La simplification
des échelons administratifs français est un bon marronnier
politique, qui apparaît tous les deux ans dans l'actualité
à l'occasion d'un événement particulier. Ici, c'est la
rapport de la commission Attali, qui oscille entre l'excellent et le
très médiocre selon les sujets qu'il traite (exemple),
qui est l'occasion d'une agitation inhabituelle de la blogosphère en
faveur de la seule, l'unique position qui fait de vous un homme moderne, un vrai
réformateur de l'état, que dis-je, le modernisateur que toute
la France attend: la suppression de l'échelon départemental au
profit des régions et des communautés de communes. Quiconque
soutiendrait un point de vue différent serait nécessairement
considéré comme un paléo-brontosaure archaïque,
muré dans un conservatisme de mauvais aloi.
Je vais pourtant,
une fois de plus, faire valoir un point de vue totalement à
contre-courant de la pensée unique sur le sujet, dans la droite ligne
de mon récent article sur l'utopie
étatiste des économies d'échelle possibles au sein des
bureaucraties: Et si on conservait les communes
et les départements, en éliminant les intercommunalités
et les régions ?
Un empilement
actuel coûteux et inefficace
Il est vrai que
l'empilement actuel des strates administratives a quelque chose de
profondément kafkaïen, surtout quand on sait que ces strates, en
terme de compétences exercées, se marchent allègrement
sur les pieds les unes des autres: Vous connaissez évidemment les
communes, les intercommunalités, les départements, les
régions, l'état, et l'Europe. Vous oubliez sûrement dans
vos conversations les syndicats de "Pays" et les
"établissements publics de coopération
intercommunale" en vue de la réalisation de "schémas
de cohérence territoriale", que voulez vous, le planificateur qui
sommeille en chaque technocrate est parfois capable de génie. Sans
oublier les syndicats intercommunaux, les sociétés
d'économie mixte, etc...
Face à
cette profusion, la réponse la plus courante est qu'il faudrait
fusionner les échelons les plus petits au profit d'entités
institutionnelles plus grandes: 36 000 communes ? C'est bien plus que nos
voisins, nombreux sont ceux qui pensent qu'il faudrait les supprimer au
profit des intercommunalités, aujourd'hui répandues, mais qui
font doublon. De même, 100 départements, je vous demande un peu
? Sûr qu'une vingtaine de grandes régions, capables de
"rivaliser avec les länder allemands", capables de
"lancer de grandes politiques", seraient bien
préférables, il faudrait donc leur transférer les
ressources des départements et supprimer ces derniers.
Je suis assez
surpris de constater que même des libéraux
très aguerris tombent dans le panneau d'une
rhétorique si superficielle au motif qu'elle est
"consensuelle".
Le
problème réside moins dans la taille des divisions
administratives que dans les compétences qui leurs sont
données, et dans la répartition des compétences entre
structures publiques et initiative privée. Transférer plus de
pouvoir à des entités plus grandes ne fait que recréer
à l'échelon inférieur de petits états.
"Lancer de grandes politiques publiques" ? la belle affaire, c'est
sans doute ce dont nous avons le moins besoin aujourd'hui.
Il faut donc
étudier à la fois la problématique "verticale"
de la répartition des compétences entre échelons
institutionnels, mais aussi la question "horizontale" de la
répartition des différents secteurs d'activité de la
société française entre secteurs public et privé,
ce qui oblige à se sortir de la tête les grands
stéréotypes de l'action politique Française.
Arguments des
partisans de la fusion
Les arguments des
"fusionnistes" sont donc, nous l'avons vu, de quatre ordres:
1 – Des
entités plus grandes aboutissent à moins de bureaucratie
2 – 26 régions coûteraient moins cher que 100
départements
3 – Des grandes régions peuvent mener de grandes politiques
4 – Une plus grande unité aboutit à un
développement plus harmonieux de l'espace.
Moins de
bureaucratie: un raisonnement surprenant !
Alors que tout le
monde s'accorde pour dire que l'hyper-centralisation des pouvoirs aux mains
de l'état avant 1982 était préjudiciable à la
bonne marche des affaires du pays, il est curieux que l'on puisse affirmer
que 26 régions seraient moins bureaucratiques que 100
départements. Dans ce cas, pourquoi ne pas considérer qu'un
Etat serait moins bureaucratique que 26 régions, et qu'il faille
supprimer ces dernières ?
En fait, ceux qui
avancent de telles propositions n'ont sans doute qu'une idée
très vague du fonctionnement des administrations « de terrain
», parce qu'ils ne la connaissent pas, ou n'ont fréquenté
que les hautes administrations centrales, qui sont un milieu plutôt
à part.
Tous ceux qui ont
fréquenté différentes échelles d'administration
le savent: plus une administration gagne en volume, plus elle tend à
perdre en réactivité et en pertinence. Alors que l'élu
de Jonzac est très proche de ses citoyens, le bureaucrate de La Rochelle
l'est un peu moins. Quant à celui de Poitiers, il n'est guère
plus proche du responsable de l'entretien des routes de Surgères que
son collègue de Paris ne l'est lui-même. Qui sait mieux si la
création d'une déviation autour de sa commune est d'un intérêt
supérieur: le maire de la petite commune locale, ou l'expert routier
désincarné qui dirige un service "planification
territoriale" au sein de la capitale régionale ? Parce qu'au sein
d'un département, le point le plus éloigné est rarement
à plus d'une heure de routes du siège, les moyens
regroupés au siège d'un conseil général sont
mieux à même d'apprécier l'opportunité ou
l'urgence d'un investissement, et d'établir des priorités.
Si, par exemple,
les quatre départements de Poitou-Charente venaient à
être absorbés par la région, les effectifs
dédiés à la réalisation de des tâches de
proximité n'évolueraient pas (les structures passent, les
missions restent), et il est probable que la bureaucratie
décisionnelle régionale voit ses effectifs enfler, parce que,
faute d'autonomie au niveau inférieur (le mal congénital de
toutes les administrations du monde), les tâches de coordination et de
planification seront tout simplement plus lourdes. D'autre part,
l'allongement des délais de décision augmenterait considérablement
les coûts de l'action administrative. En effet, lorsqu'une personne
porte un projet qui aboutit en trois mois, elle est disponible pour embrayer
sur un second projet. Mais si le projet est retardé et dure alors six
mois, le coût du projet est augmenté de trois mois de masse
salariale, et la personne ne peut passer à l'affaire suivante que 3
mois plus tard. Par conséquent, le changement de patron entre
département et région changerait sûrement assez peu de
chose pour les services opérationnels du département de la
Vienne, mais serait certainement dommageable pour ceux des trois autres
départements.
Communes et
mégacités : small is beautiful
Ces craintes
d'une moindre efficacité des structures publiques au fur et à mesure
qu'elles croissent sont confirmées à l'échelon communal
par de nombreux exemples empiriques.
L'IEDM (Think tank canadien) a étudié le résultat des
fusions de municipalités canadiennes (étude PDF),
comme à Toronto et à Montréal . Il
apparaît que les promesses de baisse de coûts et de
réduction de la bureaucratie n'ont pas été atteintes:
quand les communes ont fusionné, leurs services ont cru en taille, et
ont substitué aux logiques transactionnelles qui prévalaient
entre anciennes municipalités de petite taille, des processus
bureaucratiques qui en ont amoindri l'efficacité. Des résultats
similaires sont observés dans
la plupart des villes américaines qui ont
opéré des fusions de taille dans les années 50 à
70.
Plusieurs
économistes ont cherché à expliquer ce
phénomène. Le plus connu est sans doute Charles Tiebout
(USA), qui a le premier a expliqué le lien entre la satisfaction
des citoyens et la pluralité des juridictions locales. Extraits
cités par l'IEDM:
Selon
le Modèle de Tiebout, un résidant peut difficilement influencer
l’éventail et la qualité des services locaux (routes,
police, pompiers, parcs, bibliothèques, etc.) qui sont offerts dans sa
municipalité, de même que le prix fiscal qu’il doit
débourser pour les obtenir. En tant que biens publics, ces services ne
sont pas commercialisés comme des biens de consommation sur le marché.
Le citoyen peut bien sûr tenter d’influencer son conseiller
municipal ou voter pour quelqu’un d’autre, mais ses désirs
ne seront satisfaits que s’il fait partie d’une majorité
qui pense comme lui.
Tiebout
a cependant montré que s’il existe, dans une région
urbaine donnée, un grand nombre de petites municipalités, les
gens pourront « voter avec leurs jambes » en
s’établissant ou en déménageant dans les villes
qui offrent le niveau optimal, selon eux, de services publics. Certains
seront prêts à payer des impôts plus élevés
pour obtenir des services de très grande qualité;
d’autres préféreront des services moins
élaborés à moindre coût. Certaines villes mettront
l’accent sur le développement industriel et l’emploi,
d’autres sur la verdure et les loisirs, d’autres encore sur les
services aux familles.
Dans
ce contexte pluraliste, chaque citoyen sera plus à même de
trouver une communauté qui lui convient - tout comme il peut faire un
meilleur choix dans un marché privé compétitif,
où divers produits lui sont offerts, que dans un marché
dominé par un monopole. Qui plus est, chaque entité municipale
subira plus de pression pour satisfaire les besoins et désirs de ses
citoyens, parce qu’elle sera sujette à la concurrence des villes
voisines. Pour demeurer prospère et garder ou attirer des
résidants, elle aura intérêt à être plus
efficace dans la prestation de services et moins gourmande au chapitre de
l’imposition.
Depuis, nombre de
recherches empiriques sont venues confirmer l'hypothèse de Tiebout.
Toujours selon l'IEDM:
Le professeur
David Sjoquist de la Georgia State University a analysé les
coûts d’opération de 48 régions
métropolitaines du sud des États-Unis et a observé que
les coûts des services sont moins élevés dans les
régions comptant de nombreuses petites administrations municipales. Le
professeur Jacques Desbiens de l’Université du Québec
à Chicoutimi estime pour sa part que pour la majorité des
services municipaux, les économies d’échelle sont
déjà réalisées dans les villes de très
petite taille et que ce sont plutôt des déséconomies
d’échelle que l’on observe dans le cas de regroupements de
municipalités de plus de 2000 habitants.
Après
avoir passé en revue de nombreuses études sur ce sujet, Robert
L.Bish conclut que nous avons des preuves accablantes du fait que nous
trouvons les administrations les moins coûteuses dans des
systèmes polycentriques de municipalités de petite et de
moyenne envergure, qui passent des ententes de coopération pour
fournir les services qui offrent de réelles économies
d’échelle. Les grandes municipalités ne semblent pas
être en mesure de coopérer de cette façon, de
décentraliser leurs services ou de faire appel à d’autres
mécanismes de prestation pour les services qui ne présentent
pas d’économies d’échelle
Même la
mégacité de Montréal est obligé de le
reconnaître:
"les
regroupements de municipalités n’aboutissent pas
nécessairement, ni surtout automatiquement, à des
économies monétaires. Il existe peu d’économies
d’échelle dans les fonctions municipales et ces économies
sont atteintes à des niveaux de population relativement bas.
Par
conséquent, un système où les communes de petite taille
sont à la fois concurrentes et coopérantes sur des
problématiques transversales est à la fois plus performant et
plus démocratique que la constitution de mégacités
où chaque citoyen voit son influence réduite à une
fraction de plus en plus faible."
Une des
objections courantes au maintient de grappes de petites communes est que leur
urbanisme ne peut être planifié de façon cohérente
et de façon harmonieuse si il est laissé à l'initiative
de chaque commune.
Mes lecteurs
réguliers, ou ceux qui ont lu mon livre,
savent ce que je pense de l'excessive intrusion de
l'état et des communes dans les choix
d'affectation des sols. Là encore, de nombreux travaux
théoriques ainsi que des exemples du « monde réel »
montrent que des décisions individuelles prises dans un marché
non contraint sont porteuses d'une harmonie tout aussi désirable,
sinon plus, que celle résultant de l'imaginaire des planificateurs en
chef. Selon Hayek, ou certains des économistes contemporains tels que M. Pennington de
l'Institute of Economic Affairs, ont montré
que les décisions prises en fonction d'impératifs de
marché sont au contraire nécessairement prises en
cohérence avec ce qui existe alentours, et que ce sont les entraves
mises par le secteur public à la mobilité des lieux de
résidence qui créent des situation non harmonieuses. Les villes
du Texas que sont Dallas, Austin, Houston, sont régulièrement
bien classées aussi bien parmi les villes à fort rayonnement
international que parmi celles où il fait bon vivre. Avec Atlanta, qui
est gérée suivant la même logique, ce sont les quatre
agglomérations qui ont gagné en pourcentage le plus de
population entre 1990 et 2005 aux USA.
La
possiblité offerte, dans de nombreux états américains,
à des développeurs ou à des quartiers d'habitants
existants de « faire sécession » de leur commune
mère et de s'autogérer suivant des règles à
caractère contractuel renforce l'efficacité économique
et spatiale des agglomérations, car elle donne une liberté
d'action aux individus inimaginable dans un système de mégapole
monocentrique.
Même la
lutte contre l'étalement urbain semble mieux combattue, pour la
même raison, par des agglomérations poly-municipales: la
concurrence entre cités permet à chaque résident de
trouver facilement le quartier qui lui convient à distance raisonnable
de son bassin d'emploi, alors que dans les cités ou des lois de niveau
supérieur réduisent l'autonomie des communes, le plus souvent
dans un sens restrictif, les ménages sont obligés d'aller chercher
leur bonheur à des kilomètres des centre villes. Ce
phénomène se constate dans toutes les agglomérations
moyennes françaises (cf. mon livre).
Dans ce domaine comme
dans d'autres, laisser le pouvoir d'affectation du sol aux
propriétaires légitimes, et coopérer seulement pour
créer et améliorer les infrastructures de liaison entre
communes, paraît une bien meilleure stratégie que confier
l'harmonisation du développement spatial à des grands ensembles
politiques monolithiques. Dans ce domaine comme ailleurs, "competition rules".
A la
lumière de ces exemples, il est évident que fusionner les
communes dans de grandes intercommunalités serait totalement
contre-productif. L'on voit mal par quel miracle la fusion des
départements dans les régions pourrait produire un
résultat inverse.
Du principe de
subsidiarité
Le principe de
subsidiarité cher à tout libéral qui se respecte
suggère que le pouvoir appartient d'abord à l'individu, et que
tant que ses choix ne portent pas préjudice à autrui, ce
pouvoir ne peut lui être retiré par quelque instance que ce
soit, fut elle démocratique et gouvernée à la majorité.
Le schéma
proposé comprend donc à un bout de la chaîne
l'état, en charge de problématiques très
régaliennes (armée, ordre public, justice, diplomatie)*, et
à l'opposé, les citoyens, représentés, lorsque
les transactions individuelles ne peuvent résoudre une
problématique, par leur commune. Entre les deux, un échelon
intermédiaire peut être envisagé, dont nous avons vu
qu'une taille raisonnable est la condition d'un meilleur fonctionnement. Le
département pourrait être le point de départ de cet
échelon intermédiaire. Mais son fonctionnement serait
nécessairement très différent de ce qu'il est
aujourd'hui.
Vers des
départements à géométrie variable ?
Cet
échelon intermédiaire ne se justifie que pour prendre le relais
des communes là où celles ci estiment qu'elles ont quelque
chose à gagner. Par exemple, si elles estiment intelligent de mettre
en commun des ressources pour permettre un aménagement pertinent des
grandes infrastructures de liaison inter-cités, notamment
routières, elles doivent trouver un interlocuteur de niveau pertinent.
Par
conséquent, selon cette conception très "bottom up"
(de la base vers le sommet) de la subsidiarité, une compétence
doit être assez difficile à déléguer à
l'échelon supérieur (exigence d'une majorité
qualifiée), alors qu'elle doit être facile à reprendre
(par des mécanismes d' "opt out" pour les communes
insatisfaites de la façon dont est exercée la
délégation, voire une majorité simple pour annuler la
délégation). Tous les départements, en fonction des problématiques
locales, n'auraient alors pas la même enveloppe de délégations.
On peut supposer que les départements ruraux très agricoles
n'auraient pas les mêmes soucis que les départements de
montagne, ou ceux situés en zone côtière, où
l'île de France.
On pourrait
imaginer dans un second temps que certaines communes, ou certains groupes de
communes, choisissent de faire sécession d'une union
départementale qui ne leur convient pas, et choisiraient d'opter soit
pour un département voisin, soit pour des coopérations
renforcées intercommunales, sans avoir à traiter avec l'échelon
départemental. Le département, en fonction de ses performances,
se verrait accorder plus ou moins de confiance, plus ou moins de
délégations, plus ou moins de compétences par les
communes.
Les projets
très importants nécessitant une intervention à un niveau
supra-départemental seraient rares. Citons essentiellement
l'aménagement de grands bassins fluviaux pour lutter contre les
inondations, la lutte contre la pollution atmosphérique,
nécessairement transfrontalière... Y-a-t-il réellement
besoin de recréer des régions pour cela, sachant qu'elles ne
sont pas nécessairement adaptées à l'échelle des
projets concernés ? Ou faut il laisser aux départements le soin
de contracter entre eux, de créer des établissements publics
communes chargés de la mission, recevant des dotations en
conséquence de leurs résultats, ces organismes de droit
privé étant eux mêmes plus acheteurs de prestations
qu'exécuteurs, l'état pouvant jouer un rôle de
facilitateur lorsque l'intérêt en jeu dépasse très
largement une poignée de départements ?
De l'autonomie
financière des communes
Pour que le
schéma ci dessus fonctionne, il convient que les communes aient des
possibilités de financement qui les rendent moins dépendantes
de subventions accordées par le niveau supérieur, et que leur
fiscalité soit lisible pour les citoyens, ceux ci pouvant alors
facilement arbitrer entre hausse et baisse des impôts, et hausse ou
baisse concommitante de l'intervention communale et départementale. En
outre, un maire « déconnant » qui augmenterait trop les
impôts serait vite rappelé à l'ordre soit par la pression
de ses électeurs, soit par la fuite de ses habitants (hypothèse
de Thiebout).
J'ai il y a
quelque temps déjà proposé une vaste réforme fiscale
qui permettrait d'atteindre de tels objectifs. Son principe:
intégration des transferts actuels de l'état vers les
collectivités dans la taxation locale, suppression des impôts
nationaux permettant de couvrir ces transferts (principalement l'IRPP et
l'ISF), et remplacement de toutes les taxes locales actuelles (hors
enlèvement des ordures ménagères) par une Flat Tax
locale. Ceux qui veulent approfondir sont
invités à lire cet ancien post.
"Mener de
grandes politiques" : l'ineptie étatiste reproduite au niveau
régional
Recherche
fondamentale, développement de pôles de
compétitivité, autant de raisons qui fourniront aux
régionalistes des arguments en faveur de régions importantes,
c'est à dire... A fort potentiel fiscal.
Or, les objets de
ces politiques ayant d'abord un impact local en terme d'implantations de
structures de production, on ne voit guère pourquoi leur financement
ne serait pas envisageable au niveau local, dans un système
d'autonomie fiscale large (cf. supra). D'autre part, avec une pression
fiscale sensiblement abaissée et une liberté accrue dans la
gestion de l'espace, les acteurs privés seraient largement en mesure
de contribuer largement à ces projets. Là encore, rien d'autre
que l'appétit dépensier de certains politiciens qui se
prennent encore pour des rois bâtisseurs ne justifie la création
de régions. Dans leur conception, la région, c'est déjà
un petit état, auquel ont peut imposer des politiques dépensières.
C'est exactement à l'opposé de ce que veulent les
libéraux.
Enfin, lorsque
l'élu est proche du peuple, qu'il est le principal encaisseur
d'impôts directs, qu'il est en compétition avec ses voisins et
que le système fiscal est lisible par un enfant de 7 ans, alors toutes
les conditions sont réunies pour que les impôts restent
raisonnables: les citoyens savent qui aller voir lorsque les impôts
augmentent trop, alors qu'un résident de région, ou pire,
l'état, sont des entités désincarnées sur lesquelles
il est plus difficile de faire pression. Les suisses, qui vivent très
bien alors que l'essentiel de la vie politique s'y déroule au niveau
de communes petites et moyennes, et de cantons de l'ordre du cinquième
de nos départements en taille, l'ont bien compris
!
Conclusion
Le postulat selon
lequel le regroupement d'unités institutionnelles plus petites dans
des ensembles de niveau supérieur permettrait de gérer les
affaires publiques de façon plus efficace est un leurre. Il faut au
contraire réduire au maximum la sphère de l'intervention
publique, et rapprocher au maximum la décision politique, lorsqu'elle
est nécessaire, de l'individu, tout en maintenant un niveau de
concurrence élevé entre collectivités. Tant la
théorie que l'expérience plaident pour des collectivités
publiques limitées en pouvoir et en taille.
Dans ces
conditions, soutenir les fusions intercommunales et la régionalisation
des collectivités locales est une erreur majeure.
- - -
( * ) Les libertariens purs et durs (définition)
me pardonneront de ne pas développer d'alternatives plus
révolutionnaires à ce stade, et pour cause: je n'y crois pas.
Ne voulant pas perdre de temps à m'en expliquer, ils sont libres de le
faire sur leurs blogs et forums respectifs.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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