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Les dernières annonces
gouvernementales et les réactions politiques et syndicales
subséquentes laissent craindre qu'une fois de plus, la "Grande
Réforme des retraites" annoncée ne soit qu'un nouvel
ajustement paramétrique d'un système à bout de souffle.
Naturellement, les déclarations des uns et des autres sont encore
à prendre avec toutes les précautions d'usage, mais il n'est
question que de recul de l'âge légal, de "sauvegarde de la
répartition", d'augmentation de la durée de cotisations,
et enfin, point le plus scandaleux, de la
non remise en cause des régimes spéciaux,
ou peut être que si quand même, enfin bref, on ne sait pas.
Je ne vais pas réécrire en totalité ce que j'ai
déjà écrit par ailleurs (cf dossier retraites
& conditions de
réussite de la réforme), mais je
vais tenter de résumer ce que devrait être selon moi une
réforme réussie des retraites suivant une progression logique
simple, puis de définir comment, dans le contexte politique qui est le
nôtre, cette réforme pourrait être promue de façon
réaliste.
Le vrai
problème: les régimes à prestations définies
- Le régime
actuel est insoutenable à très court terme
parce qu'il est à la fois à répartition et à prestations définies
(abrégé : REP-PRED): les prestations promises ne pourront pas
être versées dès lors qu'il n'y aura plus assez de
cotisants dans le système.
- Le régime actuel REP-PRED ne pourra pas être rendu soutenable
par simple ajustement paramétrique (relèvement
de l'âge légal de départ ou nombre de trimestres
cotisés): le rééquilibrage des
entrées sorties par une augmentation du rapport
cotisants/retraités ne sera que temporaire à cause des
évolutions démographiques inévitables.
- Le régime actuel REP-PRED, fait d'un régime
général et de multiples exceptions, est fondamentalement
injuste, parce que les exceptions donnent beaucoup à ceux qui
jouissent déjà de grands avantages (agents de catégories
A de la fonction publique, cadres supérieurs) et peu à ceux qui
en ont peu (ouvriers et petits employés du privé, conjoints
ayant élevé des enfants, etc...)
- Les régimes par capitalisation à prestations définies
(CAP-PRED),
tels qu'ils existent dans certaines entreprises en Grande Bretagne ou aux
USA, sont tout aussi insoutenables: ces régimes ont le plus souvent
été négociés à la façon
"après moi le déluge" par des dirigeants soucieux
d'acheter une paix sociale immédiate, mais avec des hypothèses
tout à fait fantaisistes sur la croissance de l'entreprise ou les
rendements financiers associés à l'épargne salariale
pour la retraite. Ces régimes ont largement contribué à
la déconfiture de l'automobile américaine, qui ne doit sa
survie qu'à des sauvetages publics (transformant de facto un
régime de capitalisation en un régime de "répartition"
!), et à celle de nombreuses compagnies aériennes.
Les régimes
à cotisations définies
- Tant les régimes par répartition à cotisations définies
que par capitalisation
à cotisations définies* (REP-COD et CAP-COD), sous
réserve du respect de quelques règles de conception, sont
financièrement insubmersibles, puisqu'il n'y a comme unique promesse
de versement que de reverser ce qui entre dans le système.
* NB.
dans le cas d'une capitalisation, la "cotisation" n'a pas
forcément à être définie à l'avance,
même s'il est recommandé, pour le futur pensionné, de ne
pas descendre en dessous d'un certain seuil. Je vais continuer à
parler de cotisations définies pour la "bonne
capitalisation" dans la suite de ce texte, par abus de langage
simplificateur.
- Tant les régimes REP-COD et
CAP-COD permettent un âge de départ à la retraite choisi
par la personne et non décidé par l'administration. Des
formules de calcul dit "actuariel" permettent de faire en sorte que
ceux qui partent plus tard touchent le juste bénéfice de ce
départ tardif en retraite par rapport à ceux qui choisiront de
se reposer plus tôt. Notamment, dans un régime REP-COD bien
conçu, un partant tardif n'est pas pénalisé si une part
majeure de la population choisit de partir plus tôt.
- Les systèmes CAP-COD et REP-COD peuvent sans difficulté
être conçus dans le cadre d'un régime unique, c'est
à dire où les différences de revenu ne sont liées
qu'aux différences de contribution, sans que certaines
catégories ne soient statutairement avantagées au
détriment des autres.
- Les systèmes REP-COD sont certes insubmersibles mais ne laissent
espérer des pensions suffisantes que si les retraités retardent
très fortement l'âge de leur départ en retraite (Lien)
- Les systèmes CAP-COD promettent des rendements supérieurs (Lien)...
Si un certain nombre de risques liés à la durée de
l'immobilisation des fonds peuvent être évités: manque de
sérieux du système monétaire et retour de l'inflation,
confiscation des fonds épargnés par des gouvernements peu
scrupuleux**, gestion avisée des fonds sur de très longues
durées sans jamais se laisser leurrer par des produits faussement
sûrs (CDO, Madoff, etc)...
La capitalisation ne
marchera que si...
- Les systèmes CAP-COD promettent des rendements supérieurs
à condition que l'argent recueilli serve effectivement à
financer le développement d'investissement productifs privés,
principalement des entreprises (ou éventuellement de l'immobilier,
sous réserve que ce placement soit rendu "non bullaire" par
des réformes ad hoc), sous forme de prêts ou d'achats de parts
d'entreprises. Si l'argent des retraites CAP-COD ne sert qu'à acheter
des obligations d'états, alors cet argent ne contribuera pas à
augmenter la productivité des entreprises.
Or, le rapport actifs/inactifs sera tout aussi défavorable dans le cas
d'une retraite par capitalisation que dans le cas d'une retraite par
répartition: seuls
de très importants gains de productivité permettront aux
entreprises, seul creuset de création de valeur, de nourrir beaucoup
d'inactifs avec peu d'employés actifs. Les gains de
productivité supposent des investissements lourds et réguliers.
- Si les fonds de pension CAP-COD sont investis en bons d'état, que
celui ci ne peut rembourser que soit par renouvellement des emprunts, soit
par l'impôt, alors la retraite par capitalisation devient une
répartition déguisée, voire un nouveau système de
ponzi (retraites madoff)
si les finances publiques sont en déficit, les intérêts
versés étant alors financés par de nouveaux emprunts...
- L'idéal consisterait donc à évoluer du système
REP-PRED actuel à un système CAP-COD investi essentiellement
dans des instruments de création de richesse privés, avec des
sécurités monétaires et juridiques empêchant sur
des durées très longues que l'épargne ne soit
confisquée d'une façon ou d'une autres (confiscation à
l'argentine ou hyper-inflation à la zimbabwéenne...).
Oui mais...
... La transition
sera longue et semée d'embuches
- Quelle que soit la façon dont on retourne le problème, la
transition d'un régime de répartition vers un régime de
capitalisation pose la question du
financement de la transition: il y a au moins une
génération de cotisants qui devra payer deux fois.
- Les pays qui ont réussi à gérer une transition l'ont
financée soit par l'impôt, soit par l'emprunt, soit par des
recettes de privatisations, soit les trois, et généralement
à un moment de leur histoire où l'espérance de vie des pensionnés
était encore assez faible. L'exemple type de cette transition
réussie est celui du système chilien.
- La France a brûlé toutes les cartouches qui lui auraient
permis de financer la transition de façon rapide: le pays est
sur-endetté, les impôts y sont parmi les plus
élevés, l'argent des privatisations à été
dilapidé, et la différence entre l'espérance de vie et
l'âge de départ moyen en retraite suppose que nous trouvions d'ores
et déjà plus de 13% du PIB annuellement en recettes
supplémentaires pour financer une transition. Ahem !
- La seule façon de financer une transition est donc de substituer
graduellement à des cotisations définies en vue d'un
système REP-COD, des cotisations définies finançant une
épargne retraite individuelle. Une telle transition ne peut être
que longue: les économistes Georges Lane et Jacques Garello,
défenseurs de la capitalisation stricte, l'estiment entre 25 et 71
ans, selon que l'on choisisse une transition très volontariste ou au
contraire une transition très douce. De tels horizons politiques
portent évidemment en germe un risque politique majeur....
- ... Mais pire encore, si une telle transition était
opérée sans corriger les tares du système REP-PRED
actuel, alors celui ci, plombé par le déficit
démographique déjà évoqué, provoquerait la
faillite de l'état bien avant que la transition vers la capitalisation
ne soit achevée, avec toutes les conséquences funestes que l'on
peut imaginer... Notamment sur la valeur de l'épargne
capitalisée.
Par
conséquent...
- Quel que soit l'attrait théorique d'un système de retraite
purement fondé sur la capitalisation, nous ne pouvons faire
l'économie, au moins durant une phase de transition qui ne pourra pas
être courte, à l'échelle des temps politiques, d'une
transformation du système REP-PRED en système REP-COD,
peu flatteur en terme de rémunération mais insubmersible
financièrement, qui nous permettra de voir venir la longue
période de transition vers une capitalisation pure avec une certaine
sérénité, sous réserve de politiques
économiques par ailleurs intelligentes, hors du cadre de cet article.
Ce qui n'est pas gagné, je vous l'accorde.
La réforme
"idéale" sur le papier
Bien que la perfection ne soit pas de ce monde, esquissons une réforme
sinon "idéale", du moins tournée vers le meilleur:
- En préalable, afin d'établir une vérité des
coûts de la retraite et des autres assurances sociales, le
législateur instaurera le "salaire complet",
équivalent au "coût total employeur", mettant fin au
rideau de fumée entre "cotisations salariales" et
"cotisations patronales".
La réforme proprement dite s'appuierait sur deux piliers :
- Premier Pilier
REP-COD : Une cotisation unique identique quelle que soit le
cadre dans lequel une personne gagne sa vie, de l'ouvrier au président
de la république, du médecin au député, du
fonctionnaire à l'auto-entrepreneur, qui peut être évaluée
à 15% du salaire ou du revenu complet (sous réserve d'un calcul plus précis
hors de mes moyens), ira alimenter une retraite de type REP-COD
telle que celle proposée par des économistes comme Jacques
Bichot, mise en oeuvre sous des formes approchées dans des pays comme
la Suède.
- Second Pilier
CAP-COD : Dans le même temps, en déduction
complète de leur revenu imposable, les actifs pourraient
épargner jusqu'à 15% supplémentaires, à leur
choix, sur une formule d'épargne retraite aussi simple que possible.
Ils pourraient aller au delà, mais sans déduction de l'assiette
imposable, au moins dans un premier temps... La retraite serait donc
confiée à deux piliers, l'un REP-COD voué à une
extinction très progressive, l'autre CAP-COD voué à
devenir un pilier unique dans un horizon de long terme.
Certains, comme le père des très peu connus embryons de fonds
de pension à la Française PERP et PERCO, M. Jean Pierre Thomas,
aujourd'hui associé chez Lazard, suggèrent de regrouper les
possibilités du PEA et de l'assurance vie, en les déplafonnant,
au sein d'un produit défiscalisé tout simplement appelé
"Assurance Retraite". Je ne connais pas le détail de sa
proposition, mais sous réserve que les fonds ainsi accumulés ne
soient pas, contrairement à l'assurance vie, confisqués
sournoisement par voie législative pour financer la dette publique, ce
qui n'aurait pas le moindre intérêt économique à
long terme, elle va dans le sens souhaitable.
- Tout comme au Chili, l'épargne retraite devra être
individuelle. Pas question de la confier aux syndicats ou aux entreprises.
Que l'individu fasse appel à un professionnel de l'assurance retraite
pour le conseiller, oui, mais que des groupes d'intérêts se
saisissent de son épargne au motif de "le protéger des
rapaces capitalistes", non. Ni la CGT, ni un Robert Maxwell, ne doivent
pouvoir faire main basse sur l'épargne retraite.
Transitions
A ce stade, deux choix s'offriraient alors: une transition intégrale,
lente mais définitive vers la capitalisation, ou maintient d'un système
hybride à deux piliers un peu moins rémunérateur mais
politiquement.
Hypothèse 1 :
Transition intégrale
- La transition intégrale serait gérée de la
façon suivante: le taux de 15% impérativement versé sur
le compte du régime unique de la retraite REP-COD à
l'année zéro du système serait réduit chaque
année de façon à maintenir constant en valeur les
entrées dans le système - à démographie
égale-, mais en exploitant la différence entre gains salariaux
et inflation, différence positive hors période de crise. la
somme ainsi soustraite de la répartition irait alimenter la
capitalisation individuelle, que le cotisant serait libre d'abonder ou pas un
abondement de son compte épargne retraite.
- En prenant pour hypothèse une augmentation moyenne annuelle des
revenus de 1.5% au dessus de l'inflation, et une inflation de 2%, et en
admettant que l'âge librement choisi du départ en retraite monte
de 59 ans en moyenne aujourd'hui à 65, il serait possible de maintenir
constant le pouvoir d'achat des retraités actuels avec une baisse du
taux de cotisations obligatoire de 0.25% par an, soit une transition sur 60
ans. J'attire l'attention sur le fait que de tels calculs sont excessivement
simplificateurs par nature et que des simulations plus fines, supportées
par des puissances de calcul et une meilleure connaissance des
paramètres démographiques que celle que je pourrais avoir, et
une intégration aléatoire de bonnes et de mauvaises
années, donnerait un résultat autre. C'est l'ordre de grandeur
qui importe ici.
60 ans, c'est long ! Vous noterez que politiquement parlant, cette transition
n'a rien d'exaltant, sauf pour les rares disciples de l'économie
autrichienne qui parfois passent par ici. Ce qui, vous en conviendrez, ne
constitue pas une base électoralement suffisante pour susciter
l'adhésion.
Certains diront qu'on pourrait aller plus vite en affectant un certain nombre
de recettes supplémentaires à cette transition, mais gardons
à l'esprit que toute richesse provient de toute façon d'une
production, et que toute recette fiscale est rendue au départ possible
par la création d'une valeur ajoutée par des entreprises.
Affecter une recette fiscale supplémentaire, qu'on l'appelle TVA
sociale ou impôts sur les méchants riches, ne change rien sur le
fond du problème: il faut que l'économie soit suffisamment
productive pour financer ces prélèvements.
Les seules recettes complémentaires affectables à la transition
sans augmenter les impôts futurs sont donc celles de l'agence
française des participations, dont le montant ds avoirs, estimé
à 105 milliards, n'est pas significatif par rapport au
problème qui nous occupe. C'est mieux que rien, il faudrait affecter
ces participations à cet objectif, mais la mesure sera de l'ordre du
symbolique.
D'autre part, et toujours suivant la proposition de l'ex-ministre JP Thomas,
les épargnants pourraient transférer sur leurs comptes
épargne retraite leur PEA ou leur assurance vie, de façon
à ce que ceux qui le peuvent ne démarrent pas leur compte
retraite à zéro. Ce seraient 1300 milliards qui,
potentiellement, pourraient amorcer l'épargne retraite. Seul souci:
l'essentiel de cette épargne, placée en bons d'états,
est la plus improductive qui soit pour l'économie, et n'est de
surcroit plus aussi sûre que ce que l'on voudrait nous faire croire,
à en juger par l'ampleur des plans d'urgence pour sauver les
trésors publics des pays du club med...
Hypothèse
2, : transition partielle
Afin de réduire le niveau de risque de dévalorisation de
l'épargne longue par une phase de crise inflationniste grave ou de
spoliation gouvernementale**, Le taux de cotisation obligatoire au
système REP-COD est réduit jusqu'à un taux permettant
d'assurer le financement d'un filet de sécurité, une sorte de
minimum vieillesse amélioré, qui aurait son utilité pour
le cas où un "cygne noir" tel que ceux envisagés ci
avant viendrait sabrer les efforts d'épargne de long terme.
Vous me direz que si cette épargne est intégralement investie
en actifs productifs, ils sont a priori relativement protégés
d'une méchante vague inflationniste. Mais qui sait ce qu'un
gouvernement mal avisé peut faire comme dégâts en
seulement quelques années. Besoin de financement imprévu d'un
état providence, épisode dictatorial... Sur 45 ans de
cotisations plus 25 ans de pension, personne ne peut affecter de croire que
le risque politique est nul.
Et puis ne nous faisons pas d'illusion: dans un premier temps, les fonds qui
alimenteront les plans d'assurance retraite viendront des assurance vie, qui
sont majoritairement investis en obligations d'état. Or, nous l'avons
vu, pour que la capitalisation ne tourne pas à la répartition
déguisée, voire au système de ponzi
déguisé, et que les gains de productivité potentiels liés
à la capitalisation se matérialisent, il faut que
l'épargne retraite soit investie dans des véhicules
d'investissement créateurs de valeur.
Nous ne pouvons pas exclure qu'il y ait pendant une période de
transition là encore assez longue des bons d'état
présents en masse dans les comptes d'épargne retraite. Et la
soi-disant réputation de sécurité sur le long terme de
ce type de placements est usurpée, comme la crise actuelle le
démontre assez amplement. Le filet de sécurité
financé par une répartition est donc sans doute un des seuls
moyens de vendre politiquement la capitalisation à des masses dont on
supposera qu'elles ont développé une forte aversion au
risque...
Gestion politique de
la réforme :
Quand bien même certains lecteurs pourraient la trouver raisonnable,
une telle réforme nécessitera, pour être acceptable, un
véritable choc culturel au sein de la population. Et je ne crois pas
aujourd'hui possible de la mener intégralement de fond en comble.
Songez qu'une simple menace d'augmenter l'âge de la retraite de 3 ans
fait descendre 500 000 personnes dans la rue ! Alors si nous agitons le
chiffon rouge de la capitalisation intégrale, croyez vous que les
français, saoulés de discours collectivistes depuis tant
d'années, sauteront de joie, alors que l'on nous ressasse à
l'envi que "les fonds de pension américains sont en
faillite" - Ce qui
n'est vrai que pour les fonds de type "CAP-PRED" et pas de type
"CAP-COD", mais cela, quel média vous le dira...
Ajoutons que dans une économie aussi "bullaire" que la
notre, au système monétaire aussi manipulable que possible par
les états, la capitalisation ne pourra pas inspirer totalement
confiance. Les gens auront peur de rentrer dans le système en
sommet de bulle et d'en sortir en période d'éclatement.
Même si à long terme, l'espérance de rendement est bonne
même dans le plus pessimiste des cas de figure, beaucoup de gens
n'auront pas envie d'y croire, et toutes les forces réactionnaires de
ce pays, du PS à la CGT, y veilleront.
On peut et on doit proposer une vraie réforme des retraites, mais
vouloir gravir l'Everest en une seule étape dans un pays comme la
France de 2010 en pleine crise financière me parait politiquement
"mort".
D'où ma proposition de procéder en deux temps: dans un premier
temps, instaurer le "salaire complet", et mettre en place une
retraite à deux piliers, le premier REP-COD obligatoire et le second
CAP-COD facultatif mais fiscalement fortement encouragé.
Ce premier pas est déjà conceptuellement énorme par
rapport aux propositions actuelles qui se bornent à conserver la
mosaïque de régimes spéciaux REP-PRED mise en place il y a
55 ans, en se demandant si on va augmenter l'âge de départ
à 62 ou 63 ans, ce qui permettra de sauver l'équilibre du
système jusqu'en 2015 au mieux, et encore en admettant qu'aucune crise
financière 2.0 ne vienne nous plonger un
peu plus dans la récession, ce qui n'est hélas pas
inenvisageable.
Puis, une fois que les blocages par rapport aux dogmes actuels auront
été surmontés, et que les individus auront pu mesurer
sur quelques années les avantages et inconvénients respectifs
d'une répartition REP-COD et d'une capitalisation CAP-COD, avancer
dans la réflexion politique et faire évaluer la faisabilité
d'une transition, sur un mode soit partiel, soit intégral, et poser au
bon moment la question à la population, par référendum.
Mais l'horizon de cette deuxième étape parait lointain.
Conditions de
réussite
Quelles sont les conditions économiques générales qui
assureront le succès d'une telle réforme sur le long terme ?
que soit le système retenu, mais plus encore dans le cas de la
capitalisation, bien évidemment, il faudra que le système
réglementaire et fiscal en vigueur cesse de punir la création de
capital et la réussite entrepreneuriale.
Je ne puis rappeler tout ce que j'ai pu écrire sur le sujet, mais
citons en vrac: la baisse des taxations
marginales et des dépenses publiques, la
suppression des impositions sur le capitalet la fortune, et la neutralité fiscale
entre financement capitalistique et financement par la dette pour rendre
désirable par les entreprises l'accueil d'une nouvelle classe
d'actionnaires, celle des fonds de gestion de l'épargne retraite. Tout
ce qui contribue à rendre l'économie
bullaire devra être combattu avec
acharnement, par exemple, les sources
foncières des bulles immobilières.
Plus encore, il faudra que les nations, suite aux inévitables
désordres monétaires vers lesquels on s'achemine, en viennent
à rénover le
système monétaire mondial pour que
la menace de l'inflation soit réduite à zéro. Mais je ne
les vois pas devenir fans de la "dénationalisation
de la monnaie" du jour au lendemain...
Enfin, des gardes fous législatifs forts - constitutionnels - devront être
promulgués pour qu'un caprice de l'électorat ne permette pas
à un disciple de Martine Aubry de venir défaire, par pur
dogmatisme ou démagogie, ce que les promoteurs d'une réforme
courageuse auraient pu faire...
Et demain ?
J'ai bien dit "auraient pu faire", mais ce n'est pas pour demain...
Selon toute vraisemblance, le projet que le gouvernement dévoilera
avant les vacances pour le faire voter à la rentrée sera une
version bâclée d'un nième ajustement paramétrique
du système REP-PRED actuel, absolument insoutenable à moyen
terme. L'ambition du gouvernement ne semble guère aller au delà
de 2012, et la vraie réforme sera laissée à son
successeur... Or, celui ci risque d'être issu de la gauche, ce qui
n'arrangera rien, vu l'état intellectuel absolument déplorable
de notre PS.
Que cela ne vous interdise pas, si vous le pouvez, de commencer à
épargner, par exemple dans un PEA. Je suis persuadé qu'une
proposition de type second pilier facultatif "Thomas" sera
adoptée rapidement, peut être dès la présente
réforme, ce qui constituerait tout de même une bonne surprise,
mais en cas d'erreur de prévision, un PEA correctement
diversifié présente à mon sens de bien meilleures
perspectives de croissance qu'un placement basé sur des obligations
d'états souverains, même si, à court terme, la
volatilité sera peut être forte. Et le capital ainsi
accumulé vous permettra d'améliorer l'ordinaire d'une retraite
publique réduite à peau de chagrin à cause de l'absence
totale d'honnêteté et de courage politique de la classe
ultra-privilégiée de politiciens démagogues qui nous
conduisent depuis trop longtemps sur les chemins de la banqueroute.
Quant à savoir comment choisir les valeurs qui le composeront, je vous
laisse en compagnie de meilleurs
experts ès placements que moi, tels que le talentueux Loïc Abadie.
---------
** Notons que le risque
de spoliation gouvernementale n'est pas que théorique. Outre le vol
des fonds de pension argentins par le gang des Kirchner, plus près de
chez nous, en Belgique, en 2003, l’Etat a confisqué, par une loi
spéciale, le fonds de retraite par capitalisation de
l’entreprise publique Belgacom, s’emparant ainsi de cinq
milliards d’euros d’épargne (14). En échange,
l’Etat belge a ‘’garanti’’ le financement des
retraites Belgacom par la répartition… Cité par le
toujours remarquable Gilles Dryancour,
pour l'Institut Turgot.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
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