En 2016, le budget national consacrera près de 58 milliards
d’euros à la retraite des fonctionnaires d’État (2,5 millions de
personnes, soit environ la moitié des agents de la fonction publique). Or,
seul un dixième seulement de cette somme est couvert par les cotisations des
fonctionnaires. À côté de cela, d’énormes contraintes imposées aux
salariés du privé ont permis de rétablir la situation de la branche
vieillesse de la SS, tandis que les retraités du public sont désormais plus
nombreux que les actifs.
Une explosion du coût des retraites du secteur public
En 2016, pour payer les retraites de ses fonctionnaires civils, le taux de
cotisation d’équilibre de l’État employeur a été fixé à 74,28 %. Dans le
secteur privé, le taux employeur est de 15%. Non seulement la part de l’État
est intégralement financée par les impôts qui pèsent sur l’ensemble des
contribuables français (dont 80% travaillent dans le secteur privé) mais
cette part ne cesse d’augmenter. Il y a dix ans, le taux de cotisation de
l’État employeur s’établissait à 49.9%. Cette année, sur un total de
ressources de leur régime de 57,8 Md€, les cotisations des agents publics
d’État représenteront seulement 5,8Md€, tandis que la prétendue cotisation
employeur atteindra 52 Md€… soit 85% de l’impôt sur le revenu perçu
sur les salariés du privé !
La cause majeure de cette explosion réside dans le fait que les retraités
de la fonction publique d’État sont désormais plus nombreux que les actifs,
et la persistance de certains régimes spéciaux permettant des départs
à la retraite dès 55 ans favorisent largement l’insolvabilité
chronique du système. Ainsi, chaque année, l’État est obligé de faire voter
un taux de cotisation “employeur” toujours plus élevé pour préserver une
apparence d’équilibre sur les comptes du régime de retraite des
fonctionnaires.
Des sacrifices pour une amélioration fragile des retraites du privé
De leur côté, les affiliés au secteur privé sont soumis de manière très
régulière à des mesures d’austérité de plus en plus contraignantes. Et ces
efforts semblent porter leurs fruits puisque, après plus d’une décennie de
déficit, la branche retraite de la sécurité sociale pourrait être en
excédent à compter de cette année. Évidemment, le relèvement de
l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et le gel des
pensions expliquent largement le phénomène, mais d’autres sacrifices vont
désormais être demandés aux salariés et aux retraités afin de sauver, cette fois,
les régimes de retraites complémentaires.
En effet, que ce soit à l’Arrco (qui concerne tous les salariés du privés)
ou à l’Agirc (destinés aux cadres), les caisses sont vides. Ou du moins le
seront-elles d’ici 2018 pour le premier organisme et 2027 pour le second.
C’est pourquoi, le 30 octobre dernier, un accord a été signé portant sur un
certain nombre de réformes particulièrement sévères frappant aussi bien les
salariés que les retraités (notons au passage que 2 des 5 délégués syndicaux
ayant signé cet accord sont issus du secteur public…)
Ainsi, les salariés verront le rendement de leurs cotisation
baisser de 6% dès cette année, tandis que le montant de ces mêmes
cotisations devrait augmenter. Du reste, à partir de 2019, les affiliés à
l’Agric et à l’Arrco qui liquideront leur pension à la date d’obtention du
taux plein (donc au moment voulu) subiront un malus de 10 % par an
pendant trois ans. Quant aux retraités, il devront accepter un recul
de six mois de la date de la revalorisation de leur retraite et surtout une
sous-indexation des pensions à un point en dessous de l’inflation
pendant trois ans.
Les fonctionnaires ne veulent pas d’une harmonisation des retraites
Évidemment, certains préconisent d’ores et déjà une harmonisation
de tous les régimes de retraites, afin non seulement de supprimer
les régimes spéciaux qui ne se justifient plus (certains métiers ont
largement évolué depuis la mise en place de ces régimes au début du XXe
siècle et les conditions de leur exercice, jadis pénibles, sont désormais
similaires à celles des travailleurs du privé) mais aussi de mutualiser les
dépenses pour faire des économies et de pérenniser le versement des pensions.
Sauf que les fonctionnaires ne veulent pas en entendre parler. Par rapport
au salaire brut, le taux de cotisation des agents de l’État est de 9,94% en
2016, et devrait atteindre 11,15% en 2020, ce taux étant considéré comme le
taux moyen de cotisation des salariés du secteur privé. Or, les chiffres de l’URSSAF sont parfaitement clairs : le
taux de cotisation des affiliés au régime de retraite privé est en réalité
compris entre 15,45 et 17.65 %. L’équilibre entre les différents régimes de
retraite risquent donc bien de ne jamais être atteint.
De la même façon, le régime de retraite des fonctionnaires est plus
avantageux que celui du privé dans son mode de calcul: seuls les 6
derniers mois d’activité sont pris en compte pour déterminer le montant des
pensions, avec d’ailleurs un ratio plus avantageux que dans le
privé, ce qui conduit parfois les administrations à accorder ce que l’on
appelle le “coup de chapeau” à certains de leurs agents qui approchent de
l’âge de la retraite : cela consiste à leur octroyer une promotion et une
augmentation 6 mois avant leur départ afin d’améliorer le montant de leur
future pension. À titre de comparaison, les retraites du privé sont
calculées sur les 25 meilleures années d’activité salariée…
Au final, les bénéficiaires du régime de retraite de la fonction publique
d’État gagnent en moyenne 2.510 euros brut par mois, contre 2084 pour les
salariés du régime général (régime de base + complémentaire). On comprend là
encore pourquoi les fonctionnaires ne veulent pas s’aligner sur le privé !