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L'éco-soviétisme
soft à l'européenne, fondé sur la peur anti-carbonique,
prend chaque jour un peu plus forme: une directive (EU Business, EU Parliament, Euractiv, The Energy Collective) du gosplan,
pardon, de l'union européenne va bannir la construction de maisons
autres que "passives" d'ici 2020.
Maisons passives: des technologies
à haut potentiel mais encore immatures
Une
maison passive
est une maison qui n'a pas besoin d'énergie extérieure payante
(i.e., fossile, ou électrique extérieure), pour se chauffer. La
chaleur émise par ses occupants, celle en provenance du soleil et
d'éventuels dispositifs de pompe à chaleur du sol doivent
pourvoir au maintien d'une température vivable même en hiver.
Maison passive
à "puits canadien"
Ce n'est pas sans
inconvénient: les modèles actuels sont laids, condamnés
à des ouvertures ridiculement faibles (et de préférence
orientées au sud), et ne peuvent avoir un trop grand volume à
chauffer.
Une maison
passive au Japon
Actuellement, le
coût de construction des maisons passives est au moins 20%
supérieur à celui des maisons traditionnelles. Ajoutons que
lors des périodes de grand froid, l'aération peut y être
problématique, surtout dans les cuisines et les salles de bains... Le
résultat est qu'il y aurait moins de 20 000 maisons passives dans le
monde aujourd'hui.
Naturellement,
on aurait pu espérer que les fabricants de maisons passives innovent
et créent des technologies abaissant leur coût tout en
rapprochant leur aspect de celui que les consommateurs tendent à plébisciter,
celui de la bonne vieille maison traditionnelle avec toit en pente, mur
minéral et ouvertures de taille normale. Une telle évolution
serait de l'ordre normal des choses, et rendrait la maison sinon passive, du
moins très faiblement "consommatrice", terriblement
désirable par les consommateurs, mais à moyen terme seulement.
Après tout, qui refuserait une maison très économe en
chauffage si cela ne se payait pas d'autres inconvénients graves ?
Bref,
puisque la demande potentielle pour des maisons moins consommatrices de
ressources primaires existe, il suffirait de laisser les entreprises du
secteur s'adapter à cette nouvelle donne et laisser faire la
combinaison du temps et de la concurrence, pour observer de rapides
améliorations dans la production.
Oui mais voilà, nos technocrates régulateurs n'ont ni envie de
faire confiance aux seules forces incitatives du marché, ni
l'intention de laisser passer une occasion de faire croire qu'ils sont
utiles. D'où cette directive coercitive.
Les inconvénients de
l'autoritarisme technologique
Vous
me direz que "si
c'est possible, pourquoi ne pas le rendre obligatoire" ?
On
ne peut évidemment pas savoir à l'avance si la maison passive
rencontrerait, dans un processus de marché libre, son potentiel de
séduction du public vers 2015, 2020 ou 2030, ou jamais, le
progrès technologique étant une des choses les plus
imprévisibles qui soit. Le législateur parie qu'il
accélèrera le mouvement en décrétant que l'objectif
devra être atteint en 2020. Il se trompe. Son intervention autoritaire
a toutes les chances de ralentir les progrès dans la filière
construction.
A
cause à la directive européenne, les fabricants de maison
passives et leurs fournisseurs n'auront pas à se donner la peine de
devoir supplanter la construction traditionnelle dans les coeurs des
aspirants propriétaires. La "subvention législative",
en éliminant la concurrence des maisons à chauffage classique,
va d'une part ralentir puis stopper tout progrès dans ladite
construction traditionnelle, alors qu'il y avait sûrement encore
beaucoup de progrès à attendre des technologies limitant
l'usage de l'énergie de source fossile, mais sans totalement le
supprimer. En outre, la directive permettra aux développeurs de
produits "passifs" de vendre avec une bonne surcote un produit
qu'ils auront nettement moins besoin d'améliorer pour le rendre
désirable et rentable.
Cela
veut il dire que le prix des maisons traditionnelles anciennes vont baisser ?
Non, car la hausse des prix à la construction dans le neuf
réduira l'expansion du parc de logements, et, sauf écroulement
de la démographie du nombre de foyers, peu probable, tendra à
sur-enchérir aussi les prix dans l'ancien. Sans compter que si le
passif ne donne pas satisfaction (qui peut savoir, dix ans à l'avance
?), l'ancien deviendra d'un seul coup terriblement désirable. Et ce
sans compter les dispositions "anti-étalement urbain"
votées en France (Grenelle) et dans d'autres pays,
qui vont accentuer la pénurie de nouveaux logements.
Et
tout ça pour combattre une menace
imaginaire et permettre à certains
lobbys de s'en mettre plein les poches...tout
en aggravant les difficultés déjà grandes des
français modestes pour se loger... Il y a de quoi enrager.
Vers la société du
contrôle technocratique généralisé de nos choix de
vie ?
Cette
propension à vouloir imposer par la force ce que la liberté
pourrait apporter de façon bien plus probante,va bien au delà
de l'erreur économique. Elle vire tout doucement à la prise de
contrôle de plus en plus exhaustive des principaux choix de vie qui
nous sont accessibles par une élite technocratique
autoproclamée, sûre et certaine de l'infaillibilité de
son savoir, et de l'incapacité de la masse de crétins qu'elle
entend "gouverner" de faire par eux mêmes des choix
mesurés, raisonnables, intelligents, et adaptés à leur
situation et leurs valeurs.
Cette
mutation européenne qui prend forme sous nos yeux paraitra peut
être bien trop "soft" pour mériter le nom de dictature
du point de vue des lecteurs, mais prenons y garde. Une majorité de
Français sont prêts à accepter cette tyrannie du choix
des "experts", anesthésiés par la prédominance
médiatique et politique de l'écologiquement correct, ils sont
rendus peureux de l'avenir et des conséquences des évolutions
technologiques qu'ils n'osent même plus qualifier de progrès. La
société du contrôle public sur nos existences
individuelles, au nom de la morale écologique et citoyenne, est en
marche.
Et si les gens ne croient plus au
progrès, CMEF - Ce monde est foutu.
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Directive trouvée
via L.Motl
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Lire également:
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
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