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Silvère Tajan : L'étrange histoire du Coca Cola au pays des céréales

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Publié le 07 juillet 2009
1718 mots - Temps de lecture : 4 - 6 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Aujourd'hui, un Guest post signé Silvère Tajan, en pleine forme !

 

Ce n'est un secret pour personne, j'aime beaucoup voyager aux Etats Unis. J'y passe très régulièrement mes vacances, et dans un peu moins de deux semaines, je prend l'avion pour mon pèlerinage annuel au pays de Jefferson. Ce sera l'occasion, comme chaque fois, de me soumettre à un régime un peu particulier. Il faut en effet savoir que je suis un grand amateur de la boisson aromatisée à l'extrait de cola. J'en bois très régulièrement, par plaisir ou pour me désaltérer. Tout au long de l'année. Ou presque.

 

Une affaire de goût

 

En effet, un des avantages d'apprécier le Coca Cola, car c'est bien évidemment de ce soda dont nous parlons, c'est qu'il est mis en bouteille localement à travers le monde, mais à partir d'un concentré dont la firme d'Atlanta garde jalousement le secret, et qu'elle produit dans un nombre très limité d'usines qu'elle possède en propre (à la différence des usines de mise en bouteilles qui sont des franchisés locaux). C'est ainsi que le goût de la boisson la plus connue au monde est identique aux quatre coins du globe. Ouvrez une canette à Paris, Tokyo ou au fin fond de l'Afrique, et vous partagerez la même expérience. Enfin, partout, ou presque.

 

Il est en effet un pays où le goût du coca cola diffère très sensiblement du reste du monde, et par une ironie incroyable, ce pays, ce sont les Etats Unis d'Amérique. Par quel truchement absurde la boisson qui incarne l'Amérique a t-elle pu garder le même goût au travers des frontières du monde entier, sauf dans le pays qui l'a vu naître et prospérer ? Un seul mot : l'Etatisme, dans toute son absurdité. Car c'est une fois de plus une conséquence inattendue de l'immixtion de l'Etat dans la vie économique qui est responsable de ma diète estivale forcée, car pour un fin amateur de coca, avaler une gorgée de l'infâme mixture vendue sous l'appellation de Coca Cola aux Etats Unis relève de la torture physique et morale.

 

Les sucres

 

Mais revenons à notre sujet : comment diable le goût du coca peut il différer aux Etats Unis si le sirop concentré qui le compose est rigoureusement le même dans le monde entier ? Il faut en fait comprendre qu'une usine de mise en bouteille de Coca Cola assemble trois ingrédients principaux : le fameux sirop qui concentre tous les arômes, de l'eau gazeuse, et enfin, ... du sucre. Le sucre, de part le monde, est produit à partir de deux matières premières agricoles principales : la canne à sucre, et la betterave sucrière. Dans les deux cas, le sucre une fois raffiné a exactement le même goût et est composé de saccharose.

 

Mais outre atlantique, où la culture de la canne à sucre était originellement la principale source de sucre, l'importation de canne à sucre des très gros producteurs des caraïbes et d'amérique du sud a assez vite supplanté la production nationale. Depuis bien des années, les Etats Unis ne produisent plus de sucre. En revanche, les américains produisent beaucoup de maïs, et les producteurs de maïs y sont très organisés, et très puissants. Et à la fin des années 50, on découvrit que si le maïs ne contient pas de sucre (saccharose), il contient du glucose. Et qu'en utilisant certaines enzymes, on pouvait transformer artificiellement en cuve, le sirop de glucose issue du maïs, en sirop de fructose. Le procédé est coûteux, et le fructose n'égale pas le goût sucré du saccharose de la canne à sucre ou de la betterave, mais si aux Etats Unis on a pas de canne à sucre, on a des lobbies, et de très efficaces.

 

Les sucriers veulent se sucrer

 

En 1977, un système de taxe douanières et de quotas d'importation est mis en place, qui va rapidement conduire le prix du sucre, le vrai, à un niveau approximativement deux fois plus élevé que sur le reste du marché mondial. Progressivement, les industries agro-alimentaires grosses consommatrices de sucres vont se tourner vers d'autres alternatives, et principalement, vers le sirop de fructose issu du maïs (ou High Fructose Corn Syrup), dont le coût élevé du traitement est contrebalancé par les nombreuses aides à la production accordée au secteur céréalier.

 

Restait un problème de taille, notamment pour une société comme Coca Cola qui vent à ses clients la garantie d'un expérience de consommation très calibrée, au goût toujours identique : le High Fructose Corn Syrup n'a pas vraiment le gout du sucre. Il est sucré certes, mais même mélangé au sirop concentré des arômes du coca, il laisse un arrière gout très caractéristique. Pourtant, avec le doublement du coût du sucre "naturel" importé, il devenait urgent de trouver une parade au risque de voir le prix du soda augmenter sensiblement et la consommation s'effondrer. C'est maintenant que nous quittons le domaine de l'histoire officielle pour entrer dans le domaine parallèle de l'histoire secrète de ce que d'aucuns considèrent comme la plus grand erreur marketing de l'histoire, et d'autre le plus grand coup de génie stratégique jamais imaginé.

 

Le 23 avril 1985, à grand renfort de matraquage publicitaire, Coca Cola, pressuré par ses compétiteurs d'un côté et par le coût des matières premières de l'autre, introduit le New Coke : un nouveau soda au cola dont la formule "améliorée", testée par des armés de techniciens du goût, est sensée remplacer du jour au lendemain l'ancienne formule qui avait fait la fortune de la firme d'Atlanta. Passé l'effet de surprise, le résultat est tout bonnement catastrophique. En quelques semaines, non seulement les ventes s'effondrent, mais une tempête de protestation s'empare du pays, des groupes de pressions de consommateurs s'organisant pour exiger le retour du "vrai" Coca Cola. Ce qu'ils obtiennent en quelques mois : le 10 juillet, le Coca Cola ancienne génération est réintroduit sous l'appellation de Coca Cola Classic, le New Coke restant un temps dans les rayons avant de s'éteindre progressivement (enfin pas totalement, puisque le Coca Cola Light - Diet Coke en anglais - est basé sur la formule du New Coke, et n'est pas une version sans sucre du Coca Cola traditionnel, ce que le Coca zero est désormais). C'est en tout cas l'histoire officielle.

 

L'histoire moins officielle, c'est qu'en introduisant la nouvelle formule du Coca Cola, on était aussi passé au High Fructose Corn Syrup, en remplacement du sucre de canne. Présenté avec un nouveau goût, difficile pour le consommateur de savoir quelle part du goût relevait du changement de sucre et quelle part de la nouvelle formule gustative. Mais quand le Coca Cola Classic est réintroduit sous la pression des consommateurs, on rétablit bien la formule originelle, mais on conserve le sirop de mais en lieu et place de la canne à sucre. Le consommateur, privé d'élément de comparaison direct après plusieurs mois de régime forcé au New Coke, n'y voit que du feu.

 

Ce n'est pas le cas du visiteur étranger qui quelques heures après avoir savouré un coca frais dans l'avion qui le mène aux Etats Unis, commande un soda équivalent au premier fast food venu et constate d'emblée une différence de goût prononcée. C'est aussi pour cela que les Américains en visite à l'étranger se voyant offrir un Coca Cola découvrent avec étonnement une sensation qui leur rappelle étrangement leur enfance, celle du Coca Cola d'avant 1985. C'est enfin également pour cette raison que durant les fêtes de pâques juive, l'interdiction faite aux pratiquants de consommer du maïs rend le Coca Cola impropre à la consommation pour la population juive américaine. A cette occasion, et pour que ces fêtes ne se passent pas sans soda au cola, la firme d'Atlanta réintroduit dans les magasins spécialisés une série limitée de Coca Cola casher, qui n'est autre qu'un Coca Cola au sucre de canne : les vrais amateurs, juifs comme non juifs se ruent sur les rayons pour stocker la boisson d'habitude introuvable et retrouver la vrais sensation du Coca Cola original, qui n'est autre que celui consommé partout sur la planète en dehors des Etats Unis.

 

Au bonheur des protectionnistes

 

Pouvait on trouver démonstration plus marquante de l'absurdité absolue à laquelle conduisent les politiques dictées par la satisfaction à courte vue des intérêts d'un groupe limités de citoyens ou d'entreprises ? Peut on imaginer qu'un pays de 300 millions de consommateurs soit privé de sa boisson préférée, connue dans le monde entier et symbole même du pays pour beaucoup, pour satisfaire les intérêts particuliers d'une poignée de producteurs de céréales ?

 

Quant à moi je savoure ici en France mes derniers verres de Coca avant de traverser l'Atlantique. Inutile de me plaindre cependant : cette diète forcée n'est pas une si grande épreuve. Il est en effet une boisson que je préfère au Coca Cola, une boisson encore plus traditionnelle dans la culture américaine que celle que les GI avaient emmenés dans leur paquetage : ce que les américains appelles Lemonade et que nous appellerions plutôt Citronnade étant donné l'absence de bulles. Je me réjouis ainsi de ces quelques semaines à venir de régime citronné, tout en sachant que le Coca Cola, le vrai, m'attendra toujours à mon retour de ce côté ci de l'Atlantique. Le lobby français de la betterave sucrière y veille. 

 

Vincent Bénard

Objectif Liberte.fr

Egalement par Vincent Bénard

 

Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones dédiés à la diffusion de la pensée libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement, crise publique, remèdes privés", ouvrage publié fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de marché pour y remédier.

 

Il est l'auteur du blog "Objectif Liberté" www.objectifliberte.fr

 

Publications :

"Logement: crise publique, remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat

Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république, bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc française, avec Pierre de la Coste

 

 

Publié avec l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent Bénard.

 

 

 

 

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Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org).
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