Le
jeu de la patate chaude continue de plus belle. Assurant le service minimum,
la BCE vient de clairement signifier que, si elle maintient son filet de
sécurité, elle n’entend pas s’engager plus avant
comme il était fortement attendu. Le message est clair : aux
politiques de prendre à leur tour leurs responsabilités.
Les
banques n’ayant plus accès au marché inter-bancaire
trouveront encore des liquidités pour rouler leur endettement
et les Etats en passe d’être exclus de fait du marché
obligataire continueront de bénéficier des achats de la BCE
limitant les dégâts.
Sans
plus, alors que les spéculations à propos d’une forte
implication de la BCE sur ce marché avaient enflé. Allant
jusqu’à envisager qu’elle puisse imiter sa consœur
américaine et acheter en quantité de la dette
européenne. Car la question est devenue lancinante :
« que faire avec la dette ? », puisqu’il
est devenu clair que chaque fois qu’un pays est sauvé, il
est précipité dans de plus grands tourments, la liste de ceux
destinés à les rejoindre s’allongeant.
Tout
n’a bien sur pas été clarifié par Jean-Claude
Trichet lors de sa rituelle conférence de presse. S’il a reconnu
la nécessité de revenir sur la décision
d’arrêter les « mesures exceptionnelles »,
en particulier les allocations illimitées de liquidités aux
banques, il a refusé de préciser l’enveloppe que la BCE
étaient prête à consacrer aux achats obligataires. Pas
plus qu’il n’a précisé que la banque intervenait
sur ce même marché durant son allocution, contribuant à
faire baisser les taux afin d’accréditer le bon accueil
réservé à ses propos.
Les
dirigeants européens peuvent se dire qu’ils ont gagné un
répit, mais pas davantage. Depuis Washington, le FMI a
aujourd’hui à nouveau refusé de confirmer qu’il
était prêt à accroître sa contribution au fond de
stabilité européen (EFSF), démentant que des discussions
aient lieu à ce propos en dépit de rumeurs insistantes.
Pourtant, comment croire que le projet de mécanisme de crise
sur lequel planchent les gouvernements est une réponse
circonstanciée, vu qu’il est destiné à voir le
jour en 2013 et que ces derniers jours ont été marqués
par un sérieux coup de tabac sur tous les marchés ? Qui ne peut
que se renouveler, vu les décisions de la BCE.
La
BCE et les Etats européens ont en commun de marcher à reculons.
Ils n’avancent que lorsqu’ils ne peuvent pas faire autrement. En
persévérant dans cette attitude, ils jouent la poursuite de la
crise de la dette, afin de ne pas sauter le pas. En reconnaissant que la voie
qu’ils ont empruntée est une impasse, que les Etats
européens n’ont globalement pas les moyens d’absorber la
dette résultant de la crise financière
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
(*) Un « article
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soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est
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Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La
Découverte : 2007).
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