Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
S’il est un sujet qui me tient à cœur c’est
celui de l’Europe. Il est difficile d’aborder ce thème
sans tomber dans un européisme béat et stupide ou dans ce que
la bien pensance dominante ne manque jamais de
qualifier de « populisme », insulte suprême censée
décrédibiliser celui ou celle ayant prononcé des propos
considérés comme anti-européens.
La
montée du sentiment anti-européen
C’est ce que disent certains médias, et encore
très sobrement comme pour mieux en éloigner le danger et en
nous rappelant très vite qu’il s’agit de tentations
populistes de la part de peuples déboussolés. Heureusement
quelques « zélites »
éclairées sont là pour remettre tout ce petit monde dans
le droit chemin de la construction européenne.
Je n’aime pas cette terminologie beaucoup trop
réductrice. Encore une fois, on peut souhaiter une autre Europe sans
être pour autant « europhobe ».
Sur quoi
repose cette remise en cause populaire de l’Europe ?
Dans chaque pays européen ou presque, les gouvernements sont
des partisans affichés des processus européens en cours.
L’Europe que l’on nous construit, malgré une
opposition des peuples clairement exprimée à plusieurs reprises
et dans plusieurs pays via notamment des référendums, est une
Europe qui est imposée, pas une Europe qui a été
choisie.
C’est une Europe libérale dans une Europe à la
tradition sociale forte. C’est une Europe qui ne protège pas
notamment avec les abandons des protections douanières (même si
sur certains sujets on voit poindre quelques changements) donc une Europe qui
favorise le chômage et la désindustrialisation. C’est une
Europe qui se mêle de sujets anodins ou agaçants pour les
peuples comme la taille des noix que l’on doit manger. C’est une
Europe des lobbys et de la corruption. C’est une Europe qui brade
l’intérêt des peuples au profit de
l’intérêt des financiers et des grandes multinationales.
C’est une Europe qui taille dans ses programmes d’aides
alimentaires. C’est une Europe qui n’aide plus les pays à
se développer. C’est une Europe qui cesse le programme
d’échange Erasmus pour les étudiants
européens…
Et malgré tout cela c’est une Europe qui
s’étonne de la montée du sentiment « populiste
».
Alors que nos européistes le sachent sans
ambiguïté. Ce sentiment va continuer à progresser et
à monter car c’est aussi l’Europe de
l’austérité qui partout lamine les classes moyennes.
C’est l’Europe du dumping fiscal où l’on aide un
pays comme l’Irlande en faillite totale en le laissant continuer
à avoir comme « business model » de faire payer le moins
d’impôts possibles aux entreprises qui évidemment
installent leurs sièges sociaux là-bas, font leur
bénéfices partout, font de « l’optimisation »
fiscale en volant tous les autres peuples. Les peuples d’Europe paient
pour que l’Irlande ne fasse pas payer d’impôt aux
entreprises… Absurde économiquement et politiquement.
Une Europe
haïe, une Europe honnie !
Nos « zélites »
européistes peuvent créer une police de la pensée sur
internet en créant leur brigade de trolls plutôt que de donner
à manger aux pauvres rien n’y fera. Ce sentiment
anti-européen, puisque c’est comme cela qu’ils veulent
l’appeler pour « culpabiliser » (on n'a pas le droit
d’être contre l’Europe sinon cela veut dire que l’on
est pour la 2ème guerre mondiale je schématise mais c’est
l’idée implicite), va poursuivre sa montée.
Que l’Europe affame les peuples et l’Europe sera
détestée. Que l’Europe remplisse les gamelles et
l’Europe sera aimée. Il est facile d’être populaire.
Dites au peuple « ils n’ont pas de pain qu’ils mangent de
la brioche » et cette simple phrase traverse les siècles.
L’Europe est enfermée dans le syndrome Marie-Antoinette.
Voilà la réalité de l’Europe perçue par les
peuples.
On peut hurler. On peut aimer l’Europe, on peut se rouler par
terre, on peut faire les incantations que l’on veut, rien n’y
changera.
Or ce phénomène commence (enfin) à être
perçu par les élites de Bruxelles qui ne souhaitent pas pour
autant changer leur fusil d’épaule. On ne change pas une
équipe qui perd.
Les récentes déclarations de Jean-Claude Juncker,
l’ancien Président de l’Eurogroupe
et l’une des figures les plus respectées dans les
cénacles européens, donnent un nouvel éclairage sur
l’inquiétude qui monte dans les couloirs de Bruxelles.
L'Europe
tentée par ses vieux démons nationalistes et guerriers (J.-C.
Juncker)
On apprend donc que Jean-Claude Juncker tire la sonnette d'alarme ! En
effet il s'inquiète des mouvements nationalistes qui enflent en
Europe, et qui s’expriment notamment à l'occasion des
élections en Italie et en Grèce...
Dans une interview publiée par l'hebdomadaire allemand 'Der
Spiegel', Jean-Claude Juncker évoque des « ressentiments
nationaux que nous pensions disparus depuis la fin de la seconde guerre
mondiale et se dit atterré d'avoir vu en Grèce des affiches
brandies par des manifestants, associant la chancelière allemande
Angela Merkel au régime nazi ».
C’est bien d’être atterré. Mais est-ce
surprenant alors que les grecs ne peuvent même plus se soigner, que les
grecs n’ont plus de travail, que les grecs en sont réduits
à faire les poubelles pour se nourrir, que la moitié des
magasins d’Athènes a purement et simplement fermée, que
la Grèce vit un enfer économique, un effondrement total de ses
structures ? N’est-ce pas évident ? Oui je sais les grecs
l’ont bien cherché ils n’avaient qu’à payer
leurs impôts. Mais c’est beaucoup plus complexe que cela.
Pour mettre la balle au centre, JC Juncker « regrette les
critiques très violentes émises par certains hommes politiques
allemands à l'encontre de la Grèce, qui ont causé des
blessures profondes du côté d'Athènes. Quant à
l'élection italienne, elle a fait ressortir pendant la campagne
certaines positions excessivement hostiles à l'Allemagne et de ce fait
anti-européennes ».
ET voilà comment, par un raccourci intellectuel
malhonnête, on se retrouve Europhobe et pour la guerre si l’on
ose émettre la moindre critique à l’égard de la
politique que l’Allemagne impose au reste de l’Europe. Mais
là n’est pas le plus intéressant. Lisez plutôt la
suite.
« Quiconque pense que l'éternelle question de la guerre
et la paix en Europe n'est plus de mise se trompe lourdement. Les
démons ne sont pas partis, ils ne sont qu'endormis, comme l'ont
démontré les guerres de Bosnie et du Kosovo. J'ai froid dans le
dos en m'apercevant des similitudes entre l'Europe de 2013 et celle d'il y a
100 ans". M. Juncker, qui a dirigé l'Eurogroupe,
qui rassemble les ministres européens des Finances, de 2005 à
janvier 2013, fait ainsi un parallèle avec la situation qui
prévalait juste avant la guerre de 14-18. «En 1913, beaucoup
pensaient qu'il n'y aurait plus de guerre en Europe. Les grandes puissances
du continent étaient si étroitement liées entre elles
sur le plan économique qu'elles estimaient ne plus pouvoir se
permettre une confrontation militaire »...
Alors voilà encore une fois la seule incantation qu’il
reste aux « zélites ».
L’Europe c’est la paix, donc il n’y a pas d’autre
alternative que cette Europe sinon vous aurez la guerre. Ou comment prendre
les peuples pour des crétins.
Ce qui est assez remarquable dans ce type d’argumentation
c’est de voir autant de grandes intelligences se tromper aussi
grandement. Ils font fausse route et défendent particulièrement
mal leur idée de l’Europe (qui n’est pas la mienne). Plus
personne ne croit à la guerre en Europe. Nos anciens, ceux qui ont
connu la deuxième guerre mondiale en tant qu’adulte sont presque
tous partis. 90% de la population européenne n’ont connu que la
paix et … la prospérité.
Mon point de vue est que c’est l’austérité
imposée par l’Europe qui mènera non pas à des
guerres entre nations européennes, qui ne correspondent à rien
dans notre monde, mais beaucoup plus prosaïquement à des quasi
guerres civiles dans certains pays européens comme la France, la
Belgique, les Pays-Bas, ou dans une moindre mesure l’Allemagne. Il ne
faut pas se tromper sur les risques. Invoquer le risque de guerre entre deux
pays comme l’Allemagne et la France par exemple est absurde.
Le risque de
guerre civile enfin évoqué
Mais là où Jean-Claude Junker fait passer enfin un
message subliminal essentiel c’est lorsqu’il évoque les
guerres de Bosnie ou du Kosovo, qui sont par nature et par essence des
guerres civiles.
Alors non Juncker ne va pas jusqu’à appeler un chat un
chat… mais c’est déjà beaucoup pour être
noté comme une déclaration assez exceptionnelle qui
hélas n’est pas comprise pour ce qu’elle est
volontairement ou par confort par et là je cite la
dépêche « la plupart des observateurs estiment que M.
Juncker a volontairement forcé le trait sur les comparaisons
historiques lors de cet entretien, afin de faire prendre conscience à
la classe politique européenne de la gravité de la crise
économique que traverse actuellement l'Union européenne
».
Alors messieurs les observateurs, Juncker n’a pas forcé
le trait et on se fiche fondamentalement de la gravité de la crise. Ce
qui est important c’est les conséquences de la crise
économique.
Il ne faut pas se tromper. Cette crise ne fait pas penser à
l’Europe de 1913 mais plutôt à celle de 1930 avant la
montée très forte de nouveaux partis dont le parti nazi puisque
les peuples avaient tout essayé sans que rien ne fonctionne ou ne
change avec les partis traditionnels. A l’époque l’impact
politique avait mené au plus grand conflit en Europe qui avait
embrasé le monde entier.
Cette fois, les risques sont à l’intérieur
même de chaque nation d’Europe et c’est ce que vient de
dire Jean-Claude Juncker.
Alors oui, désormais l’Europe est sur le sentier non pas
de la guerre, mais des guerres. Reste à savoir si nous saurons
éloigner ces périls par des politiques courageuses et en
commençant surtout par poser les vrais constats pour pouvoir apporter
les véritables réponses. Pour le moment ce n’est pas le
cas et nous ne pouvons que constater jour après jour cette lente
dégradation qui nous conduit vers l’abîme sans que rien ni
personne ne fasse quoi que ce soit.
Comme le disait Albert Einstein « Le monde est dangereux
à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais
à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
Pour le moment nous laissons faire, mais il faut entendre les bruits
sourds que font les peuples en souffrance. Les gamelles se vident et il
n’y a pas plus grand danger.
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
http://www.boursier.com/actualites/news/l-eur...ker-522042.html
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