintégrés, dans les années 1850, le pays a dû
traverser une convulsion sanglante pour pouvoir se reconstituer. Le problème
rongeant de l’esclavage dominait tant la politique que nous ne nous rappelons
de rien d’autre quant aux dynamiques de la période. Aujourd’hui, les maux qui
nous rongent sont la corruption et le racket, mais aucune des candidatures n’utilise
ces termes précis pour décrire ce qui nous est arrivé, bien que Sanders ait
dans une certaine mesure dénoncé la classe bancaire. Trump ne le fait que de
manière oblique en se déchaînant contre les « incompétences » de la
gouvernance actuelle, mais il s’exprime si mal et avec tant de phrases qui
restent en suspens qu’il semble incarner la même incapacité mentale que celle
de ceux contre qui il se dresse. La corruption et le racket se poursuivent, incontestés.
Même l’effronterie extraordinaire de Ted Cruz, qui a «oublié » de
rapporter les contributions de campagne offertes par Goldman Sachs à la FEC
(dont sa femme est membre du directoire !) n’a pas fait grande
impression sur l’opinion publique la semaine dernière.
L’incertitude politique
n’a jamais été si dangereusement élevée depuis les élections de 1860. Même
les années du Watergate font pâle figure en comparaison aux évènements
actuels, parce que malgré les turpitudes et les évasions de Richard Nixon à
la Maison blanche, les autres institutions de la démocratie fonctionnaient
encore assez bien. Le Comité du Sénat a systématiquement dévoilé les crimes
de Nixon et de sa cohorte au fil des deux années de procédures judiciaires,
et le Comité judiciaire de la Chambre s’est montré efficace tout au long de
la procédure de destitution – après quoi le bon vieux Dick s’est, avec un
geste d’adieu et le sourire aux lèvres, envolé en hélicoptère pour San
Clemente.
Personne ne sait où nous
mènera 2016. Le climat d’incertitude qui règne aujourd’hui ne contribue qu’à
couler ce qu’il reste de la vieille économie, et nous pouvons clairement voir
une série de retombées dangereuses se profiler à l’horizon.