‘Ceux
désireux d’être élus et de le rester doivent
être préparés à briser chaque règle morale qu’ils
aient jamais connue’
H.L. Mencken décrivait
les politiciens comme ‘des hommes qui, à un moment où
à un autre, ont compromis leur honneur, soit en abandonnant leurs
convictions, soit en faisant l’apologie de ce en quoi ils n’ont pas
foi’.
‘L’homme politique
est un homme de vanité’, écrit-il, ‘mais pas un
homme de fierté’.
Le sage de Baltimore voyait
juste quand il disait que gagner une élection aux Etats-Unis
nécessitait la suspension de toute règle éthique et de
toute forme de bon sens qu’une personne puisse posséder.
Même ceux qui embrassent une carrière politique avec les
meilleures intentions et qui ont les capacités d’exceller
réalisent bien vite que les qualités requises en politique
n’ont rien à voir avec ce qu’ils pouvaient penser.
Lew Rockwell explique que,
bien que la compétition sur les marchés améliore
généralement la qualité des produits, il n’en va
pas de même pour la compétition politique.
Les seuls domaines d’excellence
des hommes politiques sont le mensonge, la tricherie, la manipulation, le vol
et l’assassinat. Le prix des services politiques augmente constamment,
qu’il consiste en des impositions ou en des pots-de-vin payés
contre protection (également connus sont le nom de contributions de
campagne).
F.A. Hayek expliquait dans son
livre The
Road to Serfdom, qu’en politique, les pires créatures sont les
premières à grimper en haut de l’échelle. Comme il
l’écrit, ‘il nous faut observer des standards moraux des
moins élevés, dans lesquels les instincts les plus primitifs
prévalent, afin de comprendre des hommes politiques’. En premier
lieu, Hayek indique que les personnes d’intelligence supérieure
ont des goûts et points de vue différents de ceux des autres.
En deuxième lieu, ceux
se trouvant au sommet de la chaine politique ‘gagnent le soutient du
docile et du crédule’, qui accepte déjà les
valeurs et idéologies qui lui sont imposées. Les totalitarismes
dépendent de ceux qui sont guidés par leurs passions et leurs
émotions plutôt que par quelque forme de pensée critique.
Enfin, les dirigeants
politiques font preuve d’un sentiment négatif de haine de
l’ennemi et d’envie de la personne aisée. Afin
d’appeler les masses à les soutenir, les politiciens
prêchent un discours du type ‘nous contre eux’.
‘L’état
d’avancement d’un parti ou groupe totalitaire dépend
largement de la volonté de ce dernier à accomplir des
tâches immorales’, explique Hayek. ‘La fin justifie les
moyens, et c’est là une éthique individualiste
déniant toute morale. La règle fondamentale du collectivisme
est l’éthique’.
‘Ceux qui
espèrent se voir élus et le demeurer doivent se préparer
à briser toute règle morale qu’ils aient jamais
connue’. L’économiste Frank Knight note que les personnes
possédant quelque autorité ‘auront à accomplir de
mauvaises choses qu’elles le veuillent ou non : la
probabilité que ces dernières n’apprécient pas la
possession et l’exercice du pouvoir est la même que de voir un
homme au cœur tendre s’engager comme bourreau sur une plantation
cultivée par des esclaves’.
Bien que des individus des
plus pathologiques gagnent de telles positions au gouvernement, ils utilisent
à leur guise le mot liberté
afin de décrire leur programme. La ‘liberté
collective’ est promise, ne signifiant pas liberté pour chaque
membre individuel de la société, mais plutôt la
liberté pour le gouvernement de faire ce qu’il désire de
la société qu’il dirige.
Il n’existe aucune
comptabilité: plus important est le pouvoir, plus il est possible pour
celui qui le possède de commettre de crimes.
Il devient ainsi une
‘impossibilité psychologique pour un homme honnête
d’entrer dans les rangs du pouvoir sous l’Union
Fédérale’, écrit Mencken. La démocratie
rend possible pour le démagogue d’enflammer la mentalité
enfantine des masses par la simple vertu qu’est son talent pour le
non-sens. Le roi peut en faire de même sous une monarchie, mais
uniquement par la vertu de sa naissance.
Ceci contraste avec
l’ordre naturel comme le décrit Hans-Hermann Hoppe
dans son ouvrage Democracy: The God that Failed:
‘les sources ultimes de la civilisation humaine sont la
propriété privée, la production et
l’échange volontaire’. Cet ordre naturel doit selon Hoppe
être maintenu par une élite naturelle ayant une
‘autorité naturelle’, non pas par élection comme
c’est le cas dans une démocratie, ni par naissance comme dans
une monarchie, mais par son ‘achèvement, sa richesse, sa
sagesse, sa bravoure, ou encore une combinaison de plusieurs
éléments précités’. C’est tout
simplement l’inverse de tout ce qu’ont utilisé Mencken et
Rockwell pour décrire le fonctionnement de la démocratie.
Dans son livre "Natural
Elites, Intellectuals, and the State", Hoppe écrit que dans chaque société,
seul peu d’individus sont capables de briller par leur talent :
Du fait de leur richesse
supérieure, de leur
sagesse, et de leur bravoure, ces
individus possèdent une autorité naturelle, et leurs opinions
et jugements imposent le respect. De plus, du fait des mariages
sélectifs et des lois civiques et d’héritage
génétique, cette autorité naturelle a la
possibilité d’être transmise entre plusieurs familles
nobles. C’est alors auprès des chefs de cette famille,
possédant les achèvements les plus poussés et une
conduite personnelle implacable, que les citoyens pourront se plaindre du
comportement d’un autre. Ces chefs de l’élite naturelle
agissent en tant que juges et faiseurs de paix, souvent conscients de
l’importance de leur sens du devoir et concernés par la justice
civile.
D’une part, la
démocratie permet à tous d’embrasser une carrière
politique. Il n’y a aucun besoin pour les masses de reconnaitre une
personne comme étant ‘sage’ ou ‘couronnée de
succès’, comme l’ordre naturel tel qu’il est
décrit par Hoppe le requiert. Il n’est
pas non plus nécessaire pour un individu d’être né
dans une famille noble pour accéder au pouvoir, comme c’est le
cas sous une monarchie. Comme le disait le comédien Américain
Bob Hope, qui est en réalité né en Angleterre,
‘J’ai quitté l’Angleterre à l’âge
de quatre ans, lorsque j'ai découvert que je ne pourrai jamais
être roi’. C’est peut-être parce qu’il savait
qu’il ne pourrait jamais prendre la place du prince Charles que sir
Richard Branson – anobli pour son
entreprenariat – est demeuré où il est et possède
à ce jour 360 compagnies.
Mais, comme l’explique Hoppe, les démocraties se sont étendues, et
ont depuis la fin de la première guerre mondiale été
aperçues comme la forme ultime de gouvernement. De plus en plus de
personnes ayant connu le succès dans quelque domaine que ce soit se
lancent en politique. Par exemple, de plus en plus de millionnaires entrent
dans la sphère politique. Alors que les riches magnats
d’anciennes générations tendaient à rester
solitaires, les capitaines modernes de l’industrie tels que Ross Perot, Michael Bloomberg, Carly Fiorina,
Meg Whitman et Jon Corzine se présentent
à des élections. Alors que Warren Buffet, Bill Gates et George Soros n’ont jamais cherché à se faire
élire, ils ont dépensé des millions de dollars afin de
défendre certains groupes politiques et d’avoir de
l’emprise sur les débats. Il est important de noter qu’un
quart des membres de la chambre des députés et un tiers des
membres du Sénat sont millionnaires.
Certains politiciens ne se présentent
aux élections que par appât du gain, mais bien nombreux sont
ceux qui soient préalablement jugés aisés par rapport au
reste des citoyens. Que peut bien pousser un homme fortuné de se
présenter aux élections? Selon ce qu'écrit Charles Derber dans son livre The Pursuit
of Attention: Power and Ego in Everyday Life, les politiciens ont, depuis César
et Napoléon, été poussés par leur égo
surdimensionné et leur avidité pour l’adulation du public.
Le travail du psychologue Abraham Maslow nous procure des outils de
compréhension quant au désir des entrepreneurs à se
lancer dans une campagne à la présidence. Malsow
est célèbre pour sa théorie de la 'hiérarchie
des besoins', qui est enseignée dans les plus grandes
écoles de management Américaines. Cette théorie est
généralement présentée sous la forme d’une
pyramide dont la base représente les besoins humains les plus basiques
– les besoins psychologiques.
L’idée de Maslow est que les besoins humains les plus basiques
– la soif, la faim, la respiration – soient satisfaits avant
qu’il ne soit possible d’accomplir quelque tâche que ce
soit. La tranche se trouvant au-dessus représente les besoins de
sécurité. Après avoir trouvé moyen à
satisfaire sa faim et sa soif, l’homme doit s’assurer de sa
survie. Si un homme se trouve constamment inquiété par des
prédateurs, il n’est pas en mesure d’accomplir de grandes
choses.
L’échelon du
dessus représente le besoin d’appartenance. Après avoir
satisfait ses besoins les plus primitifs, une personne ressent le besoin
d’amour, d’amitié, de compagnonnage et de
communauté. Une fois que ces besoins sont satisfaits, nous voyons
apparaitre le besoin d’estime. Ces quatre premiers échelons sont
surnommés les besoins déficitaires. Si une personne manque de
l’une de ces choses, elle ressent la motivation de combler ce vide. Une
fois que ce besoin particulier est satisfait, la motivation diminue. Ces
besoins sont différents de ceux présentés au sommet de
la pyramide de Maslow, qui sont les besoins
d’actualisation personnelle. Ce besoin n’est jamais satisfait, et
Maslow le décrit comme étant un
besoin d’être.
‘Alors
qu’un électorat reconnait qu’il ne fait
qu’élire le moins incompétent des charlatans qui se
présentent à lui, le désir commun demeure
l’élection ‘de la personne qui semble la plus
juste’.
Ainsi, les hommes recherchent
continuellement à satisfaire leurs besoins, et lorsque les plus
basiques de ces besoins viennent à être satisfaits, les
individus se déplacent vers le sommet de la pyramide afin de
satisfaire des besoins de plus en plus sophistiqués. Il est clair que
les hommes achèvent chacun des niveaux différents de
satisfaction de besoins, et selon Maslow, seuls 2%
des individus parviennent à atteindre le sommet de la pyramide. Maslow a mené une étude, utilisant une
douzaine de célébrités ainsi qu’une douzaine
d’individus moins connus, et a développé une liste de
traits de personnalité consistants aux personnes qu’il jugeait
être ‘auto-actualisantes’. En
plus d’être créatives et inventives, ces personnes
possèdent une éthique forte et un sens de l’humour
auto-dérisoire, une certaine dose d’humilité et du
respect pour leur prochain, une résistance à
l’acculturation, une autonomie certaine et une préférence
pour la solitude plutôt que pour une multitude de relations humaines
insignifiantes. Ils pensent que la fin ne justifie pas nécessairement
les moyens, mais que les moyens peuvent être à eux seuls une
fin.
Il est assez aisé de se
rendre compte que ces individus n’ont rien à voir avec les
politiciens de nos démocraties, mais plutôt avec
l’élite naturelle décrite par Hoppe.
Cependant, juste en dessous du sommet de la pyramide des
nécessités se trouve ce qui est
appelé par Marlow le besoin d’estime.
Selon l’expert Dr. C. George Boeree, Maslow reconnait deux différents besoin
d’estime : un assez faible, et un très fort. Alors que la
forme d’estime la plus forte relève d’attributs sains tels
que la liberté, l’indépendance, la confiance et
l’achèvement personnel, la forme d'estime la plus faible
représente le besoin du respect des autres, la nécessité
de statut, le désir de gloire, de reconnaissance, d’attention,
de réputation,
d’appréciation, de dignité, voire de dominance.
écrit Dr. Boeree. ‘Maslow pensait
qu’Adler avait
des idées derrière la tête lorsqu’il
annonçait que ces derniers étaient la source de la plus grande
majorité de nos problèmes psychologiques'.
Le besoin constant de statut
et de reconnaissance est aujourd’hui éprouvé par tous nos
hommes politiques. La fin – la compensation d’un complexe
d’infériorité – justifie les moyens, aussi
machiavéliques qu’ils soient.
Puisque la démocratie
est ouverte à toute personne désireuse d’être
élue, qu’importe sa personnalité ou sa richesse,
c’est un système social dans lequel les positions de leadership
sont convoitées par les sociopathes. L’individu ayant atteint le
sommet de la pyramide de Maslow ne ressentira aucun
attrait pour la politique, contrairement à l’individu à
la recherche d’estime, qui lui, la convoitera.
Même les philosophes
religieux reconnaissent les effets négatifs de ces pouvoirs.
Saint Augustin écrivait
sur la théorie de la guerre et avait une vision très
différente de celle de ses prédécesseurs, omettant
l’optimisme habituel de l’homme à la recherche de vérité
ultime et de Dieu.
Augustin ne croyait pas en la
nature humaine, et discernait en la race humaine un attrait pour le mal:
‘Comme résultat de la chute d’Adam, de la vanité,
et de la libido domini
– le besoin de domination-, les hommes s’engagent dans toutes
formes de guerres et d’actes de violence’, explique John Mark Mattox dans son livre Saint Augustine and the Theory of the Just War.
Le juge Adrew
Napolitano, lors d’un discours tenu à l’université
Mises, déclarait la libido domini comme étant la cause même de
l’attrait humain pour la politique, dans le sens où cette
dernière leur permet une forme de domination sur leurs semblables
– et que les mêmes hommes qui ont fondé le gouvernement des
Etats-Unis ont rédigé des lois aussi répugnantes que les
Alien and Sedition Acts.
Hoppe reconnaissait les
responsabilités des élites naturelles comme
s’étendant bien au-delà de leur propre personne et de
leur famille.
Plus les individus sont
reconnus par leurs pairs comme étant couronnés de
succès, plus ils sont aptes à donner l’exemple : ils
se doivent de vivre selon les règles éthiques les plus
strictes. Cela signifie qu’ils doivent accepter comme étant leur
devoir de supporter ouvertement, fièrement et aussi
généreusement qu’ils le peuvent les valeurs qu’ils
ont reconnu comme étant justes.
Ils reçoivent en
contrepartie une inspiration intellectuelle, et le savoir que leur nom survivra
à travers les âges comme celui d’un individu ayant su
briller et apporter sa contribution au genre humain.
Les politiciens, quant
à eux, recherchent l’attention, et demandent à être
acclamés pour chaque action qu’ils entreprennent, se portant
continuellement crédit pour les politiques qu’ils ont
instaurées et qu’ils jugent avoir rendu nos vies meilleures. Il
n’est pas nécessaire de citer les politiciens qui ont
violé les règles d’éthique et commis des crimes
– cela nous prendrait la journée ! Voici qui est dit.
Avec le pouvoir placé
entre de telles mains, il n’est plus nécessaire de se poser de
questions quant aux dysfonctionnements de notre société.
‘Si l’on compare notre époque avec le XIXe siècle,
il est clair que les pouvoirs de l’homme politique et de
l’élite intellectuelle ont décliné’,
écrit Hoppe. ‘Le taux de
criminalité, le chômage, la dépendance sociale, la
négligence, la psychopathie et l’hédonisme ont quant
à eux augmenté’.
Alors que
l’électorat reconnait qu’il élit la personne la
moins incompétente parmi la liste de charlatans qui se
présentent aux élections, l’idée constante demeure
le désir d’élire ‘la personne qui semble la plus
juste’. Mais la personne ‘juste’ n’est pas celle qui
se présente aux élections. L’homme politique, comme
l’écrit Mencken, ‘n’est pas uniquement un trou du
cul, mais également un bien sinistre et dépravé
personnage’.
La situation est-elle
désespérée ? Non, il se pourrait très bien
que notre système démocratique s’effondre, et que des
hommes de réel savoir prennent les rennes de nos
sociétés.
Les élites naturelles
ont donc l’obligation de s’assurer que la vérité se
répande. Mises et Rothbard
n’étaient uniquement entendus que par le support que leur
portaient d’autres. Lawrence Fertig et d’autres supportaient Mises. Les
donateurs du Mises Institute supportaient le travail de Rothbard.
Comme l’écrit Hoppe, ‘Il était une fois, avant que la
démocratie ne naisse, l’égalitarisme n’avait pas
encore détruit les hommes d’esprit, et le sort des intellectuels
impopulaires était entre les mains des individus’. Hoppe explique qu’une telle situation est
désormais impossible.
Il indique que
l’obligation première d’une personne est de devenir aussi
riche qu’elle le peut, ‘parce que plus elle gagne de sous, plus
elle peut bénéficier à son prochain’.
L’élite naturelle va encore bien plus loin que cela. Elle se
doit de supporter et de répandre la vérité.
Les membres du Pikes Peak Economics Club sont
l’élite naturelle qui pourrait aujourd’hui changer notre
société. Ils ont accepté leur devoir en tant que
combattants du mal, bien qu’il soit probable qu’ils n’en
récoltent jamais les fruits. Je les remercie donc de permettre aux
vérités que sont la propriété privée, le
marché libre et la responsabilité personnelle
d’être préservées.
Nous sommes non-seulement
endettés, les générations qui nous suivront le seront
également.
Doug French
Mises.org
[Discours prononcé au Mises Circle in Colorado Springs, le
18 Septembre, 2010]
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