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La relance, c'est
l'opium des états
V.B.
Nicolas Sarkozy annoncera donc son "plan
de soutien très puissant à l'activité économique"
ce Jeudi 4 décembre.
Il est trop tôt pour se prononcer sur ce qu'il contiendra, et donc pour
émettre des critiques fondées, mais les déclarations du
président et ses actions récentes n'incitent guère
à l'optimisme. Voyons simplement pourquoi un plan de relance ou de
"soutien à l'économie", en général, se
révèle au mieux mauvais, et au pire désastreux, et
rêvons ensemble, sans grandes illusions, aux bonnes surprises qu'un
gouvernement enfin revenu aux réalités pourrait nous
réserver.
Les moyens de
l'arrosage étatique
Dans les périodes de crise, les individus, par précaution,
tendent à réduire leurs consommation de biens durables :
automobiles, bâtiments, meubles, Hi-Fi... Ainsi que les dépenses
jugées futiles: restauration, voyages, etc... Keynes, le père
théoricien des politiques de relance, voyait dans cette épargne
de précaution l'ennemi mortel de la reprise de l'économie. Un
plan de relance Keynesien consiste donc à substituer à la
dépense privée qui se raréfie une dépense
publique soit générale, soit ciblée sur certains secteurs
que le gouvernement considère comme essentiels pour de multiples
raisons, comme le BTP ou l'automobile.
La gamme de moyens envisageables est large: achats publics directs,
subventions aux achats privés, subventions au crédit. Mais
quels que soient les moyens retenus, ces plans de relance tendent toujours
à déverser de l'argent public dans l'économie, pour
pousser les agents économiques à consommer plutôt
qu'à épargner.
Ces plans, comme toute intervention de l'état, charrient des
tombereaux d'effets pervers.
Le problème
du financement du plan de relance
Tout argent public déverser quelque part ne tombe pas du ciel. Le
gouvernement a trois moyens de le trouver:
> Tout d'abord, il peut augmenter les impôts.
Ce faisant, il prend aux agents économiques des ressources que ceux-ci
auraient pu affecter à des achats satisfaisant leurs propres besoins,
pour les réaffecter aux secteurs que ses technocrates jugent
prioritaires. Il tend donc seulement à réaffecter les ressources
qui auraient été à Paul dans la poche de Pierre. Ce qui
ira à Renault ou à Bouygues (ce qu'on voit) n'ira pas au Club
Med ou à Sterckeman ou à des milliers de PME inconnues (ce
qu'on ne verra pas) qui satisfont des besoins exprimés directement par
les ménages. Et il est rare que les grands programmes
d'infrastructures généralement décidés dans ces
circonstances ne comportent pas leur lot d'éléphants blancs
dans le désert et de ponts vers nulle part.
> Plus généralement, il
peut relancer la
dépense par le creusement des déficits. Mais
dans ce cas, il doit emprunter l'argent qu'il dépense, ce qui a deux
conséquences. La première est qu'une partie des
détenteurs de dettes étant des nationaux, ceux ci choisissent
donc de financer la dépense de l'état: l'effet est sensiblement
le même que celui de l'impôt, sauf que le prêteur touche un
intérêt. D'autre part, un pays comme la France peut attirer des
capitaux étrangers, et donc faire payer par des capitaux venus de
l'extérieur sa relance.
Seul problème: en augmentant son besoin de crédit, il augmente
mécaniquement le taux d'intérêt auquel les agents
économiques acceptent de lui prêter. Ce phénomène
sera exacerbé par la concomitance de plans de relance à
l'échelon mondial: la compétition pour les capitaux
susceptibles de se prêter aux états sera plus rude, et fera
monter les taux longs demandés aux états, notamment ceux
considérés comme les moins fiables. Cette remontée se
répercutera évidemment sur les entreprises, qui empruntent généralement
plus cher leur argent que ne le fait un état, du moins tant que la
signature de celui ci est considérée comme sûre. Cette
hausse aggravera la situation de nos entreprises les plus fragiles.
> Enfin, certains états peuvent être tentés... D'imprimer leur monnaie.
Dans ce cas, l'inflation s'installe, et l'incertitude avec elle, car lorsque
l'inflation commence à déraper, personne ne sait comment cela
évoluera à long terme: les taux d'intérêts
augmentent d'autant, et l'initiative privée se fait moins
enthousiaste, car nul ne peut prédire ce que les valeurs
créées aujourd'hui vaudront demain. Espérons qu'aucune
grande puissance économique n'aura recours à de tels
expédients, mais il est hélas possible que certains y songent
sérieusement.
> Il existe une méthode plus subtile de favoriser la
création monétaire: en
subventionnant le crédit, c'est à dire la
création de monnaie par les banques. Mais là encore, la mesure
est inflationniste: en abaissant la barrière à l'entrée
au crédit, l'état abaisse la qualité moyenne des emprunteurs,
et donc provoque une augmentation des taux marginaux de défaillance...
Cette création de monnaie sans création de valeur d'une part
favorise l'inflation des biens accessibles par le crédit, et d'autre
part fragilise le bilan des banques. Rappelons que ce sont différentes
formes de subventions massives au crédit aux USA qui ont provoqué le marasme actuel. La
relance par création de monnaie sans création de contrepartie
en valeur réelle est toujours le prélude à de
très graves ennuis.
Quelle que soit la méthode retenue, le financement d'un plan de
relance se révèle au final coûter bien plus cher à
long terme aux agents économiques que ce qu'il apporte à court
terme. La relance,
c'est l'opium des états.
Le problème
des comportements induits
Les plans de relance, en ce sens qu'ils sont le plus souvent sectoriels,
tendent généralement à orienter la dépense
privée (celle qui reste possible après les impôts...)
vers les biens subventionnés au détriment de ceux qui ne le
sont pas: si le gouvernement subventionne les automobiles, c'est le moment
d'en acheter une, et de remettre à plus tard d'autres achats. Cela
tend à renforcer l'effet de mauvaise allocation des ressources
décrit plus haut.
En outre, les entreprises ont alors intérêt à consacrer
plus d'énergie à devenir bénéficiaires de
largesses qu'à mieux satisfaire leurs clients. Aussi, elles tendent
à réduire leurs efforts d'amélioration au profit
du lobbying, d'où une moindre propension des
entreprises à améliorer leur offre: celles qui sont
subventionnées parce que l'aide de l'état accroît sans
effort la demande, celles qui ne le sont pas parce qu'a contrario leur demande
baisse, réduisant leur espoir de retour sur investissement.
Par conséquent, le processus d'amélioration constante de
l'offre qui tend à augmenter continuellement notre pouvoir
d'achat, en renouvelant l'offre disponible tant en qualité qu'en
coût, se trouve ralenti.
Or, le seul moyen de renverser les comportements "excessivement"
prudents des consommateurs est que l'offre des entreprises s'améliore
dans de telles proportions (en nouveauté ou en prix) que les
ménages se disent qu'il est trop dommage de rester sur la réserve
et qu'il "faut y aller". Bref, la séduction de l'offre est
le remède le plus efficace contre la morosité des agents
économiques. Voilà qui n'étonnera guère.
Nous voyons donc que la relance par la dépense publique tend à
inhiber ces évolutions comportementales, retardant la sortie de la
crise.
Le faux
problème de l'épargne
Keynes voyait dans l'épargne un ennemi, et pensait que le rôle
de l'état en temps de crise était de favoriser la consommation
des ménages. Il avait évidemment tort.
L'épargne, lorsqu'elle est dirigée vers des investissements
directs ou des prêts consentis de manière libre aux acteurs les
plus susceptibles de procurer du retour sur investissement, n'est que de la
consommation légèrement différée. Si, au lieu
d'acheter un Home Cinéma dernier cri, j'investis la même somme
dans des nouvelles entreprises, ou dans des fonds obligataires qui
prêtent à des entreprises qui achètent de nouvelles
machines, les salariés de l'entreprise fabriquant les machines iront
à leur tour acheter des Home Cinéma, mais entre temps, mes fonds
auront servi à former du capital productif qui
contribuera à améliorer l'offre existante. Si au contraire, la
consommation immédiate augmente au détriment de
l'épargne productive, alors ce processus vertueux de renouvellement
des facteurs de production est amoindri, et la croissance avec lui.
En revanche, l'épargne, lorsqu'elle tend à être
orientée vers des obligations d'état, ne fait que financer
l'agent économique le plus inefficace qui soit, celui dont les
dépenses créent le moins de capital utile à la
création de valeur ultérieure. L'augmentation des besoins de
financement des états par la dette crée donc un effet
d'éviction: la mauvaise épargne tend à amoindrir les
ressources disponibles pour la bonne.
Non, décidément, aucun avantage de long terme ne peut
être trouvé à une relance par la dépense publique.
L'expérience
confirme la théorie: le cas du Japon
Sans remonter jusqu'au New Deal, un exemple récent
d'échec flagrant de politique de relance par la dépense
publique et l'endettement de l'état devrait nous amener à
réfléchir.
Au début des années 90, le Japon a vu l'explosion d'une bulle
immobilière qui a provoqué un affaiblissement des banques, une
raréfaction du crédit, et donc une crise conjoncturelle
d'envergure. Cela ne vous rappelle rien ? Vous avez compris, le Japon a connu
la même crise que celle que nous vivons, il y a 18 ans.
Qu'a fait le gouvernement de l'époque ? Il
a lancé des plans de relance absolument gigantesques
devant lesquels moult observateurs de l'époque se sont
extasiés, vantant la "puissance de la réaction de
l'état japonais face à la crise". Le poids de
l'état japonais dans l'économie est passé de 31%
à 38% en moins de 10 ans. Cette stratégie fut poursuivie dans
les années 2000. Pour quels résultats ?
Alors que le Japon avait connu une croissance de 4% par an dans les
années 80, celle ci fut inférieure à 1% par an dans les
années 90. Le Japon découvrit le chômage – certes de
façon moins aiguë qu'en Europe, mais ce fut
un traumatisme pour ce pays qui n'y était pas habitué –
et ne s'est jamais réellement remis de cette période
dépensière qui a coïncidé avec une explosion de sa
dette publique, chiffrée à 176% du PIB fin 2007...
En outre, cette période a coïncidé avec le rachat de
Subaru par GM (revendu très récemment à Toyota), Mazda
par Ford (en cours de revente), puis plus récemment Nissan par
Renault... Même si par la suite les repreneurs ont connu des fortunes
diverses, et si cela ne doit pas faire oublier l'éclatante
réussite de Honda ou de Toyota, la très mauvaise
décennie 90 de l'automobile Japonaise, qui devait tout écraser
sur son passage dans les années 80, est le symbole le plus frappant du
tout relatif déclin industriel qui a accompagné la hausse du
poids direct de l'état dans l'économie.
Les bonnes surprises
que nous ne verrons pas dans le plan Sarkozy
J'espère me tromper, mais la seule relance efficace, celle susceptible
de nous sortir assez rapidement de la crise et de façon saine, ne
figurera pas au plan annoncé par Nicolas Sarkozy: une baisse drastique
de toutes les charges grevant la formation de capital au sein des
entreprises, et des taxes punitives sur les hauts revenus susceptibles de
s'investir dans de nouvelles entreprises. Une telle baisse de taxes, pour
être efficace, ne doit pas être compensée par des hausses
d'autres impôts et doit donc être financée exclusivement
par une baisse tout aussi spectaculaire des dépenses publiques. Par
exemple, une suppression de toutes les interventions directes dans
l'économie, telles que les "aides" à l'emploi,
subventions "Grenelle" et autres subventions d'équilibres
aux canards boiteux du secteur public...
Une telle politique produirait les effets vertueux antagonistes des
abominations provoquées par la relance publique: renforcement des
capitaux propres des entreprises, augmentation des dépenses
d'investissement orientées vers une meilleure satisfaction des besoins
de la clientèle, baisse des activités de lobbying et des
efforts de captation du produit de l'impôt par des entreprises peu
efficaces, etc...
Il n'est de bonne relance que par réduction du poids de l'état
dans l'économie.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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