Les mois à venir seront placés sous le
signe du psychodrame que nous joueront gouvernement et syndicats concernant
la réforme des retraites. Et le moins que l'on puisse dire est que la
"négociation", pour ce que l'on en lit et entend,
démarre très mal. Pas le temps d'en tirer une trop longue note,
mais voici mes premières impressions.
Allo, le parlement ?
Un petit mot sur la
méthode: le gouvernement entend "négocier un accord avec les
partenaires sociaux". Lesquels représentent moins de 8% des
salariés, et encore l'essentiel de leurs troupes se situent-elles dans
le secteur public, ce qui augure mal d'un retour à un régime
unique pour tous.
Le Parlement ? Il sera
sommé d'entériner l'accord conclu par l'exécutif, tout
comme il doit voter au garde à vous les lois "Grenelle" de
l'environnement, négociées avec des "partenaires de la
société civile" représentatifs d'eux mêmes.
Les députés ont moins de pouvoir que Bernard Thibaud dans notre
pays. Comme dirait un célèbre blogueur satirique, "Ce pays
est foutu".
Premiers échos
désespérants
Quant au contenu, là
encore, les premiers échos de la presse sont désespérants.
Les uns parlent d'augmenter l'âge légal ou le nombre
d'annuités, les autres de créer une nouvelle taxe "sur les
riches", les syndicats les plus durs opteraient pour une augmentation
des cotisations... La patronne du Régime Général vient
réclamer "quelques points de PIB en plus" pour les
retraites, et curieusement, les centristes n'ont pas remis sur le tapis, de
peur de se prendre les pieds dedans, leur vieux refrain de la TVA sociale.
Cela ne saurait tarder.
Bref, chacun évoque dans
son coin la plus inconsistante des voies possibles, celle d'un ajustement
paramétrique du système. Les quelques voix qui semblaient
évoquer un changement "structurel" du système de
retraite, semblent enterrées par les principaux protagonistes de la
négociation.
Le gouvernement s'est bien
gardé d'évoquer quelques principes pourtant furieusement
désirables qui auraient pu déterminer un
cadre et un objectif raisonnable pour la négociation. Il aurait pu fixer comme préalable la nécessité de
parvenir à un système "naturellement
équilibré financièrement". Il aurait pu
décréter que la réforme devait aboutir à un
régime universel pour tous, dans lequel tous les retraités
profitent des progrès économiques de l'ensemble de la société. Qui pourrait nier sans passer pour le dernier des égoïstes
ou des irresponsables que ces deux objectifs ne seraient pas sains ?
En agissant ainsi, le
gouvernement aurait pu pointer du doigts les égoïsmes catégoriels
qui ne vont pas tarder à se manifester... Ah mais non, c'est vrai, il
ne faut pas faire de peine aux syndicats. Sauf que quoi qu'il arrive, ceux ci
se lanceront dans une surenchère démagogique. Ils ont déjà commencé,
d'ailleurs. Le gouvernement n'a rien à gagner
à rester furieusement conservateur-mou dans ses propositions.
"Une taxe pour la
galerie"...
Mais non, les premiers
échos ne parlent que d'une nouvelle taxe et d'une augmentation de
l'âge de la retraite. Les mots qui fâchent, tels que
"régimes spéciaux", se font curieusement discrets.
Espérons que cela change.
Ah, une "nouvelle taxe" sur le capital, sur "les
riches"... Voilà une solution au problème des retraites
intelligente et sensée, non ? Sauf que...
Même les premiers de la
classe qui prétendent nous gouverner le disent, je résume en
substance: "ce ne sera pas une mesure
de rendement, mais d'affichage, pour montrer aux partenaires sociaux que
l'effort pour la retraite est partagé par l'ensemble de la
société".
Bref, le gouvernement l'avoue, peut lui chaut l'efficacité de ses
propositions, pourvu qu'elles amadouent les sacro-saints partenaires
syndicaux. Après avoir cru que le bouclier fiscal permettrait de faire
revenir en masse les centaines de gros patrimoines qui ont fui l'ISF (raté !), le
gouvernement doit se figurer qu'une nouvelle taxe frappant la réussite
et le patrimoine, mais cette fois "solidaire" et
"symbolique", provoquera un exode massif helvéto-bruxellois
vers la France et son merveilleux art de vivre.
... qui coûtera des
milliards aux classes moyennes
Visiblement, la leçon de
l'ISF n'a pas été retenue. Rappelons que cet impôt, qui
fait rentrer moins de 3 Milliards annuels dans les caisses (1/300ème
de la somme des recettes publiques), a provoqué un exode de capitaux
dont le manque à gagner est estimé, dans le plus conservateur
des cas, à 15 milliards annuels, et plus probablement 25 à 30 milliards.
Par conséquent, comme l'état doit bien faire rentrer quelques
recettes, le véritable coût de l'ISF est supporté par les
classes moyennes.
Croit-on sérieusement du
côté de l'Elysée ou de Matignon qu'une "taxe
retraites" supplémentaire sur "certaines assiettes supportant
peu l'impôt" réduira l'exode des patrimoines ? Et si ceux
qui peuvent investir dans l'avenir vont le faire ailleurs, qui paiera les
pôts cassés: les riches partis, où les classes moyennes
qui restent ?
Conclusion
Il est encore beaucoup trop
tôt pour savoir dans quelle direction ira la réforme, mais ce
que l'on entend du début des négociations
inquiète... Et ce que l'on entend pas inquiète encore
plus.
Vincent Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard est Président de l'institut Hayek
(Bruxelles) et Senior Fellow de Turgot (Paris), deux
thinks tanks francophones dédiés à la diffusion de la
pensée libérale, et sympathisant des deux seuls partis
libéraux français, le PLD
et AL.
Publications
:
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la
Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen",
2003, La doc française, avec Pierre de la Cos