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Propositions du CAE pour le logement des classes moyennes : inefficaces et dangereuses

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Publié le 13 octobre 2008
2534 mots - Temps de lecture : 6 - 10 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Voici la suite de ma note postée à chaud dans la nuit de Jeudi à Vendredi, en réaction aux propositions surprenantes du Conseil d'Analyse Economique auprès du premier ministre en matière de logement. 

 

J'ai des lecteurs formidables. Alors que j'avais initialement abandonné la rédaction d'une analyse détaillée du rapport du CAE sur le logement des "classes moyennes", pour cause de fatigue après minuit, d'excellents commentateurs se sont chargés de ce travail, et ont en quelque lignes expliqué mieux que je n'aurais sur le faire pourquoi réduire les standards prudentiels d'attribution du crédit serait à la fois inefficace et dangereux.

 

Je reproduis ici le fruit de leurs réflexions:

 


 

(ST)... Mais là, on parle bien de réduire l'estimation de la capacité de remboursement (montant des mensualités par rapport aux revenus de l'emprunteur), pour se focaliser davantage sur la valeur du bien, avec pari sur l'évolution future. Si l'on anticipe une baisse, ca ne permettra pas d'accorder plus de prêts qu'aujourd'hui. Ce n'est que si on anticipe un marché haussier que déporter l'analyse du risque de la capacité de remboursement vers la valeur du bien in fine permet de prêter à des gens qui n'auraient pas passé la barre aujourd'hui. On tourne en rond. Et derrière un changement d'ordre juridique (prêt classique => prêt hypothécaire), ce que recherchent bien les auteurs du rapport, c'est clairement et uniquement une astuce pour relâcher encore un peu plus les conditions d'accès au crédit.

 

C'est criminellement dangereux. Et de surcroit çà n'aurait aucun impact sur la capacité des classes moyennes (visées dans le rapport) à accéder à la propriété, puisque tout relâchement dans le crédit se traduira illico par une hausse des prix qui absorbera la quasi totalité des nouvelles "capacités" financières attribuées à l'emprunteur. Penser que la difficulté d'accéder à un logement en France est un problème de difficulté d'accès au crédit, alors qu'on sort a peine d'une période de crédit incroyablement bas, et qu'on a bien pu constater que cela n'avait rien arrangé mais au contraire fait empirer les choses en propulsant les prix à la hausse comme jamais auparavant, c'est de la part des auteurs du rapport, d'une naïveté profonde, d'une incompétence crasse ou d'une malveillance criminelle.

 

Presque tout est dit. En l'absence de toute évolution de la question foncière, la solvabilisation par la subvention du crédit entraine une hausse des prix des logements au moins équivalente (point déjà évoqué sur ce blog)

 

(Michel) C'est le coût des logements qu'il faut faire baisser, en libérant le foncier, et non faciliter le surendettement !

 

Tout est dit, ou presque, en une phrase. Merci Messieurs ! (à moins que ST ne soit une dame ?)

 

Compléments d'analyse

Quelques précisions sont tout de même nécessaires. Tout d'abord, le rapport lui même n'est pas encore public, je n'ai donc lu que le résumé. Toutefois, celui ci est suffisamment explicite. D'autre part, il évoque d'autres mesures, toutes dans la plus pure veine étatique qui a perpétué les crises du logement depuis des années: renforcement du logement social, mécanismes d'orientation de l'investissement vers les minorités (une sorte de CRA à la française, le terme CRA est explicitement évoqué dans le rapport. Aux fous !). Ajoutons qu'il évoque le problème crucial de l'étranglement foncier dans le diagnostic préalable, ce qui est pertinent, mais que les solutions préconisées dans ce domaine sont au mieux insignifiantes, au pire nocives. Déception...

 

Deux points positifs, tout de même : une reconnaissance que la sur-protection du locataire fait fuir les bailleurs, et une nécessité de mettre de l'ordre dans la foultitude de dispositifs d'aide au logement, coûtant au total 34 milliards d'Euros.

 

Ce sont des sujets que j'ai abondamment traités par ailleurs, soit dans la rubrique subprimes, soit dans la rubrique logement de ce blog, soit sur "crise publique". Je n'y reviendrai pas, et me concentrerai sur les questions relatives à l'introduction du prêt hypothécaire tel que le CAE le propose.

 

Un prêt hypothécaire hybride

 

Le résumé propose clairement la création d'un modèle d'attribution de prêts fondés, je cite, sur "un modèle hybride, dans lequel seraient prises en compte la solvabilité de l'emprunteur mais aussi la valeur du bien acquis mis en gage". Il s'agit donc clairement de déconnecter au moins partiellement l'accord de prêt de la capacité de rembourser du débiteur.  

 

Premier problème: sur un marché propice à la formation de bulles comme l'est le marché Français, il est impossible d'estimer de façon fiable la valeur du bien acquis sur toute la durée du prêt : celle ci comporte une part variable de surévaluation totalement artificielle liée à la présence de lois de restrictions foncières plus ou moins sévères. De fait, la valeur réelle de revente du bien acquis, très volatile, peut se trouver déconnectée à la baisse de la valeur d'achat, ayant servi à déterminer le niveau d'endettement de l'emprunteur...

 

C'est cette propension des marchés "bullaires" (une moitié des USA, Grande Bretagne, France...) à empêcher une saine évaluation du montant de l'hypothèque qui conduit aujourd'hui des milliers de ménages à la banqueroute, la revente de leur bien ne couvrant pas le capital restant dû. On note d'ailleurs aux USA une moindre évolution du nombre de faillites sur les marchés "non bullaires" tels que ceux d'une partie de la Middle America, cf. exemples ci dessous :

 

 

Rappel : la Californie oblige depuis 1970 ses agglomérations à recourir à des réglementations du sol contraignantes (et qu'elle va renforcer) connues sous le nom de "smart growth policies", dont les effets néfastes ont été longuement développés sur le blog de mon livre (pub !). Au Texas, ces régulations sont prohibées par l'état, au nom du respect du droit de propriété. Les bulles immobilières ne peuvent pas s'y former.

 

Création d'un French Freddie Mac !

 

Le résumé propose la création d'une garantie du FGAS (Fond de Garantie de l'Accession Sociale) sur les prêts hypothécaires proposés pose au système financier. Les auteurs du résumé prétendent éviter les erreurs commises aux USA. Mais ils admettent implicitement que pour que le modèle du prêt hypothécaire fonctionne, il faut donner une "carotte" aux prêteurs. Cette carotte serait une garantie d'un organisme public, permettant de refinancer les prêts à des taux plus faibles, augmentant les "spreads" (écart de taux) sur lesquelles les banques s'assurent contre d'éventuelles défaillances.

En outre, le rapport estime que le  développement des techniques de titrisation des prêts permettant de "pooler" des créances de fiabilités diverses est indispensable pour développer l'offre de crédit hypothécaire en France. Mais la situation actuelle montre qu'une titrisation mélangeant des créances de sûreté variable aboutit à jeter le doute sur l'ensemble des titres ainsi créés, même si seulement une fraction des prêts collatéraux est déficiente. L'on ne voit guère comment les techniques de titrisation créées à la suite des recommandations du CAE pourraient échapper à ce travers.

 

Bref, le CAE n'a visiblement rien compris des mécanismes qui ont d'une part provoqué la faillite de Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC), puisqu'il veut faire jouer au FGAS (phonétiquement, "Fergie Ass" ?) le même rôle, et il n'a pas pris la mesure des faiblesses des modèles de titrisation en vigueur lorsqu'ils intègrent des créances de mauvaise qualité, contribuant à répandre les risques sur de larges classes d'actif et à transformer une crise sectorielle en cauchemar systémique.

 

Si un organisme d'état joue le rôle de garant des créances, alors la vigilance des prêteurs s'émoussera, et un beau jour, patatras, "Fergie Ass" sera en faillite, l'état devra garantir les détenteurs des bons servant à refinancer les prêts... Le pourra-t-il ? Et si la titrisation est aussi mal conçue qu'actuellement, quels en seront les effets secondaires ?

 

Considérations éthiques: le prêt hypothécaire est il un contrat normal ou un contrat de prédation ?

 

La valeur de tout crédit, pour une banque, est fondée sur une promesse: celle fait par le prêteur de rembourser son capital et ses intérêts. Que cette promesse soit rompue et la valeur du prêt s'effondre.

L'hypothèque sur le bien acheté ne "solvabilise" pas l'emprunteur, contrairement à ce qu'affirme le CAE. La solvabilité dépend de la capacité de rembourser, donc du revenu, point barre. Affirmer que des personnes considérées comme insolvables par les banques seraient rendues solvables par le miracle de l'hypothèque sur le bien acquis est une escroquerie intellectuelle pure et simple.

L'hypothèque sur le bien acheté ne fait que réduire le risque du banquier en cas de faillite du débiteur, du moins les banquiers le croyaient-il jusqu'aux dernières semaines (cf. mes réserves sur les marchés bullaires plus haut, et l'expérience malheureuse en cours aux USA...) tout en augmentant celui de l'emprunteur, dont les ratios prudentiels se détériorent. Et des mensualités plus élevées signifient moins de capacité de faire face à un coup dûr.

 

Le crédit hypothécaire n'est donc qu'un moyen d'augmenter le volume d'affaire de la banque lorsque le marché se fait tranquille, et accessoirement, une façon, pour des chargés de clientèle peu scrupuleux, de traquer des clients en faillite pour racheter, à titre personnel, des maisons vendues en urgence lors de ventes aux enchères publiques.

 

La question est donc de savoir si la pratique doit être considérée comme une prise de risque librement consentie par les deux parties, auquel cas les banques doivent être autorisées à le proposer, mais sans la moindre garantie ni subvention d'état, ce qui devrait tuer dans l'oeuf ce type de prêt, soit elle constitue une belle arnaque de celui qui sait évaluer les risques qu'il fait courir au clients, de celui qui peut se faire embobiner, et elle doit être sanctionnée comme telle.

Selon quelques sources dignes de foi, la loi américaine, là encore mal faite car excessivement normative, prévoit seulement que les courtiers en prêts doivent informer les emprunteurs des taux et de l'évolution possible des mensualités, mais que s'ils ont respecté cette norme, ils ne peuvent être poursuivis que dans des cas excessivement rares: et voilà comment des brokers camelots ont réussi à "fourguer" des crédits toxiques à des clients mal éduqués aux notions financières de base.

 

En France, les bases du code civil donnent à tout professionnel engagé dans une transaction avec un client non spécialiste une obligation de conseil. Si cette obligation n'est pas respectée, le juge peut considérer qu'il y a eu manoeuvre inadéquate (dolosive) pour placer un crédit trop élevé sur les épaules de l'emprunteur, et condamner en conséquence. Cette législation fondée sur un principe simple  -- l'honnêteté du vendeur -- et non sur une norme, peut sembler excessive, elle est certes parfois très difficile à apprécier, mais elle apparait pour ma part comme un sain principe de préservation des droits de propriété du moins informé vis à vis du spécialiste.

 

Par conséquent, l'emprunteur devrait systématiquement se faire remettre une notice claire d'évaluation des risques associées à son prêt, admettre qu'il l'a comprise, pour que le prêt hypothécaire puisse être accordé... Pas très vendeur, convenez en ! Il va de soi que si, en plus, le prêt hypothécaire ne jouit pas de la garantie publique, alors tant l'offre que la demande pour ce genre de prêts devraient être très limitées, tout comme l'est aujourd'hui le nombre de banques désireuses d'en offrir ! L'état ne doit surtout pas chercher à changer cette donne en conférant des avantages législatifs ou des subventions au prêt hypothécaire.

 

Conclusions: des propositions dangereuses

 

Pour le moment, et malgré l'affaire Dexia, les banques françaises, bien que leur situation soit aussi tendues que celle de toutes les banques dans le monde, semblent plutôt moins fragilisées que celles de nos principaux voisins. Le risque de défaillance semble bien circonscrit, du moins sur les établissements majeurs.

 

Cela est dû au caractère pour une fois fondamentalement sain de la législation française qui encourage l'octroi du crédit sur la base de la solvabilité des emprunteurs. Si les banques veulent faire de l'hypothécaire en en assumant tous les risques, sans la moindre garantie ni subvention de l'Etat, et en assurant effectivement leur rôle de conseil, qu'elles puissent le faire. Mais si le modèle n'est pas assez fiable ou lucratif, comme cela est probable, alors il faut laisser les banques le rejeter sans demander à l'état de se substituer à elles pour définir à qui elles doivent prêter ou pas et à quelles conditions. Naturellement, toute garantie financée par les contribuables, éternel carburant de l'imprudence des acteurs du marché, devrait être proscrite. Nulle personne censée ne devrait vouloir d'une société ou les pertes des grandes institutions financières seraient collectivisées.

 

En outre, l'expérience américaine nous enseigne que ces crédits sont des bombes à retardement : favoriser le crédit hypothécaire par une distorsion étatique serait tout simplement irresponsable. Ces propositions du CAE doivent impérativement finir dans un tiroir très profond et y rester.

 

----
Ps.
Quelques minutes avant le "bouclage" de minuit, je ne saurais omettre de vous renvoyer à ce remarquable et court passage du très grand vulgarisateur de l'économie qu'était Henry Hazlitt, cité par Thierry Fallissard:

 

L'argument qui vaut contre les prêts hypothécaires garantis par le gouvernement à des personnes et des entreprises privées est aussi valable que celui qui vaut contre les prêts et hypothèques accordés directement par le gouvernement, même s'il est moins évident.

Les partisans des prêts hypothécaires garantis par le gouvernement oublient également que ce qui est prêté est en fin de compte du capital réel, dont l'offre est limitée, et qu'ils aident un acteur B identifié au détriment d'un acteur A non identifié.

La garantie des prêts hypothécaires par le gouvernement, en particulier quand aucun capital initial n'est requis (ou seulement un capital négligeable), aura pour conséquence des prêts de moins bonne qualité. Elle oblige le contribuable à subventionner de mauvais risques et à couvrir les pertes. Elle encourage les gens à « acheter » des maisons pour lesquelles ils n'ont pas vraiment les moyens. Elle a tendance à susciter à terme une offre excédentaire de logements en comparaison avec d'autres biens. Cela stimule temporairement le bâtiment de façon excessive, augmente le coût de la construction pour tout le monde (y compris les acheteurs de maisons qui bénéficient de la garantie hypothécaire), et dévoie l'industrie du bâtiment dans une expansion qui finira par lui coûter cher. En bref, à long terme, cela n'augmente pas la production nationale de façon globale, mais encourage le mauvais investissement.

 

On ne saurait mieux dire.

 

Vincent Bénard

Objectif Liberte.fr

Egalement par Vincent Bénard

 

Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones dédiés à la diffusion de la pensée libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement, crise publique, remèdes privés", ouvrage publié fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de marché pour y remédier.

 

Il est l'auteur du blog "Objectif Liberté" www.objectifliberte.fr

 

Publications :

"Logement: crise publique, remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat

Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république, bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc française, avec Pierre de la Coste

 

 

Publié avec l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent Bénard.

 

 

 

 

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Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org).
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