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Au Royaume-Uni, les sondages prédisent une forte percée du SNP, le parti
nationaliste de gauche écossais, lors des élections législatives du 7 mai
prochain. Elle se fera au détriment des travaillistes et rendra nécessaire un
accord politique entre les deux partis qui ne se dessine pas pour le moment,
si le leader du Labour Ed Miliband veut devenir premier
ministre. L’éclipse présente du bipartisme au Royaume-Uni pourrait donc
se renforcer encore.
Ce phénomène ne lui est pas propre et va également atteindre l’Espagne,
mais ce ne seront pas les Catalans qui joueront les trouble-fêtes lors des
prochaines législatives de décembre prochain au plus tard. Deux nouveaux
venus, Podemos et Cuidadanos, sont appelés à considérablement renouveler les
Cortes. Le dernier sondage donne 24% des votes au Partido Popular et 19% au
PSOE, tandis que Podemos est crédité de 20% et Cuidadanos de 18%. Le jeu se
joue désormais à quatre et les préférences des Espagnols iraient vers une
coalition PSOE-Podemos, un attelage peu vraisemblable à la tête duquel Pablo
Iglesias serait le premier ministre… Les nouveaux venus qui font feu de tout
bois contre la corruption font à eux deux jeu quasi égal avec les partis de
gouvernement. Parallèlement, la crise avec la Catalogne se poursuit, en dépit
d’un projet de référendum sur l’indépendance avorté.
Les révélations à propos de la corruption qui mine le Partido Popular ont
abouti à l’arrestation devant les caméras de son ex-trésorier, Rodrigo Rato,
avant qu’il ne soit relâché. Ayant eu de multiples responsabilités, présenté
comme le père du miracle économique espagnole et ancien directeur général du
FMI, celui-ci se trouve désormais inculpé ainsi que sous le coup de multiples
enquêtes pour escroquerie, falsification des comptes, détournement de fonds,
blanchissement d’argent… L’étoile de la droite espagnole est devenu le
symbole de sa corruption endémique, et si le Partido Popular a tenté d’en
faire un bouc émissaire, cette opération arrive trop tardivement mais a par
contre incité Rodrigo Rato a rompre le silence qu’il observait. Forts de ses
révélations, des juristes constitutionnels s’interrogent dans la presse sur
l’opportunité d’une enquête de la Cour Suprême afin de déterminer si le PP
peut être considéré comme une organisation criminelle.
Au Portugal, le parti socialiste mène toujours dans les sondages, appelé à
succéder à la coalition de droite formée du PSD et du CDS-PP. La victoire du
PS aux législatives de l’automne prochain semble assurée, mais il n’est pas
du tout certain qu’il obtiendra une majorité parlementaire. La principale
inconnue réside toutefois moins dans les accords avec de petites formations à
sa gauche qui pourraient lui permettre de l’atteindre que dans la politique
que mènera son leader, Antonio Costa. Dans l’immédiat, celui-ci prend bien
garde à ne pas se découvrir, à l’écoute de l’évolution des rapports de force
en Europe pour apprécier ses marges de manœuvre futures.
Pas plus qu’en Espagne, le retour à la croissance du Portugal ne règle les
problèmes : les satisfecit qui n’ont cessé d’être adressés au gouvernement
issu d’une majorité parlementaire en fin de mandat répondant au besoin
d’avoir de bons élèves pour les opposer au cancre grec. Pedro Passos Coelho,
le premier ministre portugais, qui comme Mariano Rajoy en Espagne a mis la
pédale douce sur les mesures d’austérité pour cause d’année électorale, se
voit contraint de remettre sur le tapis des coupes dans les retraites d’un
montant de 600 millions d’euros, deux fois le montant du précédent projet qui
avait été retoqué en 2013 par un Conseil constitutionnel jouant les
opposants. Il s’avère que l’excédent budgétaire primaire dégagé par le
gouvernement, au prix d’importantes coupes budgétaires et grâce à une faible
croissance qui ne semble pas pouvoir se maintenir, ne permettra pas
d’accomplir les objectifs de désendettement du pays. C’est toujours la même
histoire : les prévisions de croissance ne seront pas tenues, elles ne sont
pourtant que de 2,4% sur le moyen terme.
Jean-Claude Juncker vient de réaffirmer que la Grèce ne fera pas défaut,
sans toutefois fonder la certitude à laquelle il se raccroche. Elle n’a qu’un
seul argument : le contraire est impensable car il n’existe aucun plan B, les
autorités européennes étant incapables d’assouplir la politique de
remboursement prioritaire de la dette publique à laquelle ils sont rivés.
Cette obstination a pour effet de lentement mais surement favoriser la
désagrégation de l’Europe, la monnaie commune jouant le rôle de symbole.
L’approfondissement de la crise politique réduit les points d’appui d’une
oligarchie qui ne se cache plus. Elle fait craindre l’avènement en
contre-coup d’une société de surveillance anxiogène abritant encore plus de
tout contrôle démocratique les centres effectifs de pouvoir. Assortie d’une
fracture sociale ouverte destinée à s’élargir, elle repose sur une peur
instrumentalisée avec laquelle tout est l’occasion de jouer. Chaque jour et
dans les domaines les plus étendus, ses contours se précisent et
s’accentuent, créant comme enjeu de non seulement la rejeter mais de
résister. À leur manière, les échéances électorales nationales en constituent
des occasions. Le mouvement des lanceurs d’alerte qui élargit son champ
d’action y contribue également, contribuant à mettre à nu les mécanismes
contemporains du pouvoir et de l’argent comme ils ne l’ont jamais été.
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