Le texte ci-dessous est paru dans le
périodique de l'aleps – association
pour la liberté économique et le progrès social -, 35
avenue Mac Mahon, 75017 Paris (ci-contre).
dont les références sont
: Liberté économique et progrès social, n°136,
juillet 2011, pp.2-17
Il est suivi de quatre annexes qui
développent certains de ses passages.
Les notes de bas de page - au nombre de
vingt - n'ont pas été reprises.
Voici le texte.
A l’échelle de
l’histoire de l’humanité, l’« euro » est
une étape du processus monétaire qui a émergé
dans la nuit des temps et qui a contribué à diminuer le coût
de l’action humaine qu’est l’échange de biens en
propriété.
Depuis le début du XXème
siècle, le processus monétaire a été perclus de
réglementations et l’« euro » est la dernière
grande réglementation en date - une expérience sans
précédent qu’on notera « €xpérience
» pour insister sur le point -.
Dans ces conditions, que penser de
l'avenir de l'euro ?
Plusieurs réponses sont
possibles. Pour les donner, un détour est nécessaire : il
consiste à répondre à la question « pourquoi
s’intéresser à l’euro ? » et à passer
par le concept ignoré de « coût résiduel de
l'échange » qui se déduit de l’une des
réponses à la question.
1. L’€xpérience.
L’€xpérience
a consisté dans la fusion progressive de systèmes
monétaires historiques nationaux, depuis le 1er janvier 1999. A ce
jour, dix-sept systèmes ont fusionné, le dernier venu est
l’Estonie le 1er janvier 2011.
L’€xpérience
en question ne doit pas être sous-estimée. Elle est comparable
aux expériences de chimie ou de physique, voire de biologie, les plus
fondamentales, dont l’issue ne peut qu’être attendue avec
incertitude – jusqu'à mettre en question leur vie - par ceux qui
en sont les initiateurs, dans la connaissance théorique ou autre
limitée de la réalité où ils se trouvent à
ce moment-là.
Dans le cas de l'euro, on ne peut que
convenir que le danger de l’€xpérience
pour les initiateurs est a priori moins grand, leur vie n'étant pas en
jeu... sauf révolution sanglante inattendue du peuple, en
réponse...
L’euro a peu de choses à
voir avec l’expérience de l’Union monétaire latine
(U.M.L.) qui a été menée à partir de 1865 et a
duré, cahin-caha, avec des interruptions, jusqu’en 1926…
et à quoi, parfois, certains l'ont comparée.
L'U.M.L. n’avait pas tenu
d’abord dans une quelconque fusion des systèmes
monétaires des pays concernés (ceux de France, Belgique,
Suisse, Italie et Grèce), ni dans la création d’une
« super banque centrale » (type « banque centrale
européenne » - B.C.E.-) pour l’occasion.
L’objectif fondamental, beaucoup
plus modeste, était que les pièces de monnaie en or ou en
argent circulassent sans barrière dans les divers pays de l'Union.
Le résultat de la fusion
actuelle des dix-sept systèmes monétaires historiques nationaux
est donc un système monétaire régional – «
régional » à l’échelle du monde entier
– centralisé, élément d'un système
monétaire international décentralisé, « dont les
centres sont partout et la circonférence en définitive nulle
part ».
2. L’unité de compte.
L’« euro » est aussi
la dénomination de l'unité de compte de l’€xpérience. Les hommes de l'Etat, parties dans
l'accord de fusion, l'ont définie en deux temps : en mai 1998 puis
définitivement le 31 décembre 1998.
Pour mémoire, la conversion du
franc français en euro a été décidée sur
la base de :
€ 1 = FF 6,55957.
a) Depuis lors, et par exemple, les
prix d’échange des biens en France ne sont plus exprimés
en franc français, les prix d’échange en Allemagne ne le
sont plus en Deutsche Mark, mais comme dans les autres pays membres du
système monétaire régional, en euro.
Une grande façon de retracer
l'€xpérience dans le passé
consiste à s’intéresser à l'évolution des
prix en euro ou, si on préfère la dénomination, à
l'évolution de son pouvoir d'achat intérieur.
Officiellement, la Banque centrale
européenne, par la bouche de J.C. Trichet, son président pour
quelques mois encore, revendique la stabilité du pouvoir d’achat
de l’euro – elle avance que, jusqu’à présent
et depuis l’origine, la baisse du pouvoir d’achat de l’euro
a toujours été inférieure annuellement, en moyenne,
à 2% - :
« Au terme de bientôt douze
années d’expérience avec l’euro, nous pouvons juger
si la B.C.E. a rempli son mandat avec succès.
Or, au cours de ces douze
années, le taux d’inflation annuel moyen dans la zone euro a
été de 1,97 %. Nous avons donc assuré la
stabilité des prix dans la zone euro sur un horizon déjà
assez long.
Ce résultat est meilleur que les
performances enregistrées par quelque grand pays de la zone euro que
ce soit au cours des cinquante années qui avaient
précédé l’avènement de l’euro.
Les conditions dans lesquelles la
stabilité des prix a été maintenue n’ont pas
toujours été faciles, le Conseil des gouverneurs de la B.C.E.
ayant eu à affronter un certain nombre de chocs économiques et
politiques depuis 1999, avec une nouvelle institution, une nouvelle monnaie
et un nouveau cadre de politique monétaire.
Au fil des années, nous avons
été confrontés à des évolutions
extrêmement volatiles de nombreuses composantes du panier de
consommation, notamment les cours du pétrole qui ont atteint
près de 150 dollars le baril, à des variations
considérables des taux de change, à l’éclatement
de la bulle Internet et aux répercussions des attentats du 11
septembre 2001 aux États‑Unis, pour ne mentionner que quelques exemples.
Les résultats obtenus,
après douze années de stabilité des prix, sont donc
notables.
En France, le taux d’inflation
annuel moyen entre 1999 et octobre 2010, qui s’est établi
à 1,8 %, a même été inférieur au taux moyen
enregistré dans la zone euro ces douze dernières années.
Ce résultat est également
inférieur au taux moyen (2 %) observé dans les années
1990 dans le pays avant l’introduction de l’euro.
Pour mémoire, l’inflation
moyenne dans les années 1980 s’était élevée
à 7,4 % et à 8,8 % dans les années 1970.
L’euro, dans sa capacité
à protéger le pouvoir d’achat, est donc plus
crédible que ne l’ont été les anciennes monnaies
nationales depuis 50 ans. » (J.C. Trichet, « Les enseignements de
la crise » - intervention devant le European
American Press Club, Paris, le 3 décembre
2010, cf. ci-dessous annexe 3).
A écouter le président de
la B.C.E., pour les peuples de certains pays dont les gouvernements voyaient
d’un bon œil la politique inflationniste, cette «
stabilité » du pouvoir d'achat de l’euro correspond
à un gain. Ils n’ont plus à supporter l’impôt
d’inflation.
Graphique 1.
Evolution des prix dans la zone euro
2007-2010
Il n’en reste pas moins que,
d’après le graphique ci-dessus (O.C.D.E., mars 2011) qui fait
intervenir un indice général des prix, le H.I.C.P. , dans la zone euro, les prix ces quatre
dernières années ont eu une évolution un peu
différente de celle racontée : il y a eu une instabilité
certaine des prix que visualise la « courbe en pointillé ».
Comment expliquer
l’évolution des des prix en question
ou cette instabilité ?
Répondre à la question
n’est pas l’objet du présent texte qui vise seulement
à donner des éléments pour la comprendre, des
éléments qui sortent de l’ordinaire.
b) Les monnaies ou unités de
compte étrangères ont aussi un prix d'échange en euro.
Exprimé dans
l’unité de compte des Etats-Unis qu’est le « dollar
», le prix de l'unité de compte « euro » a eu, dans
la période 1999-2001, l'évolution retracée dans le
graphique 2:
Graphique 2
Prix de l’euro en dollar
1999-2011
Source :
http://research.stlouisfed.org/fred2/series/DEXUSEU/ (mis à jour à
mi-septembre 2011)
Ce graphique 2 est une deuxième
façon très résumée de retracer l’€xpérience dans le passé.
Nous nous limitons à ce seul cas
de monnaie étrangère pour la raison que, parmi les «
monnaies publiques réglementées » du monde (cf.
ci-dessous), le dollar est la monnaie qui l’est, selon toute
vraisemblance, le moins et que retracer l’évolution du prix de
l’euro dans une monnaie plus ou moins réglementée autre
que le dollar ne présente guère d’intérêt
économique : les informations données sont faussées pour
ne pas dire mensongère à cause de la réglementation...
Cela explique que, par exemple,
l’évolution du prix de l’euro en yuan renminbi – la
monnaie de la Chine communiste - ne soit pas retracée en dépit
de tout ce qu’on en dit ces derniers temps, mais aussi depuis plusieurs
années, cette monnaie est le « top de la réglementation
».
Comment expliquer
l’évolution vaguement sinusoïdale du prix de l’euro
en dollar dans la période 1999-2011 qui traduit une instabilité
du prix en question?
Répondre à la question
n’est pas non plus l’objet du présent texte qui vise
seulement à donner des éléments pour la comprendre, des
éléments qui sortent de l’ordinaire.
3. L’euro, une monnaie
réglementée.
Quoique expérience
monétaire sans précédent - €xpérience
-, l’euro n’est pas entièrement original du double point
de vue des institutions monétaires du XXème siècle et
des véritables coups d’Etat successifs de la décennie
1930 et des décennies ultérieures dans le domaine qui
l’ont ponctué.
L’euro est une monnaie dont
chaque possesseur sait qu’il ne peut pas en demander à
l’émetteur une conversion en quoi que ce soit, la «
convertibilité » à taux fixe et à la demande est
interdite, i.e. l’euro est sans référence à un
étalon.
En toute rigueur, et d’une part,
chaque fois que la B.C.E. vend des actifs ou des créances contre euro,
elle rachète sa monnaie ou, si on préfère, elle la
convertit à son gré en ces actifs ou créances, mais pas
à un taux fixe, ni surtout à la demande expresse des
possesseurs de la monnaie.
D’autre part, l’euro est
ainsi un « substitut de monnaie bancaire » (de formes «
billet » et « compte de dépôt »), «
substitut de rien », et non pas une monnaie au sens historique du mot.
Il faut se souvenir en effet que
jusqu’à la décennie 1930, le mot « monnaie »
était réservé à ce en quoi les substituts de
monnaie bancaires étaient convertibles à taux fixe, à la
demande, à savoir une quantité d’or ou d’argent,
dont la banque détenait d'ailleurs un stock. Avec la
convertibilité en or ou en argent interdite au XXème
siècle par les législateurs nationaux – sans que les
peuples s’en formalisassent... -, le mot « monnaie »
n’avait plus de raison d’être.
Force est de reconnaître
qu’au lieu d’être abandonné, le sens du mot a
été déplacé et le mot a désigné
désormais les substituts de monnaie bancaires du passé, de fait
"substituts de rien"...
Autres réglementations,
l’émission des billets en euro est monopolisée par une
banque centrale – la B.C.E. créée pour l’occasion -
et l’utilisation des billets ou des quantités d’euro sur
les comptes de dépôt est obligatoire pour vous et moi sur le
territoire de juridiction de celle-ci pour effectuer ou recevoir des
paiements.(1)
Quoique statutairement
indépendante des gouvernements des Etats, parties prenantes dans
l’€xpérience, les dirigeants de
la B.C.E. sont sous pression de ceux-ci quoique, statutairement, celle-ci en
soit indépendante.
Ces derniers ont d'ailleurs
créé, au pied levé, une instance chargée pour le
moins de faire pression, à savoir l' « Eurogroupe
».
Ils ont aussi créé
ensuite, plus récemment, une « facilité européenne
de stabilité financière » (F.E.S.F.) pour, au moins le
croient-ils et veulent-ils en persuader les peuples, faire face en définitive
… à tous leurs abus.
Cette « facilité »,
de fait véritable « fonds monétaire européen
», n’est jamais qu’une règlementation de plus dont
l’esprit est diamétralement opposé à celui des
« critères de Maastricht » et qui bat en brèche
ceux-ci…
Au total, jusqu'à la
création de l'euro, il existait deux grands types de monnaies
réglementées, à savoir les monnaies publiques nationales
et les monnaies institutionnelles.
Etaient représentatifs du type
« monnaie institutionnelle » les « droits de tirages
spéciaux » – D.T.S. - créés à la fin
de la décennie 1960 par le Fonds monétaire international -
F.M.I. – ((2), cf. annexes 1 et 2 ci-dessous).
A soi seul, et à l’image
des D.T.S., l'euro a inauguré un troisième grand type de
monnaie réglementée, à savoir la « monnaie
régionale ».
La « monnaie régionale
» est une monnaie « privilégiée » pour autant
qu’émise par un monopole créé pour l'occasion,
elle circule « librement » dans les frontières de
plusieurs pays disposant, chacun, d’un Etat, et que vous et moi qui
vivons dans les frontières de ces pays avons obligation de
l’utiliser pour effectuer ou recevoir les paiements de nos
échanges (3).
4. Les règles de l’euro.
Comme toute expérience,
l’€xpérience repose sur des
règles à suivre de diverses natures dont l’ensemble
constitue sa méthode.
Dans son cas, les règles sont
des règles de conduite convenues d’un commun accord par les
hommes de l’Etat de différents pays de l’Union
européenne dans la décennie 1990 où interviennent, en
particulier, les règles connues sous les dénominations «
critères de Maastricht» ou « pacte de stabilité et
de croissance ».
Ces règles sont donc
elles-mêmes un des résultats de l'accord politique
intergouvernemental qu’a été au départ l'euro.
Mais l'accord politique avait aussi des
objectifs.
Parmi eux, jusqu’à 2005,
l’objectif accentué était que l’euro favoriserait
la création d’un « Etat européen »
étant donnée - ou non - l’idée formulée par
Jacques Rueff selon laquelle « l’Europe se fera par la monnaie ou
ne se fera pas » (4).
Cette année-là, les
« non » majoritaires aux référendums soumis respectivement
aux Français et aux Hollandais sur le « traité
constitutionnel » ont fait mettre de côté
l’objectif.
Depuis lors, les objectifs sont pour le
moins confus.
Ils le sont d’ailleurs
d’autant plus qu’il s’avère aujourd’hui,
rétrospectivement, que les règles « du jeu »
n’ont pas été respectées par les gouvernements de
certains pays, malgré les engagements pris, depuis presque le
départ de l’expérience.
Par exemple, la France et
l’Allemagne ont été poursuivies par la Commission de
Bruxelles. Et cela a conduit à une réforme du « pacte de
stabilité et de croissance » en 2005...
Mais cela n’a pas suffi à
ce que les engagements soient respectés par les pays.
En témoignent les cas actuels
d’un certain nombre de pays qu'un humour médiatique anglais a
limités et classés sous le chapeau « P.I.G.S. »
(pour « Portugal, Ireland or Italy, Greece, Spain», le sigle signifiant «
cochons» en français).
Bien plus, cela a contribué
à monter en épingles un problème qui n’aurait
jamais dû voir le jour.
Il consiste à prétendre
qu’il existe une relation entre la monnaie réglementée
d’un pays et le budget de l’Etat de celui-ci, que la «
bonne tenue » de la monnaie sur le marché dépend du
budget.
Dans le cas de l’euro où
il n’y a pas un Etat, mais des Etats, la « bonne tenue » de
l’euro sur le marché dépendrait des budgets des Etats des
pays de la zone euro.
5. Pourquoi s'intéresser
à l'euro.
Etant donnés tous ces
éléments, que penser de l'avenir de l'euro ?
Pour pouvoir l'envisager en quelques
phrases, il faut faire un détour par le concept ignoré de
« coût résiduel de l'échange » et, d'abord,
répondre à la question « pourquoi
s’intéresser à l’euro ? » qui y conduit.
a) Une réponse à la
question, de l’ordre de la logique, consiste à dire : il faut
s’intéresser à l’euro parce que tous les
éléments qui viennent d’être rappelés ne
sont pas a priori économiquement cohérents et qu’en
conséquence des contradictions, l’euro est impossible et ses
heures ne peuvent qu’être comptées.
b) Mais il y a d’autres
réponses possibles, à commencer par celle qui s’articule
à l'évolution de la théorie de la monnaie.
Il y a cent ans, en 1911, la science de
la monnaie (5) était encore dans les langes, le bébé
« monnaie » n’était pas encore dans «
l’eau du bain »… dont aiment tant à parler de plus
en plus certains commentateurs français (6).
Les hommes de l’Etat ne voyaient
encore dans la monnaie qu’une source de revenu fiscal, certes
importante et dont ils n’hésitaient pas à abuser le cas
échéant, mais rien d’autre.
Avec le XXème siècle
commençant, la fin de la guerre de 1914-18 et les idées fausses
de certaines idéologies malheureusement triomphantes, tout allait
changer. En particulier, allait surgir de certaines théories
économiques la désormais fameuse « politique
monétaire » (7).
c) Dans la décennie 1960, en
préliminaire à une conférence, Milton Friedman
s'était posé la question voisine : « pourquoi
s’intéresser à la monnaie plutôt qu’à
des épingles ?», et il avait répondu : « ... parce
que les prix sont exprimés en monnaie. »
Et on sait l’importance des
variations des prix en monnaie non provoquées par la politique
monétaire: elles permettent les ajustements économiques en
douceur quand il y a des perturbations de l’activité économique
et quand, bien sûr, les prix en monnaie ne sont pas bloqués
réglementairement.
6. La diminution du coût de
l'échange.
Je préfère, pour ma part,
répondre à la question de M. Friedman : … parce que la
monnaie a contribué à diminuer le coût de l’action
d'échange de biens en propriété ou bien, si on
préfère s’exprimer en termes rhétoriques, …
parce que la monnaie a contribué à réduire les
"frictions" (8) – pour reprendre le mot de J. Hicks (1935)
(9) - et autres inconvénients de l’économie ; et ce n'est
pas fini.
Encore faut-il, pour pouvoir donner
cette réponse, reconnaître le concept de « coût de
l’action d’échange » et les concepts qui vont de
pair, des concepts que même Friedman et ses amis «
monétaristes » de l’Ecole de Chicago n’ont jamais
fait intervenir car ils ne ressortaient pas aux hypothèses de la
théorie du même nom, mais à celles de la «
théorie autrichienne de la monnaie » et qu’ils s'en
séparaient.
Le point est résumé dans
l'encadré ci-dessous.
Encadré
Le concept de coût de l'échange
Il convient de reconnaître
qu'avant d'être résultat convenu - ou objectif abandonné
en cours de débat sur les conditions de l’échange –
par les parties, l'échange de biens en propriété est
d'abord une action humaine comparable à d'autres actions comme celle
de production.
Et il y a la question préalable
que chacun se pose, consciemment ou non et à quoi
l’économiste doit répondre : produire ou échanger
? « On ne peut faire qu'une chose à la fois » !
Une fois l’action
d’échange choisie plutôt qu’une autre..., à
l’économiste de dire sur quelle base, sur quels critères
a été effectué le choix.
Un certain consensus tacite ne peut que
régner sur la réponse : c’est alternativement le profit
ou le revenu, attendu avec incertitude par les personnes concernées.
Reste que « on ne fait rien sans
rien ».
Au minimum, une action
d’échange projetée prend du temps. En d’autres
termes, non rhétoriques mais économiques, tout échange
de biens a un coût d'opportunité – le sacrifice qui tient
aux actions non menées, le revenu qui aurait pu être tiré
de la meilleure de ces autres actions si elle avait été
menée et qui a donc été abandonné-.
Reste enfin qu'on tend à faire
le plus avec le moins, c’est la loi de l’économie ou
c’est la rationalité de chacun selon la façon de
s’exprimer qu’on préfère employer.
Si l’échange
débouche, i.e. s'il y a accord entre les parties, si le «
marché est conclu », il y a un prix en monnaie qui en informe
à sa façon (10).
Etant donnés le concept de
« coût de l’échange » et le prix en monnaie,
l'économiste dira que l’échange de biens qu’il a
observé a débouché ou bien qu’il y a eu accord car
le coût de l’échange n’était pas
estimé trop élevé par les parties. Il pourra dire aussi
que les biens étaient échangeables, « marchands ».
A l’opposé, il dira, mais
en théorie seulement car il ne peut l’observer sauf cas
particuliers, que l’échange de biens ne débouche pas,
qu’il n'y a pas d'échange car le coût est estimé
trop élevé. Bref, si le coût de l’échange
était moins élevé, il y aurait échange …
(11)
A l’aune de l'échange non
conclu, il pourra toujours dire aussi que les biens ne sont pas
échangeables, qu’ils sont « non marchands » ou
qu’une autre action est menée.
Bien évidemment, si on n’a
pas introduit le concept de coût de l’échange des biens en
propriété, tout ce qui précède est impensable
à dire. Or, à l'exception de ceux de l'école de
pensée autrichienne, les économistes ne prennent pas en
considération ce concept sauf, le cas échéant, sous une
forme édulcorée (12) ou dénaturée.
Mais alors, pourquoi ce choix
méthodologique ? Il s’agirait de l’expliquer, ce qui
n’est pas fait et ne sera pas fait ci-dessous car le sujet est autre.
7. Le concept de « coût
résiduel » de l'échange.
Point important à souligner, la
monnaie n'a pas contribué à diminuer le coût de
l'échange, ni à l’origine, ni par la suite, de
façon à ce qu'il soit nul.
En d'autres termes, elle a
contribué à ce qu’on dénommera un «
coût résiduel » de l'échange et ce coût,
certes de moins en moins élevé, a perduré
jusqu’à aujourd’hui inclus.
Les « économies de
coût » initiales qu’avaient suscitées, selon le mot
qu'on préfère employé, moyens, instruments ou
intermédiaires des échanges observables, ici ou là, ont été
jugées insuffisantes.
Des « économies de
coût » supplémentaires ont été
recherchées … et trouvées. Les moyens, instruments ou
intermédiaires ont ainsi connu des améliorations, voire des
innovations jusqu'à aujourd'hui inclus – avec la « monnaie
électronique » - qui ont tendu à diminuer le coût
résiduel de l’échange.
De fait, une fois ces moyens,
instruments ou intermédiaires dénommés aussi entretemps
«formes de monnaie » et celles-ci mises en perspective sous le
chapeau « monnaie », cette dernière a démontré
sa vraie nature, celle d’être un processus de réduction du
coût de l’échange, action humaine, un processus qui fait
intervenir des biens (services ou non) et des organisations... (13).
8. L'inversion de la causalité.
Non cerné en tant que concept,
caché par la rhétorique des « frictions », le
« coût résiduel » de l'échange fait
apparaître que certains économistes, politiques ou commentateurs
ont, volontairement ou non, dénaturé le processus de la monnaie
au point d’inverser la causalité.
Au lieu de mettre le doigt sur la
réalité qu’on vient de dire, à savoir qu'il
contribue à réduire le coût de l’échange des
biens en propriété, ils ont imputé l'apparence qu'ils
avaient en tête à la monnaie soi-même, en avançant
que la monnaie était coûteuse et, à cause de cela,
l’échange de biens en propriété était
coûteux (14).
Par manque de concepts mais pas
d'artifices, ils en sont aussi arrivés à parler des «
maladies » de la monnaie, mais surtout, au prix d'un double saut
périlleux, à voir dans les hommes de l'Etat des «
docteurs Miracle » (15)..
En conséquence de cette
imagination débordante, ils ont appelé de leurs vœux la
seule potion magique que pussent fabriquer les hommes de l’Etat,
à savoir des règlementations de la monnaie ou, mieux encore, des
« politiques monétaires ».
Et c’est ainsi que, depuis la fin
de la guerre de 1914-18, les réglementations se sont
succédé, juxtaposé (16).
Puis la politique monétaire a
fait son entrée en scène et y est restée
jusqu’à aujourd’hui inclus.
L’euro est ainsi, en
définitive, le dernier grand remède en date trouvé pour
faire face aux « maladies » des économies nationales des
pays concernés.
Il convient de reconnaître que,
dans la perspective de sa création, nos économistes, politiques
ou commentateurs avaient effleuré le concept de coût
résiduel de l’échange en avançant que l’euro
permettrait que les prix affichés soient exprimés avec la
même unité dans les pays membres de l’euro, donnant ainsi
la capacité aux consommateurs de faire des comparaisons
élargies, et que les échanges dont les prix convenus fixent en
définitive, chacun, l’accord, l’équilibre des
parties, soient payés avec la même monnaie.
Mais n’ayant pas comme concepts
d’analyse économique les éléments pertinents de
« l’action humaine » digne de ce nom, ils ne sont pas
allés au-delà (17).
Ils y sont d’autant moins
allés qu’ils avaient en tête une autre idée, pour
le moins saugrenue : à savoir que la fusion des monnaies nationales
canalisée par une banque centrale était une étape
nécessaire dans le chemin qui devait mener à la création
d’un Etat européen selon leur cœur.
9. La diminution du coût
résiduel de l'échange et l'€xpérience.
L’euro a-t-il effectivement
diminué le coût résiduel de l’échange ?
Il est difficile de répondre en
quelques mots à cette question et nous ne le ferons pas (18). Deux
éléments de réponse néanmoins.
Le fait est, d’une part,
qu’il y a toujours des innovations monétaires (opérations
monétaires par « téléphone portable » par
exemple), que ces innovations contribuent à abaisser le coût
résiduel de l’échange - elles en sont des manifestations
-, et qu'a priori, l'existence de l'euro ne les bloque pas.
Il est même difficile de
démêler dans la diminution du coût résiduel de
l’échange, si on la reconnaît, ce qui est du à
l’innovation seule et ce qui pourrait être dû aussi
à l’euro.
D’autre part, on ne peut que
convenir que l'instabilité des prix en monnaie canalisée par
les anticipations de chacun contribue à bloquer la diminution du
coût résiduel de l'échange si elle est forte et
correspond à une augmentation des prix en euro à un rythme
élevé. S’il y a illusion que les prix sont stables, tout
va bien.
Quid de la stabilité des prix en
euro ou du pouvoir d'achat intérieur de l'euro ?
Elle n'a pas été
ordinaire, mais est discutable (cf. graphique 1 ci-dessus par exemple).
En tout état de cause, de ce
point de vue, l’euro n’est pas un blocage à la diminution
du coût résiduel.
10. Quel avenir donné à
l'euro ?
Etant donnés, d’une part,
les évolutions passées observables de l’innovation et de
la réglementation dans le domaine de la monnaie et, d’autre
part, le fait qu’on ne peut pas dire que le coût résiduel
de l’échange soit aujourd'hui nul, ni que sa diminution soit
bloquée par l'euro, il faut s'attendre avec incertitude dans l'avenir
aux mêmes phénomènes d'innovation et de
réglementation.
La réglementation
monétaire qu’à la fois, est et cache l’euro, est
indirectement en concurrence avec le processus d’innovation
monétaire de la fin du XXème siècle
dénommée « monnaie électronique »
Ce dernier processus pourrait fort bien
à la fois faire s’affranchir de la réglementation (19)
quiconque le désire et faire ré émerger
des monnaies privées – comme dans l’ancien temps -.
Ainsi seraient affectés les
monnaies publiques réglementées et, en particulier, l'euro.
Il reste que si l’euro est
perçu comme une monnaie qui effectivement contribue à ne pas
empêcher la diminution du coût résiduel de
l’échange de biens en propriété que suscite l’innovation, l’euro perdurera.
Si, à l’opposé,
l’euro est considéré devenir une source de charges
nouvelles ou des obstacles à des baisses évidentes de charges
et laisse attendre à vous et moi, par exemple, un rythme
d’augmentation des prix en monnaie élevé, en particulier,
plus élevé que le plafond qui a été fixé
statutairement à 2% à la banque centrale européenne et
que, par sa politique monétaire, celle-ci accepte
délibérément de dépasser, il en sera fini de sa
survie.
Or, sur ce point, le Wall Street
Journal rapportait le 24 janvier 2011 que le président de la B.C.E.,
avait déclaré la veille que la B.C.E. ne réagirait pas
à un sursaut temporaire d'inflation indiqué par des prix des
biens plus élevés aussi longtemps qu'il ne donnerait pas lieu
à des augmentations de salaire, phénomène
dénommé aussi « effets de deuxième tour »
(20).
Et les anticipations inflationnistes
sont en augmentation, ces derniers temps (cf. graphique 3 ci-dessous) :
Graphique 3
Anticipations inflationnistes
dans la zone euro et au Japon
(2007-2010)
Il ressort du graphique que les
anticipations inflationnistes ont atteint 3% ce dernier trimestre, premier de
l’année 2011, dans la zone euro, alors qu’au Japon elles
restaient de l’ordre de 0%.
Dans ces conditions, l'avenir de l'euro
est ouvert : l'euro peut autant prospérer que disparaître.
Si on privilégie le fait que
l'euro va contribuer, à cause d'anticipations inflationnistes
croissantes, à bloquer le processus séculaire de diminution du
coût de l'échange par l’innovation, les jours de l'euro ne
peuvent qu'être comptés.
Annexes
Annexe 1.
Rueff, J. (1967), "Nathanaël
ou l'or papier", Le Péché monétaire de l'Occident,
chapitre XIII, Plon, Paris. Réédité dans Œuvres
complètes de Jacques Rueff, tome II : Politique économique,
chapitre XV, Plon, Paris.
Annexe 2.
Rueff, J. (1969), « Ce qui doit
arriver arrive », Œuvres complètes de Jacques Rueff, tome
II : Politique économique, chapitre XVI, Plon, Paris.
Annexe 3.
Trichet, J.C. « Les enseignements
de la crise », intervention du Président de la Banque centrale
européenne devant le European American Press Club (Club euro américain de la presse)
Paris, le 3 décembre 2010. Direction Communication - Division Presse
et information Internet : http://www.ecb.europa.eu
Annexe 4.
“Trichet Signals ECB May Look Through Temporary Inflation
Jump”, WSJ Reports, 24 janvier 2011
Annexe 1.
Rueff, J. (1967), "Nathanaël
ou l'or papier", Le Péché monétaire de l'Occident,
chapitre XIII, Plon, Paris. Réédité dans Œuvres
complètes de Jacques Rueff, tome II : Politique économique,
chapitre XV, Plon, Paris.
Il y a près de quarante ans,
Jacques Rueff écrivait dans le chapitre XIII de son livre Le
Péché monétaire de l'Occident un chapitre intitulé
"Nathanaël ou l'or papier".
Ce texte mérite attention car
certains voudraient réactiver les droits de tirages spéciaux du
Fonds monétaire international dont parle le texte.
"Voyant avec angoisse le
progrès de la négociation tendant à créer, contre
le plus élémentaire bon sens, les droits de tirage
spéciaux, je crus nécessaire d'avertir l'opinion des dangers et
des risques de graves désordres monétaires qu'impliquait la
politique à laquelle l'Occident semblait se résigner.
Je marquai ma position dans un article
que publia Le Monde, le 19 septembre 1967, sous le titre qui figure en
tête du présent chapitre :
En tant que transaction entre
l'or-papier, demandé par les Américains, et le papier
convertible en or, souhaité par la France, la solution de Londres
échappe à la juridiction de la raison raisonnante pour ne
ressortir qu'au jugement des négociateurs.
Compte tenu de tout ce qu'ils savaient, notamment des pensées
et arrière-pensées qui leur étaient apparues au cours de
cinq années de ratiocinations stériles, ils étaient
seuls en mesure de choisir consciemment entre le désirable et le
possible.
Mais la raison reprend ses droits
lorsqu'il s'agit de prévoir et d'apprécier les
conséquences de la réforme envisagée.
Il a été constamment
affirmé et solennellement réaffirmé, au cours de la
réunion ministérielle des 17-18 juillet 1967, qu'une
éventuelle réforme ne serait mise en oeuvre
qu'après disparition du déficit de la balance des paiements des
Etats-Unis, faute de quoi elle apparaîtrait seulement comme un
expédient destiné à permettre de régler un peu
plus longtemps, sans prélèvement d'or, ce déficit.
Deux procédures et deux procédures seulement peuvent
corriger le déficit d'une balance des paiements : l'action
administrative, par contrôle autoritaire des sorties de capitaux, ou la
mise en oeuvre d'une technique monétaire
appropriée.
Le maintien du déficit de la balance des paiements des
Etats-Unis au cours des six dernières années, nonobstant la
volonté constamment affirmée par le gouvernement américain
de le faire disparaître, et l'annonce indéfiniment
renouvelée par les plus hautes autorités financières des
Etats-Unis qu'il allait disparaître, confirment la totale
inefficacité, hors des pays totalitaires, des efforts tendant au rétablissement
de l'équilibre par manipulation de l'actif et du passif des
échanges internationaux.
Si pareils efforts avaient pu donner le
résultat auquel ils tendaient, c'eût été
assurément aux Etats-Unis, favorisés par le caractère
quasi insulaire du continent américain, par la loyauté patriotique
de leurs populations et par la haute technicité de leurs
économistes.
N'est-ce pas un singulier paradoxe que de voir le pays de la libre
entreprise se faire le champion d'une procédure ne pouvant trouver une
relative efficacité que dans le cadre des structures autoritaires et
des contrôles policiers les plus rigoureux ?
Qu'on ne dise pas que le déficit
de la balance des paiements des Etats-Unis est la conséquence
nécessaire de la guerre du Vietnam. La France n'a jamais eu meilleure
balance des paiements que pendant la guerre d'Algérie.
Quant à l'équilibre par
action sur la demande globale, c'est-à-dire par la politique
monétaire, il peut être obtenu
- soit par le jeu de
l'étalon-or, c'est-à-dire par la suppression, en droit ou en
fait, des procédures de compensation issues du gold-exchange standard,
- soit par une politique de
crédit réalisant volontairement et consciemment les
contractions de pouvoir d'achat que le règlement en or des
déficits eût entraînées.
Il va de soi que les « droits de tirage spéciaux »,
nouvel aspect des nombreux expédients qui ont marqué la
politique monétaire internationale depuis 1961 (accords
généraux d'emprunt, swaps, bons Roosa,
augmentation des quotas du F.M.I.), supprimeront ou atténueront les
influences proprement monétaires tendant au rétablissement de
l'équilibre.
Pour ce qui concerne le remplacement par une politique de
crédit consciente des mouvements de demande globale qu'eut
entraînés l'étalon-or, l'exemple des Etats-Unis a
montré, une fois de plus, qu'il était, en régime
d'opinion politiquement impossible.
Il est donc très improbable que,
dans les conditions existantes, l'équilibre de la balance des
paiements des Etats-Unis soit, à proche délai, rétabli
et certain que l'institution des droits de tirage spéciaux, si elle
était réalisée nonobstant le déficit,
l'empêcherait de se rétablir.
1. Une décision très
insolite.
Néanmoins, de hautes
autorités monétaires des Etats-Unis, appuyées par
d'empressés médiateurs, déclarent que 1' « or en
tant qu'instrument de change est voué à la disparition »
et veulent le remplacer par 1' « or-papier ».
La première raison serait, selon
eux, qu' « on ne voit pas comment on pourrait se procurer assez de
métal jaune pour couvrir les besoins des paiements internationaux
».
Au prix actuel de l'or, ils ont
certainement raison. Mais ils oublient que, depuis qu'en 1934 le prix de l'or
a été fixé à son niveau présent (35
dollars l'once), tous les prix ont plus que doublé aux Etats-Unis.
Les besoins de métal ne portent
pas sur un poids mais sur une valeur déterminée.
La décision qui maintenait
à un niveau sans rapport avec le niveau général des prix
le prix du métal jaune avait pour effet de réduire de plus de
50% la valeur nominale des stocks d'or et celle de la production annuelle,
relativement à ce qu'elles eussent été si elles avaient
été calculées à un prix normal.
Hors cette conséquence purement
arithmétique, le maintien, pour l'or, du prix de 1934
réduisait, en poids, la production annuelle, car elle rendait
l'extraction du métal, notamment dans les mines pas moins rentable qu'elle
ne l'eût été si le prix de l'or avait été
maintenu approximativement à sa place dans la hiérarchie des
prix.
Que l'on pense, pour mesurer
l'importance de cette conséquence, à ce que serait la
production du blé s'il était vendu à son prix de 1934.
Par ailleurs, le décrochement du
prix supprime l'influence régulatrice qui tend à ajuster la
production de l'or aux besoins du marché.
Enfin, l'insuffisance de valeur que le
prix actuel du métal donne au stock d'or américain relativement
au montant des balances dollar répand le sentiment que, malgré
les déclarations constamment renouvelées du gouvernement
américain, la convertibilité du dollar en or pourrait ne pas
être indéfiniment assurée.
Les craintes d'embargo sur l'or
suscitent incontestablement la thésaurisation du métal,
à tel point qu'en 1965 l'augmentation des réserves
monétaires globales n'a été que de 250 millions de
dollars contre 740 en 1964 et 840 en 1963 et qu'en 1966 les stocks d'or
officiels, bien loin de s'accroître, ont diminué d'environ 90
millions de dollars.
Pour toutes ces raisons, l'immobilisation du prix de l'or à son
niveau de 1934 crée artificiellement l'insuffisance du stock d'or,
l'insuffisance de la production du métal et l'insuffisance de la part
de la production qui entre dans les réserves monétaires.
Mais cette triple insuffisance ne résulte en aucune
façon de la nature des choses. Elle est tout entière l'effet de
la décision très insolite qui maintient le prix de l'or au
niveau où il a été fixé en 1934, dans un monde où
depuis cette époque, du fait d'une guerre mondiale et de quinze
années de gold-exchange standard, les prix-or ont plus que
doublé.
II va de soi que cette décision aurait pu ne pas être
prise et pourrait être à tout moment révoquée.
Elle est donc essentiellement contingente.
Déclarer que les « droits de tirage spéciaux
» doivent être créés pour parer à
l'insuffisance du métal que l'on a ainsi volontairement suscitée,
c'est renouveler le geste — pour le moins irrationnel — de ce
Nathanaël qui, selon André Gide, « suivait pour se guider
une lumière que lui-même tenait en sa main ».
2. Du néant habillé en
monnaie.
Aux termes du communiqué de
Londres, les droits de tirages spéciaux constitueront
« une nouvelle facilité
destinée à compléter, dans la mesure où le besoin
s'en manifestera, les avoirs de réserve existants ».
Or le détournement de la
production d'or des réserves monétaires vers celles de la
thésaurisation, ainsi que le désembrayage de la
régulation des extractions par les variations du niveau
général des prix feront à coup sûr naître la
nécessité de «compléter les avoirs existants
».
Bien plus : les symptômes de
ralentissement économique, qui sont apparus dans le monde depuis que
nombre de pays n'acceptent plus qu'avec réticence l'augmentation de
leurs balances-dollars, marquent que la nécessité de
compléter les avoirs existants se manifeste actuellement sous nos
yeux.
Les champions du maintien du prix de
l'or à son niveau de 1934 auraient mauvaise grâce à
s'attendrir sur les souffrances que provoquerait une éventuelle
aggravation de la récession.
Leurs jérémiades seraient
pareilles à celles d'un parricide qui demanderait la pitié
parce qu'il serait orphelin.
Si, contre tout bon sens, la situation
présente se prolonge — je veux dire l'immobilisation du prix de
l'or — la création de liquidités nouvelles deviendra
sûrement nécessaire.
Les Américains auraient
même souhaité, laisse-t-on entendre, que le principe d'une
création annuelle de 1 à 2 milliards de dollars
supplémentaires fût dès maintenant accepté.
« Il n'y a pas », explique
une haute personnalité américaine, "d'instrument plus
pratique, plus souple... qu'une unité de change abstraite."
"Il ne s'agit", ajoute la
même voix, "que de transposer sur le plan international le
système en vigueur partout pour les transactions intérieures
».
Souple, elle le sera certainement.
Craignons seulement qu'à l'image
des monnaies inconvertibles — dont le monde a hélas une longue
expérience — elle le soit trop.
Y a-t-il des raisons de penser que le
collège des hautes autorités du Fonds Monétaire
International s'avère plus savant, plus raisonnable, plus
indépendant et plus conscient que ne l'ont été si
souvent dans le passé les autorités monétaires
nationales.
Quant à l'assimilation des « droits de tirage
spéciaux » aux monnaies nationales, elle est fallacieuse.
Sauf inflation
caractérisée, les monnaies nationales ont pour contrepartie,
dans les actifs de l'institution émettrice, de l'or, des effets de
commerce, des warrants, des promesses de paiement émanant de
débiteurs solvables ou des bons du Trésor représentatifs
de recettes publiques ultérieures.
Les droits de tirage spéciaux ne seront, nonobstant une clause
de remboursement très partielle, que du néant habillé en
monnaie.
S'ils sont créés pour des
montants importants, ils ne pourront pas ne pas conduire à une
inconvertibilité monétaire totale. Ainsi prolongeant, sous une
forme nouvelle, la politique maintenant usée des balances-dollar, ils
ouvriront la porte à une inflation continue.
3. Aventure ou expansion.
C'est d'ailleurs la crainte de la
déflation qui inspire, consciemment ou inconsciemment, les plus chauds
partisans de la réforme... Tel William Jennings
Bryan, ils ne veulent pas
« que l'humanité soit
crucifiée sur une croix d'or ».
Mais ils oublient que le risque de
déflation a pour unique source leur refus d'envisager pour le
métal jaune un changement de prix, lequel provoquerait, sans
inflation, la déthésaurisation de l'or, une baisse profonde et
durable de tous les taux d'intérêt, une immense augmentation des
possibilités d'investissement et, par tous ces moyens, fournirait la
certitude d'une vague de prospérité de grande ampleur et de
longue durée.
Ainsi pour ceux qui veulent donner au monde prospérité
et bien-être, l'alternative est simple : ou l'aventure par la mise en oeuvre d'un système d'or papier qui
connaîtra le sort de toutes les monnaies inconvertibles, ou l'expansion
dans la stabilité par le retour, consciemment organisé,
à un régime de convertibilité métallique,
épuré de toutes les déviations qui en ont compromis la
durée.
Espérons que l'institution des « droits de tirage
spéciaux », si jamais les conditions auxquelles elle est
subordonnée se trouvent réalisées, ne retardera pas trop
le retour — qui en tout cas s'accomplira — à l'ordre,
à la stabilité... et au bon sens."
Annexe 2.
Rueff, J. (1969), « Ce qui doit
arriver arrive », Œuvres complètes de Jacques Rueff, tome
II : Politique économique, chapitre XVI, Plon, Paris.
"[...] Si l'on veut parer aux
graves dangers qu'implique, pour la prospérité de l'Occident,
la hausse exorbitante des taux d'intérêt, il n'est d'autre
solution que de parer à la cause qui la provoque.
L'article précédent a
montré que cette cause se trouvait tout entière dans la
désaffection des détenteurs de capitaux à l'égard
des investissements libellés en monnaie, tels que prêts à
court, moyen et long terme, tels encore que prêts obligataires.
A ces formes d'investissements en
monnaie, ils préfèrent l'acquisition de biens réels, or,
terres, maisons, actions, tableaux ou oeuvres
d'art, ayant, du fait de leur rareté et de la demande dont ils sont
l'objet, une valeur intrinsèque.
La préférence
donnée aux biens réels relativement aux avoirs définis
en monnaie, procède du sentiment que la dépréciation des
unités monétaires, rattachées toutes, en fait ou en
droit, au dollar, est rendue probable, sinon certaine, par la
dégradation progressive de la solvabilité des deux monnaies de
réserve, le dollar et la livre sterling, ainsi que par l'inflation qui
règne dans nombre de pays de la collectivité occidentale.
Si on veut écarter les sombres
nuages qui bouchent notre horizon économique, il n'est d'autre solution
que de rendre rapidement une solvabilité internationale non discutable
à ces deux monnaies de réserve, et en outre d'éliminer
les foyers d'inflation résultant de politiques de crédit trop
libérales ou de circonstances particulières, telles celles qui
ont régné en France après les événements
de mai-juin 1968.
Rétablir la solvabilité
internationale du dollar et de la livre sterling, c'est créer la
certitude que les Etats-Unis et l'Angleterre pourront faire face sans limite
à toute demande de remboursement de balances-dollar et sterling ou
d'autres créances exigibles libellées en ces monnaies.
A cette fin, deux familles de
méthodes ont été proposées : celles qui sont
fondées sur la création ex nihilo de ressources
monétaires nouvelles, et celles qui impliquent une hausse du prix de
l'or.
Ce sont les solutions du premier type
qui seront examinées dans le présent article.
Elles ont été
formulées dans divers « plans », dont le plan Triffin est le plus ancien, mais dont le plan de droits
de tirage spéciaux, actuellement soumis à la ratification des
pays membres de la collectivité monétaire occidentale, est la
forme la plus élaborée.
Ces projets ont un trait commun : ils
prévoient la création. par des méthodes diverses, d'une
monnaie internationale nouvelle, qui est définie en or mais qui n'est
pas remboursable en or.
Cette monnaie sera émise dans
des limites définies et pourra être utilisée par les
débiteurs en paiement des déficits de leur balance des
paiements.
Il y aura ainsi substitution d'un
nouvel instrument monétaire, définitivement inconvertible en
or, aux créances dont les titulaires demandaient la conversion.
a) Une monnaie qui n'est pas «
gagnée ».
Les modalités de
l'émission diffèrent d'un plan à l'autre. J'examinerai
ici plus spécialement celles que prévoit le plan de droits de
tirage spéciaux.
Aux termes de ce projet, chacun des
Etats participants recevra chaque année une allocation de droits de
tirage spéciaux.
A concurrence de cette allocation, il
pourra demander au Fonds Monétaire International la délivrance
des monnaies dont il aura besoin pour le règlement de ses
déficits de balance des paiements ou des monnaies propres à les
procurer.
L'Etat qui aura demandé au Fonds
Monétaire International des monnaies de règlement verra
réduire, à due concurrence, le montant des droits de tirage
inscrits à son crédit dans cette institution.
Inversement, l'Etat qui aura fourni les
contingents de monnaie ainsi utilisés bénéficiera d'une
augmentation, à due concurrence, de sa provision de droits de tirage
spéciaux au Fonds Monétaire International.
Du fait de cette transaction, il y aura
réduction de la réserve de moyens de paiement internationaux du
débiteur et augmentation de celle du créancier.
En apparence, tout se passera comme si
le règlement avait été accompli par transfert d'or.
Les droits de tirage spéciaux
sembleront véritablement de 1' « or-papier ».
Mais il n'y a là que pure
apparence.
En réalité, les
différences sont profondes entre le paiement en or et le paiement en
droits de tirage spéciaux.
— L'or est produit par extraction
du sol ou obtenu par excédent de la balance des paiements. Dans les
deux cas, il est la contre-valeur d'un effort de production de la
collectivité qui en bénéficie.
Au contraire, les droits de tirage
spéciaux sont créés de toutes pièces par une
décision discrétionnaire du Fonds Monétaire
International.
— On dira que cette distribution
ne sera pas inéquitable, car elle profitera également à
tous les Etats bénéficiaires, au prorata de leur quote-part au
Fonds Monétaire International.
Mais l'égalité ici ne
sera que formelle. La faculté d'utiliser des droits de tirage
spéciaux à des achats à l'étranger sera
réservée aux Etats dont la balance des paiements sera en déficit.
Pour les autres, tant qu'ils n'auront
pas atteint le bienheureux état de pays déficitaire, les droits
de tirage spéciaux seront sans objet, même si leurs
détenteurs prétendaient acheter de l'or destiné à
leurs industries ou modifier la composition de leurs réserves.
Ainsi se révèle la
principale différence entre l'or et les droits de tirage
spéciaux.
Le premier est un pouvoir d'achat
inconditionnel, soumis à la seule souveraineté de son
détenteur.
Le second est une faculté
conditionnelle d'achat à l'étranger, soumise à
l'appréciation discrétionnaire, donc politique, de
l'organisation émettrice.
Selon le plan en cours de ratification,
le montant des droits de tirage spéciaux créés
annuellement doit être fixé en une seule fois, pour une
période de cinq ans, chaque Etat recevant une allocation
proportionnelle au montant de sa quote-part au Fonds Monétaire
International.
Ainsi, l'or est « gagné
», alors que les droits de tirage spéciaux sont «
alloués ».
On mesure la portée de cette
différence en observant les conséquences qu'elle entraîne
pour un pays dont la réserve d'or et de devises est tombée au
niveau au-dessous duquel il estime impossible de la laisser descendre.
En régime d'étalon-or, il
est devant une alternative simple : cesser ses paiements à
l'étranger ou acquérir les moyens de paiements internationaux
qui lui font défaut.
S'il choisit cette dernière
solution, il lui faut ou produire de l'or ou mettre en excédent sa
balance des paiements.
Dans les deux cas, c'est contre des
biens réels, c'est-à-dire par renonciation à la
consommation interne de vraies richesses, qu'il obtient les moyens de
paiement étrangers qui lui font défaut.
Le « pouvoir d'achat
étranger » qu'il obtient est strictement limité au
montant du sacrifice de consommation interne qu'il consent. Aucune
habileté, aucune pression politique ne permettent de dépasser
ce montant.
Au contraire, en régime de
droits de tirage spéciaux, la restauration de la faculté
d'achat à l'étranger n'est due qu'à un cadeau gratuit
résultant, sans sacrifice d'aucune sorte de la part du pays qui le
reçoit, d'une décision discrétionnaire de la
collectivité qui contrôle la création des droits de tirage
spéciaux, c'est-à- dire, suivant le projet discuté, du
Fonds Monétaire International.
Le critère qui fait
dépendre l'ouverture du droit à attribution de la constatation
d'un déficit des paiements extérieurs apparaît comme
particulièrement dangereux lorsque sont observées la difficulté
et l'incertitude de la détermination du solde d'une balance des
paiements, qui varie dans de larges proportions, ainsi que le montrent les
statistiques officielles des Etats-Unis, avec la méthode choisie pour
le calculer.
— Pour le pays créditeur,
la différence entre or et droits de tirage spéciaux n'est pas
moindre.
Lorsqu'il reçoit de l'or, il
opère un échange entre les biens qu'il a cédés au
pays créancier et l'or remis par celui-ci.
Lorsqu'il reçoit des droits de
tirage spéciaux, il remet de la monnaie nationale, c'est-à-dire
des moyens d'acheter à l'intérieur de ses propres
frontières, en échange d'un actif créé de toutes
pièces, qui ne lui vaudra pouvoir d'achat que lorsque sa balance des
paiements sera devenue déficitaire.
Autrement dit, il donne à l'Etat
débiteur faculté d'opérer un prélèvement
sur sa production nationale en échange d'un simple espoir de pouvoir
un jour, si le Fonds Monétaire International le lui permet et s'il a
su se mettre en déficit, acheter des biens à l'étranger.
La monnaie créée en
faveur du débiteur viendra majorer de son montant la circulation
monétaire du pays créancier et pourra, un jour, lui imposer
l'aventure néfaste de mesures de restriction monétaire ou
même d'un « plan de stabilisation ».
b) Le privilège des Etats-Unis.
L'observation qui précède
prend tout son sens si l'on observe que le projet de traité
prévoit qu'un Etat « pourra utiliser des droits de tirage
spéciaux pour éviter une variation de ses réserves
brutes ».
Cette phrase sibylline a un sens
très précis. Elle signifie que les Etats-Unis auront la
possibilité d'utiliser leurs droits de tirage spéciaux pour
faire face à une demande de conversion de balances-dollar, même
si leur balance des paiements, au sens usuel du mot, n'est pas en déficit.
En acceptant cette clause, les pays
créditeurs ont pris à leur charge le remboursement en leur
propre monnaie des balances-dollar quand ce remboursement sera
demandé.
Lorsque l'on sait les
précautions qui interviennent dans chaque pays pour le contrôle,
notamment par voie parlementaire, des engagements de paiement, on demeure
confondu de la légèreté avec laquelle ce transfert de
charge réelle du débiteur au créancier a
été consenti.
L'attribution de droits de tirage
spéciaux ne se fera évidemment, chaque année, que dans
le cadre du maximum autorisé par les autorités du Fonds
Monétaire International. Ce montant doit être fixé pour
une période de cinq ans.
En 1967, le gouvernement des Etats-Unis
estimait qu'il faudrait créer l'équivalent de 5 à 10
milliards de dollars en cinq ans [...]"
On sait la suite jusqu’à
aujourd’hui inclu.
Jacques Rueff n'imaginait pas qu'un
jour, trente plus tard, les hommes des Etats d'un certain nombre de pays
européens parviendraient à fusionner les monnaies historiques,
certes réglementées et rendues inconvertibles au XXème
siècle, de leurs pays respectifs.
Il n'imaginait pas qu'une institution,
créée pour l'occasion, recevrait le privilège d'offrir
seule ce nouveau "néant habillé en monnaie" dans ces
pays et que les personnes qui y échangeraient des biens auraient
l'obligation d'en demander pour recevoir ou effectuer leurs paiements et pour
payer leurs impôts.
Annexe 3
Les enseignements de la crise
Intervention de Jean-Claude Trichet,
Président de la BCE devant le European
American Press Club (Club euro américain de
la presse) Paris, le 3 décembre 2010
Mesdames et Messieurs,
Permettez
moi tout
d’abord de remercier les organisateurs de leur invitation à
venir partager avec vous mes réflexions sur la crise économique
et financière. La crise n’est pas encore terminée, mais
le temps est venu de commencer à en tirer les enseignements et de
mettre en œuvre les conclusions que nous tirerons progressivement.
Nous vivons une période pleine
de défis et les citoyens européens attendent de
l’ensemble des responsables qu’ils remplissent leur mandat en
faisant face à leurs responsabilités.
En ce qui concerne la Banque centrale
européenne (B.C.E.), je rappelle qu’elle a été
l’une des premières banques centrales dans le monde à
réagir face à l’éclatement des turbulences
financières en août 2007.
Depuis lors, elle a agi en faisant
preuve constamment de ce que j’ai appelé une « vigilance
crédible ». Celle‑ci a caractérisé tant la conduite de notre politique
monétaire
conventionnelle, à
travers les modifications des taux d’intérêt, que les
politiques non conventionnelles, mises en œuvre essentiellement à
travers des opérations spéciales d’apport de
liquidité et des interventions sur certains marchés
obligataires, comportant notamment l’achat d’obligations
sécurisées.
Je crois que le Conseil des gouverneurs
de la B.C.E. a démontré sa capacité à maintenir
le cap du vaisseau « monétaire » européen à
travers la tempête financière souvent décrite comme la
plus grave survenue depuis la Grande dépression.
Pendant la crise mondiale,
l’action résolue des responsables publics a permis de
prévenir une répétition des désastres
économiques subis dans les années 1930, tout en
renforçant la coopération mondiale, en particulier entre
banques centrales.
Les évolutions observées
récemment sur les marchés européens de la dette
souveraine nous rappellent toutefois que la crise n’est pas encore
terminée. De même, elles indiquent clairement que l’Union
économique et monétaire (U.E.M.), comme son nom
l’indique, repose sur deux piliers, l’un «
économique » et l’autre « monétaire ».
La B.C.E., à travers son mandat
et son indépendance, est en charge du pilier « monétaire
».
Le pilier « économique
» comprend quant à lui le cadre budgétaire inscrit dans
le pacte de stabilité et de croissance, les cadres nationaux de
politique économique et le système de surveillance mutuelle.
Il est essentiel de bien comprendre, et
cela ne l’a peut-être pas été suffisamment, que les
évolutions de l’économie européenne que nous
connaissons actuellement ont trait aux fonctions « économiques
» de l’U.E.M.. J’identifie trois
origines à ces évolutions :
- des politiques budgétaires
laxistes et
- des politiques
macroéconomiques inadéquates dans certains États membres
et, de façon générale,
- un système de surveillance
mutuelle déficient entre l’ensemble des États membres.
C’est sous la forme de ce
triangle que je définirais volontiers le périmètre de la
situation actuelle.
Le remède à ces trois
lacunes dépend à la fois de la responsabilité des
autorités budgétaires nationales
- dans la mise en place de politiques
budgétaires saines et sages dans chaque État membre et
- dans la capacité des
responsables européens à concevoir et mettre en œuvre un
système véritablement efficace de surveillance
macroéconomique et budgétaire.
Je vous propose d’évoquer
en premier lieu, aujourd’hui, les deux piliers de l’Union
économique et monétaire. Je décrirai ensuite brièvement
comment la B.C.E. a réagi face à la crise.
J’aborderai enfin la situation
économique actuelle et conclurai en vous présentant les
principaux défis devant être relevés afin de mettre en
place une gouvernance économique efficace en Europe.
1. Le pilier « monétaire
» : la stabilité des prix dans la zone euro
Le traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne assigne à la B.C.E. la
responsabilité de maintenir la stabilité des prix. La B.C.E.
s’est immédiatement fixé une
référence numérique claire, qui est une mesure publique
et transparente.
Le Conseil des gouverneurs de la B.C.E.
a en effet défini la stabilité des prix comme un taux
d’inflation annuel dans la zone euro inférieur à, mais
proche de 2 % à moyen terme.
Au terme de bientôt douze années
d’expérience avec l’euro, nous pouvons juger si la B.C.E.
a rempli son mandat avec succès.
Or, au cours de ces douze
années, le taux d’inflation annuel moyen dans la zone euro a
été de 1,97 %.
Nous avons donc assuré la
stabilité des prix dans la zone euro sur un horizon déjà
assez long.
Ce résultat est meilleur que les
performances enregistrées par quelque grand pays de la zone euro que
ce soit au cours des cinquante années qui avaient
précédé l’avènement de l’euro.
Les conditions dans lesquelles la
stabilité des prix a été maintenue n’ont pas
toujours été faciles, le Conseil des gouverneurs de la B.C.E.
ayant eu à affronter un certain nombre de chocs économiques et
politiques depuis 1999, avec une nouvelle institution, une nouvelle monnaie
et un nouveau cadre de politique monétaire.
Au fil des années, nous avons
été confrontés à des évolutions
extrêmement volatiles de nombreuses composantes du panier de
consommation, notamment les cours du pétrole qui ont atteint
près de 150 dollars le baril, à des variations
considérables des taux de change, à l’éclatement
de la bulle Internet et aux répercussions des attentats du 11
septembre 2001 aux États‑Unis, pour ne mentionner que quelques exemples. Les résultats obtenus, après douze années de
stabilité des prix, sont donc notables.
En France, le taux d’inflation
annuel moyen entre 1999 et octobre 2010, qui s’est établi
à 1,8 %, a même été inférieur au taux moyen
enregistré dans la zone euro ces douze dernières années.
Ce résultat est également
inférieur au taux moyen (2 %) observé dans les années
1990 dans le pays avant l’introduction de l’euro. Pour
mémoire, l’inflation moyenne dans les années 1980
s’était élevée à 7,4 % et à 8,8 %
dans les années 1970.
L’euro, dans sa capacité
à protéger le pouvoir d’achat, est donc plus
crédible que ne l’ont été les anciennes monnaies
nationales depuis 50 ans.
2. Le pilier « économique
» : des politiques budgétaires saines et soutenables
Le pilier « économique
» de l’Union économique et monétaire repose sur
deux principes.
D’une part, les politiques
budgétaires doivent respecter les modalités définies
dans le pacte de stabilité et de croissance.
D’autre part, les politiques
macroéconomiques doivent se conformer aux règles
générales de la participation à une union
monétaire basée sur la stabilité des prix.
Soyons clairs. Les tensions sur la
dette souveraine que nous observons aujourd’hui trouvent leurs racines
dans le manquement aux règles de discipline budgétaire que les
pères fondateurs de l’U.E.M. avaient inscrites dans le
traité de Maastricht.
Les politiques budgétaires de
nombreux pays européens ont, pendant plusieurs années, enfreint
tant la lettre que l’esprit du pacte de stabilité et de
croissance. Celui-ci requiert des budgets proches de l’équilibre
ou en excédent au cours du cycle, des déficits
inférieurs à 3 % du PIB et un niveau d’endettement
inférieur à 60 % du PIB.
Lorsqu’il est apparu clairement,
il y a quelques années, que les politiques budgétaires de
certains pays ne satisferaient pas aux exigences fixées par le pacte
de stabilité et de croissance, ce ne sont pas les politiques qui ont
été changées mais bien le pacte.
Clairement, une erreur a alors
été commise.
En 2004 et 2005, plusieurs
gouvernements, y compris les gouvernements des grands États membres,
ont tenté activement de démanteler le pacte de croissance et de
stabilité.
La bataille a été rude
à l’époque et la B.C.E. a exprimé publiquement ses
sérieuses inquiétudes.
Un deuxième dérapage a
dû être déploré, qui concerne les politiques
macroéconomiques.
Dans une union monétaire, les
évolutions des prix et des coûts au niveau national doivent
tenir compte du fait que cette union se caractérise par la
stabilité monétaire.
Des évolutions des prix et des
coûts au niveau national nettement supérieures à la
moyenne de l’union entraînent, à terme, des pertes de
compétitivité substantielles. Et celles‑ci ne peuvent s’accumuler indéfiniment, des ajustements des
politiques non soutenables doivent tôt
ou tard être opérés.
Il convient que les politiques
budgétaires et structurelles visent à ce que la demande
intérieure reste compatible avec des taux de croissance durable et
avec la stabilité des prix.
Si tel n’est pas le cas, le cycle
économique peut enregistrer des phases d’essor et
d’effondrement.
Les politiques budgétaires et
macroéconomiques font l’objet d’un suivi par les pairs,
soutenu principalement par la Commission européenne.
Ce suivi est assuré dans le
cadre des réunions des ministres des Finances au sein de l’Eurogroupe et du Conseil Ecofin.
Bien sûr, un suivi efficace nécessite l’adhésion
des membres au cadre politique de même que des pressions de la part des
pairs.
Un tel suivi requiert également
que l’on remédie aux écarts de comportement et que
l’on dispose de statistiques fiables.
Le renforcement de la gouvernance
économique est crucial.
La surveillance budgétaire et
macroéconomique n’a pas été à la hauteur
des exigences d’une union monétaire. Les politiques
budgétaires qui ont été menées n’ont bien
souvent pas été conformes au pacte de stabilité et de
croissance, les politiques macroéconomiques ont été laxistes
et les pressions des pairs ont, dans l’ensemble, été
insuffisantes.
Ces problèmes étaient
manifestes bien avant la crise financière.
La crise nous a montré
qu’il n’y avait pas d’excuses pour ceux qui n’ont pas
pleinement assumé leurs responsabilités.
Je reviendrai dans quelques instants
sur les réponses institutionnelles que la B.C.E. juge
nécessaires pour résoudre ces problèmes.
Mais avant, je voudrais aborder la
crise directement et décrire comment le cadre opérationnel de
la B.C.E. nous a aidé à relever les défis que les
turbulences financières ont posés à la politique monétaire.
3. La crise financière et les
mesures adoptées
Plus de trois ans après le
début de la crise, à l’été 2007, un large
consensus s’est dégagé sur le rôle des pratiques
imprudentes qui ont eu cours dans le secteur financier.
Durant les quelques années qui
ont précédé la crise, la finance s’est
attachée à la création de risques financiers,
s’écartant de la gestion saine des risques économiques,
et de l’assurance contre ceux-ci, supportés
généralement par les entrepreneurs qui souhaitent en prendre et
qui doivent les financer.
Le risque financier n’est pas de
la même nature que le risque économique.
Il comporte une exposition
délibérée à des variations attendues du prix des
actifs. Soutenant le processus de découverte des prix, la prise de
risques financiers contribue à l’allocation efficace des
ressources dans les économies de marché.
Mais elle peut parfois avoir des effets
« toxiques » lorsqu’elle s’appuie sur des perceptions
erronées de ces risques.
Les conséquences de la faillite
de Lehman Brothers, le 15
septembre 2008, ont menacé de causer de lourds dommages aux
emprunteurs et à l’économie en général.
Les banques et autres
intermédiaires financiers ont abandonné les investissements
à risques et illiquides pour accumuler de la
liquidité.
L’intermédiation bancaire
s’est réduite et les prêts aux entreprises ont
été revus à la baisse.
L’absence de réaction
rapide aurait pu entraîner un effondrement du système financier.
Comme je l’ai mentionné,
la B.C.E. a été l’une des premières banques
centrales dans le monde à prendre la mesure, dès le mois
d’août 2007, de la gravité de la situation, lorsque les
turbulences sont apparues et nous ont conduits à prendre les
premières mesures pour faire face à l’assèchement
de la liquidité sur le marché monétaire.
Après que la crise eut atteint
son paroxysme à la suite de la faillite de Lehman,
la B.C.E. a de nouveau agi de manière décisive, mettant en
œuvre un certain nombre de mesures visant à empêcher une
correction désordonnée des conditions de la liquidité et
du crédit dans la zone euro.
Grâce à notre politique de
soutien renforcé du crédit, les banques ont pu continuer
à assumer un rôle capital dans le financement de
l’économie réelle.
En outre, la B.C.E. a mis en place un
programme d’achat d’obligations sécurisées,
à hauteur de 60 milliards d’euros, dans l’ensemble de la
zone euro.
Le marché des obligations
sécurisées revêt une grande importance au sein de notre
économie et il était essentiel de le relancer et de le
conforter.
En mai 2010, l’accentuation des
préoccupations sur les marchés concernant la
soutenabilité des finances publiques a engendré de graves
tensions dans certains compartiments, qui ont entravé le
mécanisme de transmission de la politique monétaire et, par là, pouvaient contrecarrer nos efforts en vue
de maintenir la stabilité des prix.
Une fois encore, la B.C.E. a pris des
mesures non conventionnelles audacieuses.
Une nouvelle menace a pesé sur
l’intermédiation financière privée.
À la suite de l’expansion
rapide des prêts interbancaires garantis observée dans la zone
euro au cours des dernières années, l’incidence sur les
marchés monétaires des évolutions constatées sur
les marchés d’emprunts publics s’est accrue sensiblement.
Les titres d’État
constituent traditionnellement un élément important du
processus de transmission de la politique monétaire dans la mesure
où ils servent de référence pour les taux des autres
contrats financiers et des titres à revenu fixe.
Ils sont également devenus une
source de garantie de premier ordre dans les opérations de prêts
interbancaires.
En conséquence, des variations
brutales de la valeur ou de la disponibilité de ces titres peuvent
engendrer une forte détérioration des conditions de financement
des banques, ayant une incidence défavorable sur la fourniture de
prêts bancaires à l’économie réelle et sur
leurs taux.
Nos mesures non conventionnelles ont
contribué à normaliser le fonctionnement du mécanisme de
transmission de la politique monétaire, indispensable pour
l’accomplissement de notre mission principale, qui est de maintenir la
stabilité des prix à moyen terme.
Ces dernières semaines, les
tensions associées aux problèmes budgétaires irlandais
et à la réorganisation de son secteur bancaire se sont
traduites par une reprise très marquée de
l’instabilité sur les marchés financiers.
Nous invitons plus que jamais
l’ensemble des gouvernements à intensifier leurs efforts
d’assainissement de manière crédible, en vue
d’établir les fondements d’une croissance soutenable
à long terme.
Il est clairement nécessaire de
renforcer la confiance du public dans la capacité des gouvernements
à rétablir des finances publiques soutenables, et à
conforter ainsi durablement la croissance à moyen terme.
Pour cela, il est essentiel que les
pays mènent des programmes d’assainissement pluriannuels
crédibles et mettent pleinement en œuvre les mesures
d’assainissement prévues.
Les évolutions
budgétaires positives qui se feraient jour sous l’effet de
facteurs tels qu’un environnement économique plus favorable
qu’attendu doivent être mises à profit pour
accélérer l’assainissement budgétaire.
4. L’économie
européenne : la situation actuelle et les défis à
relever
Dans la troisième partie de mon
intervention, je voudrais vous faire part de mes réflexions sur les
enseignements que nous avons tirés de ces événements.
En premier lieu, notre stratégie
de politique monétaire a été efficace.
La définition quantitative de la
stabilité des prix et l’orientation à moyen terme
réduisent sensiblement la probabilité d’un risque de
déflation ou d’inflation.
L’ancrage solide des
anticipations d’inflation – pendant la période de crise
– nous a permis de maintenir le taux de nos opérations de
refinancement à des niveaux positifs sans que ne se matérialise
un risque de déflation ou des menaces inflationnistes.
En deuxième lieu, les dirigeants
européens doivent reconnaître qu’il faut renforcer
considérablement notre modèle économique, en particulier
notre système de gouvernance économique.
À cet égard, le Conseil
des gouverneurs de la B.C.E. considère que, s’agissant de la
gouvernance économique, les propositions présentées par
la Commission et par le Groupe de travail du Conseil européen ne
représentent pas le pas décisif ( «
quantum leap ») répondant
entièrement aux exigences de l’union monétaire que nous
avons créée.
En particulier, nous devons renforcer
la surveillance des politiques budgétaires afin d’empêcher
des déficits excessifs et un niveau insoutenable de dette publique en
agissant selon trois axes.
Il s’agit de raccourcir les
délais prévus dans le cadre des procédures de
déficit excessif, d’établir le principe de la
quasi-automaticité dans l’application des sanctions – se
fondant sur des critères clairement définis et prévoyant
une marge de manœuvre réduite en ce qui concerne les
résultats –, et de fixer des objectifs ambitieux pour la réduction
de la dette publique, afin de la ramener au plafond de 60 %.
En ce qui concerne la surveillance des
politiques macroéconomiques dans la zone euro, nous devons disposer
d’un nouveau système de surveillance mutuelle, ciblant
principalement les pays enregistrant des pertes de compétitivité
durables et affichant des déficits importants des transactions
courantes dans la mesure où ces pays doivent faire face à de
très grands défis en matière de soutenabilité.
Ce système doit être
déterminé par des mécanismes déclencheurs
transparents et efficaces, et définir clairement les sanctions en cas
de manquement.
Et la transparence doit être
assurée.
Les évaluations des
déséquilibres macroéconomiques et les recommandations en
faveur de mesures correctrices doivent faire l’objet d’une
publicité appropriée à toutes les étapes du
processus de surveillance.
L’efficacité des
améliorations apportées au cadre de la gouvernance sera
conditionnée en partie par la qualité et
l’indépendance de l’analyse économique qui les
sous-tend.
Faute de données statistiques
fiables, nous ne pourrions être sûrs que le cadre de la
gouvernance permettra de réaliser l’avancée
décisive qui est nécessaire.
Dès lors, il est
extrêmement important que les services de la Commission chargés
de la surveillance macroéconomique et budgétaire pour la zone
euro jouissent d’une indépendance suffisante et soient soutenus
idéalement par un organe composé de « sages » ayant
pour mission de fournir des évaluations externes.
Il est certain que l’Union
européenne a déjà apporté une réponse
à un problème particulier soulevé par la crise, à
savoir la nécessité de coordonner la surveillance macroprudentielle.
Le Conseil européen et le
Parlement européen ont récemment adopté les
décisions relatives à la création du Comité
européen du risque systémique (C.E.R.S.), que j’aurai
l’honneur de présider.
Ce nouvel organe européen fera
partie intégrante du nouveau Système européen de
surveillance financière (S.E.S.F.) et il aura pour mission
d’assurer la surveillance macroprudentielle
du système financier de l’Union européenne.
Il réunira les gouverneurs des
banques centrales nationales ainsi que les représentants des nouvelles
agences de surveillance européennes, de la Commission et des
autorités de surveillance nationales des vingt-sept États
membres.
La création du Comité
européen du risque systémique a été initialement
recommandée en février 2009 dans le rapport établi par
un groupe de haut niveau présidé par Jacques de Larosière.
Cette nouvelle institution
s’appuie sur un consensus très fort entre la Commission, le
Conseil et le Parlement.
La B.C.E. œuvrera activement pour
que le Comité européen du risque systémique soit un
organe crédible et efficace.
Concrètement, la B.C.E.
accueillera le secrétariat du Comité, lui permettant ainsi
d’être opérationnel, et lui fournira un soutien
analytique, statistique, logistique et administratif.
Bien qu’il soit prévu que
le secrétariat du Comité européen du risque systémique
soit installé à la B.C.E., le Comité sera, bien entendu,
un organe distinct de la B.C.E.
La mise en place du Comité
n’aura aucune incidence sur le mandat et le rôle statutaire de la
BCE dans le domaine de la politique monétaire.
La création du Comité
européen du risque systémique constituera une étape
importante, soulignant la volonté de l’Europe d’agir
préventivement face au risque systémique.
Elle s’inscrit dans le cadre des
évolutions observées à travers le monde, et notamment
aux États-Unis, qui viennent de créer le Financial Stability Oversight Council
(Conseil de surveillance de la stabilité financière).
À l’instar du
Comité européen du risque systémique, ce Conseil est un
organe s’appuyant sur la collaboration entre les autorités
américaines compétentes et qui a pour mission
d’identifier les risques systémiques et de faire face aux
menaces.
Nous nous efforcerons
d’établir une étroite coopération avec le Conseil
de surveillance de la stabilité financière et d’autres
autorités dans le domaine de la surveillance macro prudentielle.
5. Conclusion
Les douze dernières
années ont été très exigeantes.
La B.C.E. a fait face à ses
responsabilités et a obtenu les résultats qui avaient
été promis, à savoir une monnaie stable, aussi
crédible et inspirant la même confiance que les monnaies les
plus crédibles auxquelles l’euro a succédé.
L’euro a par ailleurs
constitué un facteur de stabilité au cours de cette
période d’instabilité économique et
financière qui dure maintenant depuis plus de trois ans.
À l’instar des grandes
économies avancées, qui toutes, sans exception, ont dû
revoir leur modèle économique et leur cadre de surveillance, la
zone euro doit procéder à des réformes.
Ce type de réformes ne consiste
pas à nous orienter davantage vers des actions unilatérales,
comportant le risque de refuser la coopération indispensable entre les
Etats.
Au contraire, ces changements
conduisent à une intensification de la coopération et de la
cohésion à travers un renforcement du cadre de la gouvernance
économique.
Nous devons maintenir fermement le cap
vers un approfondissement responsable de l’unité
européenne.
Je vous remercie de votre attention.
Banque centrale européenne
Direction Communication - Division
Presse et information
Kaiserstrasse 29, D-60311 Frankfurt am Main
Tél. : +49 69 1344 7455,
Télécopie : +49 69 1344 7404
Internet : http://www.ecb.europa.eu
Reproduction autorisée en citant
la source.
Annexe 4.
“Trichet Signals E.C.B. May Look Through Temporary
Inflation Jump”, WSJ reports, 24 janvier
2011.
"All
central banks, in periods like this where you have inflation threats that are
coming from commodities, have to go through the hump and be very careful that
there are no second- round effects,"
Trichet said in an
interview with the Wall Street Journal, according to a text published by the
Frankfurt- based E.C.B. late yesterday.
"This
is what we are doing," he said, adding the E.C.B. doesn´t see any
second-round effects "at this stage."
Trichet earlier this
month toughened his rhetoric on inflation after it accelerated to 2.2 percent
in December, breaching the ECB´s 2 percent limit for the first time in
more than two years.
The
change in tone prompted some economists to bring forward forecasts for E.C.B.
rate increases and helped drive the euro more than five cents higher against
the dollar.
Since
then, E.C.B. policy makers have indicated markets may have over- interpreted
the central bank´s message.
Trichet said the
E.C.B.´s benchmark interest rate remains "appropriate" at a
record low of 1 percent, suggesting he sees no need to raise it soon.
At
the same time, "on the side of energy and commodity prices we have a
number of developments that we will continue to monitor closely," he
said. "Everybody knows we would not let second-round effects
materialize.
Georges Lane
Principes
de science économique
Georges
Lane enseigne l’économie
à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré
avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que
dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels
libéraux authentiques en France.
Publié
avec l’aimable autorisation de Georges Lane.
Tous droits réservés par l’auteur
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