Ces deux mots sont l’axe qui
fait pivoter la vie aux Etats-Unis – et dans le reste du monde
techno-industriel – vers les ténèbres. Ils représentent une infection des opérations
critiques de la vie de tous les jours, une sorte de maladie métabolique, qui
nous force doucement vers le désordre et vers l’échec. Et ils sont tant
omniprésents que nous échouons même à nous rendre compte de la défaillance
qui se développe tout autour de nous.
Ces rendements décroissants sont
majoritairement la conséquence de notre surinvestissement dans la
complication de systèmes déjà complexes, comme par exemple le remplacement de
la loi Glass-Steagall de 37 pages, qui règlementait autrefois les opérations
bancaires aux Etats-Unis, par la loi Dodd-Frank, elle-même composée de 848
pages ne représentant seulement que les grandes lignes de 22.000 pages de
contenu règlementaire – le tout rédigé par des lobbyistes bancaires, qui
n’ont pas jugé important de remplacer la règle la plus importante établie par
Glass-Steagall : la séparation des opérations bancaires commerciales et
du trafic de titres. Dodd-Frank a été un acte ahurissant de détournement de
l’attention du public, un écran de fumée impénétrable de jargon légal au service
du racket.
Pour Wall Street, Dodd-Frank a
aggravé les conditions qui ont forcé les indices boursiers à ne se déplacer
que dans une seule direction, à la hausse, pendant neuf années consécutives.
Sur la même période, l’économie des Etats-Unis, composée de vrais individus
et de vrais produits, n’a cessé de décliner, ainsi que le pourcentage de
personnes au travail, les revenus de ceux qui travaillent encore, le nombre
d’individus suffisamment chanceux pour travailler à plein temps, et le nombre
de gens capables d’acheter de la nourriture sans l’aide du gouvernement ou
encore de payer leur loyer ou d’envoyer un enfant faire ses études.
Quand cette tension morbide
finira par tout faire éclater, ce ne sera pas que les gestionnaires de fonds
de couverture des Hamptons qui en souffriront. Le système financier global en
paiera les frais, et notamment les devises (dollar, euro, yen, renminbi,
livre sterling) qui devront rapidement être réévaluées, ainsi que les biens
libellés dans ces devises. Quand nous en arriverons là, le monde s’éveillera
à une nouvelle réalité de possibilités réduites pour ses quelques 7 milliards
d’habitants.
Ces mêmes surinvestissements
dans la complication de systèmes déjà complexes ont donné vie au racket
colossal de la santé (autrefois appelé « médecine »), au cas où
vous vous demanderiez pourquoi la salle d’attente de votre médecin ressemble
de plus en plus au bureau d’immatriculation des véhicules. Il est justifié de
dire que les citoyens de ce pays n’ont jamais été en plus mauvaise santé,
alors même qu’ils se trouvent escroqués plus que jamais par leurs
« fournisseurs ». La conséquence éventuelle en sera un processus
chaotique de simplification, à mesure que les corporations hospitalières, les
compagnies d’assurance et les cabinets médicaux s’effondrement pour ne plus
ressembler qu’à des cliniques du Tiers-Monde.
Nous éprouvons des difficultés à
appréhender les dommages causés par les téléphones portables – et je ne parle
pas ici de ce que les micro-ondes qu’ils émettent font à nos cerveaux.
Beaucoup trouvent amusant de voir des campus entiers remplis de jeunes gens
qui ont les yeux rivés sur leur téléphone. Ce qu’ils tirent de leur
« vie connectée » en termes d’endorphines, ils le perdent en termes
de compétences sociales. Ils souffrent des effets sinistres du
conditionnement comportemental des programmeurs des réseaux sociaux. Ces
échecs s’expriment au travers de nouveaux phénomènes sociaux tels que les flash
mobs et la manipulation des étudiants par la police maoïste de la pensée
– et ce ne sont là que leurs manifestations les plus évidentes. Une
conséquence plus pernicieuse en sera l’échec de toute une génération à
développer un sentiment de personnalité dans le cadre d’une longue urgence de
civilisation qui lui demandera exactement ce genre d’aptitude pour pouvoir
survivre.
Parmi les variétés les plus
populaires et les plus absurdes de rendements décroissants se trouve la
croisade actuelle de remplacement des véhicules à essence par des véhicules
électriques. Pour quoi faire ? Pour promouvoir l’illusion que nous
pourrons continuer de dépendre de nos voitures et de vivre en banlieue ?
Aucune de ces notions n’est soutenue par la réalité. Les deux nous mèneront
bientôt à une crise fondamentale de rareté de capital. Et d’ici là, personne
ne s’intéressera à ce qui pourrait offrir aux Américains un meilleur
lendemain : un retour à des communautés et une économie de petite
échelle et plus réalistes.
Les convulsions générées par les
pitreries de Donald Trump ne sont qu’un symptôme de la pourriture qui ronge
aujourd’hui les fondations de la vie américaine. Ce qu’elles démontrent avant
tout est l’échec des organes sensoriels de notre société – les médias – à expliquer
ce qui nous arrive vraiment. Ce refus de mentionner le problème auquel nous
faisons tous face est la raison première du discrédit des médias, même si
leurs critiques ne semblent pas parvenir à l’articuler correctement.