« Mon
Dieu ! », a sans doute aboyé Janet Yellen la semaine dernière alors
que le Japon prenait la décision de remplir le trou de liquidité laissé
derrière elle par la course à la réduction du QE3 de la Fed qui franchissait
alors tout juste la ligne d’arrivée. Le galant samurai de la banque centrale
du Japon, Haruhiko Kuroda, déclarait alors que sa nation était reconnaissante
envers l’inflation générée par le généreux peuple des Etats-Unis, qui
permettra à son pays de s’empaler sur son wakizashi et d’abandonner le monde
de modernité industrielle dans lequel il se démène depuis déjà deux siècles.
L’impression monétaire se
trouve être le cadeau qui ne cesse jamais d’offrir. Les marchés américains
des actions ont de nouveau traversé leurs soubresauts du mois d’octobre, et
les obligations sont grimpées doucement dans l’anticipation de l’arrivée de
capitaux étrangers vers les banques américaines. L’euroland aussi a accepté
le cadeau de l’inflation face à l’affaiblissement de sa devise. Le monde
semble avoir oublié depuis un certain temps que tout cela n’est que l’opposé
de ce que cherchait à faire la banque centrale des Etats-Unis avec ses
programmes de QE – qui n’était autre qu’une légère inflation domestique pour
simuler sinon stimuler le saint Graal de la croissance économique. Bien
entendu, ces programmes n’ont rien fait de plus que laisser place à un marché
des actions Potemkine, un édifice fragile et unidimensionnel qui dissimule
les ruines post-industrielles de l’économie réelle.
Et puis, comme par invocation
satanique, le grand maître lui-même est entré en scène. Alan Greenspan,
directeur de la Fed de 1987 à 2007, lui qui a su percevoir les signaux
d’alarmes pendant son mandat survolté, a qualifié le QE d’échec. Cerise sur
le gâteau, il a ajouté que la Fed ne pourrait pas non plus mettre fin à sa
politique de taux d’intérêt zéro. Voilà qui laisse la banque centrale des
Etats-Unis dans une boîte noire enveloppé d’énigmes dégageant de l’hydrogène
sulfuré tel le cadavre d’un opossum sur le bas-côté. Greenspan a conseillé à
tout le monde d’aller acheter de l’or – ce qui a naturellement fait baisser
le prix de l’or jusqu’à des niveaux encore jamais vus. L’or est la substance
la plus mal-aimée de l’histoire de commerce, et a été gravement affecté par
les propos de Greenspan. Pour le moment, plus l’or est dévalué, plus la
réaction sera extrême lorsque nous percevrons les premiers signes de réalité
au travers du smog des interventions officielles sur le marché américain.
Et si ces évènements se font
suite, c’est parce qu’un problème essentiel persiste : le monde ne peut
pas rembourser la dette accumulée, et les maîtres de la finance n’essaient
même pas de la réduire de manière ordonnée, de peur de déclencher une
déflation monétaire internationale. Voilà qui ne fait rien pour assurer le
remboursement futur de la nouvelle dette. Il ne reste rien de plus que des
manœuvres variées, des jeux de patate chaude et des tournois de chaises
musicales qui utilisent les restes de la crédulité globale pour prétendre que
la phase de contraction n’a pas encore commencé et qu’elle n’est pas déjà
parmi nous, comme le faucheur d’autrefois faisant virevolter sa faux.
Très peu sont ceux qui doutent
de la réalité de l’Ebola. Et l’EIIL (peu importe son nom) fait pleuvoir sa
magie effroyable sur toute une région du monde. Il faut dire que les deux
partagent une caractéristique intéressante : les journalistes sont
découragés de se rendre dans l’une ou l’autre de ces zones, sans quoi ils
risquent de saigner par tous les orifices ou de se couper la tête devant une
caméra. Nous n’obtenons pas de ces régions les meilleures informations. Il
est possible que la situation soit pire encore que ce que l’on nous dit. Les
marchés financiers ont oublié ces menaces à l’approche d’Halloween, mais
l’histoire n’est pas terminée. Si le monde avait un visage, nous pourrions
sans doute y lire sa fragilité.