La vie politique française est, décidément, une ode perpétuelle au n’importe quoi érigé en œuvre d’art. Régulièrement parsemée de ces petits instants pas du tout kit-kat, l’actualité politique du pays peut compter sans problème sur des pointures de la consternogénèse de compétition, tant à gauche (jusqu’au président) qu’à droite (jusqu’à l’ex-président). Et à l’approche d’élections, c’est Nathalie Kosciusko-Morizet qui enclenche sans attendre le mode turbo.
Avec NKM, cette prêtresse politique du socialisme de droite au nom qui fleure bon la rythmique rap en mode Ouate de Phoque, on tient ici une bonne cliente tant des journalistes en mal de sensations molles que pour mes méchantes chroniques. Le personnage est, en effet, parfaitement apte à fournir de la matière tant ses contradictions se bousculent dans son discours et ses habitudes de pensées, tant elle persiste à vouloir faire un grand écart entre une droite colbertiste, corporatiste et collectiviste et une gauche étatiste, interventionniste et tout autant collectiviste. D’ailleurs, on peut lui reconnaître un certain talent pour zigzaguer ainsi entre les concepts flous et mous d’une UMP parfaitement illisible politiquement et les avalanches de boboïtudes que la gauche parisiano-centrée nous déverse dans les médias avec acharnement depuis des décennies.
Et c’est bien de gloubiboulga idéologique qu’il s’agit ici. Il suffit pour s’en convaincre de lire le « programme » (patchwork politique confus serait plus exact) qu’elle nous propose dans le cadre des prochaines élections municipales.
En sept points serrés comme un café de Jules Dupond (avant, c’était Clooney, mais l’UMP n’a plus les moyens), l’égérie de la drouate parisienne nous donne un brillant aperçu de la mélasse festive et citoyenne qu’elle entend nous vendre dans les prochains mois : c’est un habile mélange de mesures typiquement de la droite franchouille (c’est à dire faussement sécuritaires, conservatrice version pastel et rassurante couleur sépia) et d’autres facilement lisibles dans un programme de la gauche décontractée du socialisme d’un autre siècle (à base de vivre-ensemble en baril familial).
Et c’est ainsi qu’on découvre par exemple que l’insécurité ayant augmenté dans la capitale, la candidate s’empressera de barder la ville de caméras de surveillances (un bon millier), parce que si ça ne sert à peu près à rien, au moins, ça rassure le contribuable sur la bonne utilisation de son argent quand il reçoit ses impôts locaux.
Grâce aux coups de boutoirs parfaitement débiles de la ministre Duflot, le logement continue de poser de sérieux problème, à Paris comme ailleurs. Pour remédier aux problèmes nouveaux ainsi créés, NKM se propose d’ajouter une bonne couche de régulation et d’autoritarisme étatique avec l’idée de fournir «systématiquement» 20 % des nouveaux logements aux Parisiens «à un prix inférieur de 25 % à celui du marché». Si ça n’a pas marché avec Duflot, c’est probablement parce que la pauvrette n’est pas allée assez loin. On ne s’étonnera pas de trouver dans la besace à idées de la petite Nathalie les mêmes gibiers faisandés que dans celle de la petite Cécile.
Et pour continuer à calquer les idioties gouvernementales, puisque la relance par la distribution de pognon des autres a très clairement foiré, autant refaire exactement la même chose au niveau municipal en arrosant généreusement les entreprises d’argent public : pour chaque euro investi par une PME ou une start-up parisienne, NKM entend en claquer un autre de sa poche pardon de la vôtre. On respire déjà le fumet de réussite d’un tel projet. D’autant que pour disposer de cet euro supplémentaire, on supposera sans difficulté qu’il aura fallu aller le chercher par de nouveaux impôts, habilement collectés soit auprès des clients de ces startups ou PME, soit auprès d’elles directement. C’est übermalin, je vous avais prévenus.
En matière d’écologie, son dada personnel avec l’ouvrage de boîte à sucette pour dire des bêtises et la confiture de fraise — nan, je déconne pour la confiture — , la bouillante candidate ne se contentera pas de réaménager les parcs ou faire une ceinture verte avec le budget déficitaire de la municipalité, ou même inciter les voiturettes électriques ridicules à encombrer le paysage urbain parisien. Elle ira aussi jusqu’à interdire la ville aux méchants poids lourds qui polluent (en gros : tous), ce qui va grandement faciliter l’approvisionnement de la capitale. J’imagine sans mal les milliers d’emplois créés pour continuer l’avitaillement parisien par une armada de petits cyclistes aux couleurs fluo apportant chacun qui un poisson, qui une courgette, qui une bouteille de vin. C’est un exemple bien sûr ; on peut aussi imaginer des centaines de voiturettes électriques sillonnant Paris pour acheminer dans la capitale les victuailles, les produits divers et les batteries de voiturettes électriques. Impraticable, rigolo et mortifère : voilà une idée géniale.
Et bien évidemment, tout ceci ira de pair avec une amélioration de la qualité de l’air que respirent les êtres chétifs qui hantent la plus belle ville du monde en 1900. Pour cela, outre sans doute l’interdiction des bougies parfumées, de l’encens et des cheminées qui ne dépendent pas directement des exactions kosciuskomorizesques, la frétillante député propose d’enfouir complètement le périphérique avec l’argent qu’elle trouvera sous le sabot d’un cheval (c’est le même que celui qui inversera la courbe du chômage, relancera la croissance du pays, redresse les kikis et fait démarrer les motos russes ; il est très demandé actuellement).
Vous me direz que je suis mauvaise langue : il doit bien exister quelques points positifs dans le fatras de trucs déconnectés de la réalité que propose l’élue aux dents longues. Et je vous réponds « oui, en effet » : une certaine forme de libéralisation des horaires des magasins, en passant par un bidouillage des zones de consommation exceptionnelle, la bonne idée d’étendre les plages horaires des crèches, de faciliter l’accès aux mairies et de simplifier certaines démarches. Bref, des choses qui ne coûtent essentiellement qu’un peu de paperasserie et de détermination politique. C’est toujours ça de pris.
Mais je ne crois pas me tromper en disant qu’on trouvera sans doute une ou deux bonnes propositions dans le fatras de la candidate de l’ « opposition », une certaine Hidalgo dont le socialisme assumé sans la moindre honte annonce cependant de façon limpide qu’il n’y a rien de mieux à attendre de sa part. Bref : fatras pour fatras, les deux candidates se valent.
Un défi restera à relever pour NKM : alors qu’on se doute fort bien qu’Hidalgo, en socialiste habituelle, tabassera les Parisiens dans une pluie de taxations diverses et une fiscalité vitaminée, l’élue de droite espère sérieusement appâter le chaland avec un plan d’économie d’un milliard de brouzoufs et une diminution de la pression fiscale. Sachant que la plupart des points de son programme sont parfaitement anxiogènes pour le contribuable parisien concerné, que la municipalité, sous Delanöe, a accumulé des déficits et une dette somptueuse, on peine à trouver la moindre crédibilité dans l’échafaudage économico-pipeautesque de NKM.
Dans quelques mois, les Parisiens vont donc devoir choisir entre une socialiste assumée qui va les massacrer d’impôts locaux, ou une socialiste inassumée qui va les étriller de taxes et de vexations fiscales diverses. Leur choix promet d’être cornélien.
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