Les
crises se suivent, et trouvent chacune leur nom propre, qui s'impose petit
à petit dans le paysage médiatique. Loin d'un hasard
sémantique, cette adoption est en réalité très significative,
en ce qu'elle oriente l'angle d'analyse des événements. La
« crise des subprimes » en
2008, la « crise de l'Euro » aujourd'hui. La secousse
de 2010-2011 aurait pourtant pu légitimement être
qualifiée de « crise de la dette publique »,
« crise de l'endettement des États », ou tout
simplement de « crise de l’État
providence ».
En
parlant de crise de l'Euro, on laisse entendre que la monnaie unique
serait attaquée et qu’il faudrait mettre en œuvre une
stratégie pour la protéger. Le nom agit ainsi un peu comme un
diagnostic auquel il faudrait adapter un remède.
Le
risque est cependant de ne pas s'attaquer au bon problème et alors de l'aggraver faute d’avoir su
identifier les causes profondes du mal européen. En se focalisant sur
l’Euro, on met de coté la
responsabilité des États et des banques dans
l’accumulation sans limite de dettes qui plombent aujourd’hui nos
économies.
En
médecine, quand le corps est touché par une infection, il
s’enflamme. C’est une réaction visible, qui permet
à l’organisme de lutter contre l’infection. Si l’on
se trompe de cible et que l’on combat l’inflammation, on
accélère la propagation de l’infection. Si une simple
petite dent est infectée, que la mâchoire s’enflamme, et
que l’on se gave d’anti-inflammatoires, l’infection
s’étend progressivement au cerveau, et on meurt.
Une
idée « anti-inflammatoire » fait ainsi son
chemin chez certains analystes: la principale cause de la crise serait un
manque de confiance des individus, un certain pessimisme qui nuirait
à la croissance. Il suffirait donc de créer un choc de
confiance en recourant au pouvoir de la Banque centrale européenne
(BCE) de racheter de façon inconditionnelle et illimitée les émissions
de dette souveraine. En devenant
ainsi le préteur en dernier ressort des États insolvables, cela
donnerait un signe fort aux marchés qui pourraient alors retrouver
confiance. Le rachat inconditionnel d’obligations étant
contraire aux traités, le bricolage proposé consiste à
ce que la BCE prête de l’argent au FMI, qui alimenterait ainsi le
FESF, fond qui assurerait finalement cette fonction de payeur en dernier ressort.
Le
problème, c’est que cette fuite en avant devant
l’endettement ne résoudra en rien le manque de confiance des
individus qui vient justement du trop plein
d’endettement et d’une totale incapacité des gouvernements
à prendre leurs responsabilités en la matière.
Comment
imaginer rétablir la confiance en allant encore plus loin dans la
course au crédit ?
Comment
expliquer sérieusement que l’organisme supposé garantir
le rachat des émissions de dette est constitué par les Etats
qui sombrent aujourd’hui dans la spirale du surendettement ?
Laisser
la BCE créer l’argent dont on a besoin pour remplacer celui que
l’on n’a pas, c’est proposer de la fausse monnaie aux
marchés, qui ne seront pas dupes longtemps. Et stimuler l'endettement
pour régler le problème de la dette, c'est essayer
d'éteindre un incendie avec une pompe à essence.
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