Les États-Unis ont perdu vendredi 5 août leur
note AAA auprès de l’une des trois principales agences de
notation, Standard & Poor’s. Si
l’oncle Sam – encore première économie au monde
– a pu être privé de son triple A, il est facile
d’entrevoir la possibilité que les pays de la zone euro, dont la
France, puissent le perdre à leur tour.
Les efforts du gouvernement pour ramener le déficit
à 3% en 2013 s’avèrent pour l’instant suffisants
aux yeux des agences de notation. Ainsi, dans la foulée de
l’abaissement de la note américaine, Standard & Poor’s a tenu à confirmer qu’elle
maintenait la note de la dette française dans une perspective stable.
La situation est pourtant loin d’être
rassurante. Tout d’abord, parce que l’état des finances
publiques peut rapidement se détériorer en cas d’un
nouveau ralentissement de l’activité économique
d’ici 2013. La dette publique française continuera en
réalité de se dégrader dans les années à
venir à cause des déficits à venir qui viendront
s’ajouter à la dette existante.
Mais le risque le plus important à plus court terme
pour la note AAA de la France se cache en réalité ailleurs. En
restant focalisé sur l’état des finances publiques
françaises, on oublie volontiers les engagements que le pays est en
train de prendre sur le plan européen, notamment au sein du fameux fonds européen de
stabilité financière (FESF), censé sauver
à l’avenir les pays de la zone euro en faillite.
À cet égard, François Baroin, ministre français de
l’Économie, des Finances et l’Industrie, a
déclaré que la France consentira à une augmentation de
l’enveloppe du FESF dans l’éventualité – de
plus en plus probable – où l’Italie ou l’Espagne se
retrouvaient en difficulté. Or, les engagements de financement
qu’il faudra prendre au sein du FESF pour que celui-ci soit
crédible sur les marchés dans un tel cas pourraient rapidement
dépasser les 1 000 milliards d’euros.
En voulant rassurer les marchés sur la
solidité du FESF, de telles déclarations fragilisent
paradoxalement la solvabilité des pays de la zone euro qui disposent
encore d’une note AAA, parmi lesquels se trouve la France qui fournit
plus d’un cinquième de ces garanties de financement.
L’idée d’un abaissement de la note française
s’est ainsi naturellement retrouvée dans les débats,
la crainte étant que le sauvetage des pays européens en
difficulté, notamment de l’Italie et de l’Espagne,
pourrait bien finir par « coûter » le triple A
à la France, voire même à l’Allemagne. Le contrat
pour s’assurer contre un défaut de paiement (CDS) de la France a
ainsi atteint un nouveau record le 9 août et celui de l’Allemagne
a dépassé pour la première fois celui du Royaume-Uni,
signe que les inquiétudes sur la solvabilité de ces pays sont
en train d’augmenter.
Or, les finances publiques britanniques ne sont pourtant
guère meilleures que celles des autres pays de l’UE. La grande
différence réside dans le fait que le pays, ne faisant pas
partie de la zone euro, ne participe pas non plus au FESF. Ce dernier est en
réalité devenu un véritable « boulet »
pour les pays de la zone euro encore notés triple A et il risque de le
leur faire perdre.
On comprend mieux pourquoi le gouvernement allemand freine
des quatre fers, prenant ses distances avec le gouvernement français
en ce qui a trait à une éventuelle augmentation du FESF. Les
Pays-Bas sont également conscients de ces dangers liés au FESF.
Ainsi, dans une lettre adressée à la Chambre basse du Parlement
néerlandais, le ministre néerlandais des Finances Jan Kees de Jager souligne précisément qu’une « réévaluation
significative éventuelle du fonds peut avoir, par le biais de
garanties actives plus élevées, des conséquences sur la
solvabilité des États membres qui se portent garants ».
L’État français cherche avec
difficulté à
ralentir la dégradation de sa situation budgétaire afin de
sauver la note triple A de sa dette souveraine. Or, en voulant à tout prix
collectiviser les pertes liées aux dettes souveraines des pays de la
zone euro par l’intermédiaire du FESF sans en mesurer pleinement
les conséquences, il donne le mauvais signal et, s’il persiste,
il risque justement de causer ce qu’il cherche à tout prix
à éviter, à savoir perdre comme les États-Unis
son triple A.
Valentin Petkantchin
|