Pour paraphraser Einstein, je commencerai ici par dire que
tout ce qui peut être compté ne peut être mesuré,
et que tout ce qui est mesurable ne compte pas forcément. Le pouvoir
d’achat d’une monnaie appartient à la première
catégorie, dans le sens où il serait utile de disposer
d’un nombre capable de refléter de manière consistante le
pouvoir d’achat d’une monnaie dans une économie, mais que
malheureusement, un tel nombre n’existe pas.
Il n’existe pas, pour la simple et bonne raison
qu’il ne peut être obtenu par l’addition ou par le calcul
de la moyenne des prix de différents biens. Il serait par exemple
insensé que de calculer la moyenne des prix d’une voiture,
d’une coupe de cheveux, d’une pomme, d’un contrôle
dentaire, d’un litre d’essence et d’un billet
d’avion. C’est cependant là exactement ce que fait le gouvernement
– de manière bien entendu plus complexe, afin que le
résultat obtenu soit moins élevé que ce qu’il
devrait être – lorsqu’il calcule l’indice des prix
à la consommation.
Il est clair que le gouvernement concocte
différentes statistiques économiques afin d’alimenter sa
propre propagande, mais ce que j’essaie d’expliquer ici,
c’est que même la plus honnête et rigoureuse des tentatives
de calcul du pouvoir d’achat d’une monnaie ne pourrait jamais déboucher
sur un résultat correct. Elle ne serait rien de plus qu’une
autre tentative de réaliser l’impossible.
Déterminer la performance réelle
(ajustée à l’inflation) d’une monnaie n’est cependant
pas sans espoir, puisque nous savons exactement quels facteurs peuvent causer
une modification du pouvoir d’achat d’une monnaie sur le long
terme, et que nous sommes capables d’estimer approximativement les
effets de ces facteurs sur le long terme. Nous savons par exemple que le
pouvoir d’achat d’une monnaie diminue en raison de l’augmentation
de la masse monétaire, et augmente en parallèle à la
croissance démographique et à l’amélioration de la
productivité. En utilisant les chiffres dont nous disposons quant
à l’augmentation de la masse monétaire et la croissance
démographique, et en déterminant grossièrement le taux
d’amélioration de la productivité, nous pouvons obtenir
le pouvoir d’achat théorique d’une monnaie. Ce pouvoir
d’achat théorique pourrait s’avérer inexact sur des
périodes d’un an ou moins, mais devrait être assez proche de la réalité
pour des périodes de cinq années ou plus.
Voilà maintenant presque deux ans que je m’intéresse
au calcul du pouvoir d’achat du dollar ajusté à
l’inflation. Vous trouverez ci-dessous les versions les plus
récentes de mes graphiques, basées sur les données
datant de la fin du mois de mai :
1. En
termes de dollars, le prix du pétrole est passé depuis 170
dollars le baril en 1980 à environ 200 dollars le baril en 2008.
Aujourd’hui, le prix du baril ajusté à l’inflation
est légèrement supérieur à sa moyenne sur 40 ans.
Je doute que le prix du baril ne tombe un jour à
nouveau en-dessous de 50 dollars. Le pic du prix du pétrole de 2008
était très certainement de type séculier. Je doute donc
également que le prix du baril ajusté à
l’inflation franchisse ce pic à la hausse au cours de cette
prochaine décennie. Si le prix du pétrole ajusté
à l’inflation atteignait un nouveau record à la hausse au
cours de ces quelques prochaines années, alors la cause en serait
certainement la destruction des réserves pétrolières du
Moyen-Orient par un incendie majeur, et non l’augmentation de la
demande globale ou la diminution des réserves disponibles.
2. Comme
pour le cas du pétrole, le pic du prix du cuivre ajusté
à l’inflation atteint en 2008 n’était certainement
que séculier. Le prix actuel du cuivre ajusté à
l’inflation est, tout comme celui du pétrole, légèrement
supérieur à sa moyenne sur 40 ans.
Toute diminution de la demande qui apparaîtrait au
cours de ces 12 prochains mois du fait de la récession globale
pourrait entraîner une chute du prix du cuivre jusqu’à 2
dollars. Je doute cependant que, si cela se produisait, son prix demeure bas
très longtemps – n’oublions pas que les faiblesses
économiques incitent toujours les banques centrales à stimuler
les réserves monétaires. En revanche, les prochaines vagues de
quantitative easing n’auront certainement pas
le même effet sur le prix du cuivre ajusté à
l’inflation que les vagues précédentes. Une autre
manière d’expliquer cela serait de dire que le cuivre n’aura
que très peu de chance de bénéficier de
l’inflation monétaire dans le futur. L’une des raisons
à cela est que la bulle Chinoise sur la construction est sur le point
d’exploser. Nous pouvons également ajouter que les prix
très élevés de ces six dernières années
ont entraîné une augmentation des réserves de cuivre
disponibles.
Je pense que le prix du cuivre se stabilisera autour de
2,50 – 3,50 dollars sur l’année 2012. Il serait donc
préférable pour vous que de vous retirer de tout projet minier
nécessitant un prix du cuivre supérieur à 3 dollars la
livre (environ 6 dollars le kilo) et de vous méfier de tout projet
minier à faible rendement et à l’avenir encore incertain.
3. Début
2008, l’inquiétude générale face aux interruption
de production des mines de platine suite à de trop nombreuses coupures
de courant en Afrique du Sud, et la peur de la dévaluation constante
du dollar par la Fed ont mené le prix du platine ajusté
à l’inflation au-delà de 3000 dollars l’once (2300
dollars l’once à l’époque, ce qui équivaut
aujourd’hui à 3000 dollars). Il se peut qu’il se soit
simplement agi d’un pic séculier sur le prix du platine
ajusté à l’inflation, bien que le platine ait
aujourd’hui plus de chances que le pétrole ou le cuivre de
pouvoir franchir son pic de prix de 2008. Il y a deux raisons à cela.
Premièrement, les réserves de platine sont plus
concentrées, donc plus vulnérables à une interruption de
production que le pétrole ou le cuivre. Deuxièmement, il y a de
fortes chances que le platine bénéficie de la tendance
haussière du prix de l’or ajusté à
l’inflation.
Ne manquez pas d’acheter du platine si son prix venait
à chuter en-dessous de 1200 dollars l’once.
4. Le
prix de l’or ajusté à l’inflation continue de
poursuivre une tendance haussière, malgré une phase de
correction intermédiaire traversée courant 2008. Son prix
devrait bientôt exploser de la même manière qu’en
janvier 1980 - et tel que l’ont fait les prix du pétrole, du
cuivre et du platine en 2008.
5. En
termes de dollars nominaux, le pic du prix de l’argent d’avril
2011 représentait pour moi une mise à l’épreuve de
son pic de janvier 1980. Lorsqu’ajusté à
l’inflation, le pic du prix de l’argent d’avril 2011 apparaît
comme n’ayant été que très peu supérieur
(un tiers) à son pic de 1980.
Le pic du prix de l’argent de janvier 1980
était si extraordinaire qu’il ne sera très certainement
plus jamais ni excédé ni défié en termes de
dollars ajustés à l’inflation. Il y a cependant de fortes
chances que le prix de l’argent dépasse son pic de l’an
dernier avant que son marché haussier ne touche à sa fin. La
raison à cela est que, bien que la demande industrielle joue un
rôle bien plus important sur le marché de l’argent que sur
le marché de l’or, la demande d’investissement demeure le
facteur principal du marché haussier de l’argent sur le long
terme. De plus, les facteurs responsables de la hausse du prix de l’or
(en d’autres termes, la stupidité des gouvernements et des
banques centrales) devraient également influencer le prix de
l’argent.
6. Puisque
le taux d’inflation ‘officiel’ sous-estime la diminution du
pouvoir d’achat du dollar, l’utiliser afin de déterminer
les performances ajustées à l’inflation des prix des
ressources et des métaux précieux ne permettrait pas
d’obtenir de résultat correct. Les Malthusiens tels que Jeremy
Grantham utilisent les graphiques de l’indice CBR ajusté
à l’indice des prix à la consommation afin de supporter
leurs théories concernant la pénurie imminente de ressources
agricoles et industrielles. Ces graphiques ajustés à
l’indice de prix à la consommation suggèrent que la
tendance baissière sur le très long terme des prix
‘réels’ des ressources et matières premières
ait désormais pris fin, c’est-à-dire que leurs
réserves disponibles aient entamé une phase baissière
par rapport à la demande réelle.
En ajustant leurs données aux effets de
l’inflation, grâce à la méthode
présentée plus haut, nous pouvons observer que a
réalité est bien différente de ce qu’en disent les
Malthusiens. Comme le présente le graphique
ci-dessous, l’indice CRB ajusté à l’inflation a
atteint un record historique à la baisse en 2001 avant
d’atteindre un pic en 2008, bien que ce dernier ait été
bien inférieur à ses records de 1974 et 1980. Il n’existe
donc aucune preuve que la tendance baissière des prix des
matières premières sur le long terme ait pris fin.
Steve Saville
www.speculative-investor.com
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