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Dites bonjour à Supra,
pas juste Super, Mario, le défenseur des bons de la BCE…
« L’objectif de ce programme ?
C’est de réparer la transmission de la politique
monétaire et de recréer l’unité de la politique
monétaire pour la zone euro. »
- Mario
Draghi, président de la Banque centrale européenne, jeudi 6
septembre 2012 -
« Pour au moins la
seconde fois en quatre mois, le journal d’aujourd’hui
Handelsblatt en Allemagne montre une grande photo du tableau The Scream
d’Edvard Munch », écrit Adrian Ash pour
BullionVault.
Cette fois-ci au moins, le
tableau ne remplace pas l’autoportrait torturé du peintre avec la tête de la chancelière Angela Merkel. Le
gros titre est maintenant « L’angoisse des Allemands ». Mais le
sujet est le même.
« Rien
n’effraie le peuple allemand plus que la crise de la dette
européenne », affirme le journal. Le pays le plus
sur-assuré du monde, l’Allemagne, partage naturellement ses
craintes dans un sondage réalisé pour le service des relations
publiques d’une compagnie d’assurance. Et à 73%,
l’angoisse d’une crise de la zone euro dépasse maintenant
même le pourcentage d’il y a douze mois, quand la crise a
basculé dans ce qui s’est avéré être sa pire
chute jusqu’ici.
En effet, « cette
peur surpasse même la crainte d’une inflation à
63% », montre le sondage R&V. Ce qui est quelque chose en
Allemagne ! « Cette inquiétude s’est
probablement [aussi] exacerbé après la réunion hier du
conseil d’administration de la Banque centrale
européenne ».
Oui, le vote de cette semaine
par la banque centrale de la zone euro causera des insomnies du Rhin à
l’Elbe. Pas d’autre pays moderne ne se sent aussi concerné
par une banque centrale (la Fed américaine et la Banque
d’Angleterre auraient été incendiées dans le cas
contraire). Mais en Allemagne, c’est ein wolk, ein opinion de
politique monétaire. Et une opinion très sturm und drang.
« La majorité
des allemands ne font pas confiance à l’italien
Draghi », selon un sondage de Stern. Les autres sondages
dans la presse allemande aujourd’hui disent que tout le monde veut que la cour constitutionnelle déclare le plan de
sauvetage de la zone euro comme étant illégal*, mais
tout le monde accepte qu’elle ne le fera pas. « Les
marchés financiers célèbrent la mort de la
Bundesbank », affirme le Die Welt, expliquant comment
« Draghi s’écarte des principes stricts de la
politique monétaire allemande, un cauchemar commence pour les Allemands ».
Le journal tabloïd Bild ajoute « Chèque en blanc pour
les gouvernements endettés. Draghi détruit-il
l’euro… ? »
Vous pouvez deviner la
réponse de l’Allemagne, un point de vue unanime qui a
déjà atteint le cœur de la BCE, elle-même
siégeant à Francfort, comme si Berlin Ouest siégeait en
Allemagne de l’Est pendant la guerre froide. D’abord, le
président de la Bundesbank Jens Weidmann s’est
démarqué des ses 16 collègues de la banque centrale et a
voté « nein » au plan d’achat de
bons. Puis, seulement deux heures après, la voix du peuple s’est
fait entendre de nouveau.
« Je suis
Allemand », déclare un journaliste posant des questions
lors de la conférence de presse de la BCE de jeudi
retransmise en direct au monde entier par Internet. « Je pense
vraiment que votre approche est excellente », dit-il au
président de la BCE Mario Draghi, « mais vous connaissez
les marchés ».
« Dans quatre
semaines nous serons assis ici encore à une autre conférence de
presse. J’espère que cette conditionnalité tiendra et que
vous ne lâcherez pas du terrain concernant ce problème de
conditionnalité. »
Conditionnalité !
Comment un tel terme aride et bureaucratique peut-il être si
chargé de sens ? La qualité d’être
conditionnel, ou limité (selon l’édition 1828 du Webster’s),
le mot a été utilisé dix fois par Mario Draghi lors de
la conférence de presse de jeudi. Le journaliste allemand
passionné susmentionné a dit que Draghi en a fait
« un mot toute les secondes » lors de son annonce. Le
journaliste lui-même l’a alors utilisé cinq fois en une
question !
Nous reviendrons à la
conditionnalité dans un moment. Car deux autres points se
détachent des événements de jeudi :
- Les bons allemands vont
subir l’effet Supra Mario, tout comme la dette de l’Italie, de
l’Espagne et du reste. Seulement dans la direction opposée.
Le « mécanisme de transmission de la
politique » avec lequel la banque centrale contrôle les
taux d’intérêt est cassé, a dit Draghi (ou
plutôt « détérioré »).
Et « si les marchés des bons sont
déformés dans la zone euro, ils sont
déformés dans toutes les directions. »,
ajoute-t-il, répondant à une question concernant les taux
d’intérêt actuellement sous zéro de la dette
allemande. Donc pour restaurer l’unité de l’union de
l’euro, l’objectif annoncé de cette semaine, les
rendements des bons allemands doivent augmenter autant que les
rendements des bons italiens, espagnols et des autres baissent.
- Stérilisation. Car pour apaiser les
inquiétudes de tout le monde concernant l’impression de
monnaie, les brouettes, et les impatients en sueur avec des moustaches
de Chaplin, la BCE ne va pas injecter plus de cash dans
l’économie. Pas comme la Fed américaine, la Banque
d’Angleterre et la Banque du Japon disent qu’ils l’ont
fait. Oh non. Au lieu de cela, les achats de dettes affaiblies de la
zone euro seront « entièrement
stérilisées », avec précisément
la même quantité de liquide qui a été
dépensée par la BCE a avoir été reprise en
vendant d’autres dettes de la zone euro non affaiblies.
Devinez lesquelles ? Le
but, répète Draghi, est de « recréer
l’unité ». Vendre des bons est le ying pour le yang
des achats de l’Espagne. La stérilisation le préconise.
Et aussi, peut-être sans le savoir, l’Allemagne aussi.
« Les achats
d’intervention ne doivent pas être permis pour mettre en danger
la capacité de la politique monétaire de protéger la
stabilité des prix dans la zone euro », a affirmé le
président de la Bundesbank Jens Weidmann dans une déclaration
jeudi après-midi. Publiée pour confirmer qu’il était
la seule voix contestataire du conseil (très largement deviné,
mais information secrète selon Draghi), cela a été
publié dans le monde entier. Mais il n’apparait pas,
étrangement, dans les pages du communiqué de presse de la
Bundesbank.
Ce n’est pas grave. Lors
de la réunion de la BCE, affirme le communiqué de Weidmann, il
« a réitéré sa position critique
fréquemment justifiée envers les achats des bons de
gouvernements par l’Eurosystem ». Il voit de tels achats
comme étant équivalents à financer les gouvernements en
imprimant des billets de banque.
« Les risques de la
politique monétaire ont subjugué la politique
fiscale. »
Voilà, il l’a dit.
Ben Bernanke et Mervyn King ont dû grimacer ! Mais si, dans le
monde noble de Weidmann, les banquiers centraux indépendants doivent
s’élevaient au-dessus des politiques, alors est-ce que cela ne
les met pas à la tête ? Eh bien, oui, affirme Weidmann.
Mario Draghi est d’accord.
« Si le programme
adopté de l’achat de bons mène les états membres
à reporter les réformes nécessaires, cela sapera
davantage la confiance en la capacité des leaders politiques à
résoudre les crises », continue le communiqué de
Weidmann. Ce qui le mène, et nous, de retour à la
conditionnalité. Ce qui veut dire des conditions fixées par le
gouvernement pan européen de Bruxelles. Conditions que la BCE dit
qu’elles doivent être acceptées si c’est pour
acheter la dette d’états membres, et conditions qui doivent
ensuite être satisfaites si la banque doit continuer d’acheter et
pas de vendre.
L’équipe non
élue menée par Super Mario (comme la presse italienne
l’avait tout d’abord appelé dans un accès de
fainéantise journalistique au début des années 1990) est
donc devenu supra-Mario. Voyant tout, sachant tout et tout puissant, il peut
maintenant exercer, au nom de « l’unité »,
une surveillance transfrontière des budgets nationaux, plus
l’ultime sanction de vendre vos bons et donc d’augmenter le
coût de vos dettes si vous n’êtes pas sages.
Parmi les investisseurs du
secteur privé, ce pouvoir appartenait aux « défenseurs de bons »
légendaires, des gestionnaires professionnels de monnaie et de
patrimoine apparemment motivés pour protester contre les gouvernements
très dépensiers en vendant les bonds de ces pays. Ce qui
augmente les coûts de la dette du pays, limitant son déficit et
plafonnant sa dette. Oui, les défenseurs ont clairement disparu sur
les marchés des dettes du Royaume-Uni, des Etats-Unis, du Japon et
même de l’Allemagne. Mais c’est juste le rôle que les
investisseurs du
secteur privé ont pris en punissant la Grèce,
l’Irlande, le Portugal et le reste.
Etre défenseur
équivaut à une justice cruelle, cependant. La catastrophe
humaine en Grèce et en Espagne le prouve. C’est pourquoi les
têtes calmes et cool de la BCE interviennent. Weidmann demande si Supra
Mario castagnera les états de la zone euro plus faibles s’ils ne
parviennent pas à réparer leurs dettes et déficits. Mais
à en juger par les cours de l’or en euros, maintenant
un ou deux ticks sous les pics historiques, beaucoup de capitaux
privés disent non, il ne le fera pas. Et à en juger par la
réaction allemande, la plus grande économie et le plus grand
créditeur de la zone pense que l’aide non
stérilisée pour les faibles états apparaitra en temps
utile, aussi.
12/09/2012 : le conseil constitutionnel
allemand ne considère par le plan de sauvetage comme illégal.
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