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Voir
partie 1
La morale et le droit
Selon
Thomas d'Aquin, la fonction du droit positif est essentiellement d'incarner
et de donner de la force aux principes de la loi naturelle. Mais, il enseigne
également que le droit civil ne doit pas dicter directement aux
citoyens l'exercice de toutes les vertus, ni interdire directement l'exercice
de tous les vices. La véritable vertu morale consiste à
utiliser sa raison et sa volonté en faisant des choix libres. Pour
Thomas d'Aquin, le principal problème pratique de la vie morale d'un
individu est de décider comment agir dans des circonstances toujours
particulières à la lumière des principes
généraux de la morale naturelle. C’est pourquoi il
souligne que les autorités politiques doivent s’en tenir aux questions
d'intérêt général plutôt qu’aux petits
détails de la conduite individuelle, laissés au jugement et
à la conscience de chacun.
Ainsi,
la morale et le droit ne se confondent pas. Ce qui est moralement
répréhensible n’est pas toujours illégal. Aussi
Thomas précise-t-il : « La loi humaine a été
conçue pour la masse des hommes, et la plupart d’entre eux ne
sont pas parfaits en vertu. C’est pourquoi la loi humaine ne prohibe
pas tous les vices dont les hommes vertueux s’abstiennent ; mais
uniquement les plus graves, dont il est possible à la majeure partie
des gens de s’abstenir ; et spécialement ceux qui nuisent
à autrui. Sans la prohibition de ces vices-là, en effet, la vie
en société serait impossible pour l’humanité ;
aussi interdit-on, par la loi humaine, les assassinats, les vols et les
autres crimes de ce genre. »
Le droit de
propriété
La
propriété privée a longtemps été
condamnée par les pères de l'Église qui
l’assimilaient au vol et au péché originel. On trouve
cela chez Ambroise de Milan, Basile de Césarée ou Jean
Chrysostome. Pourtant, Thomas reprend presque textuellement la critique du
communisme de Platon par Aristote.
Selon
Thomas, la propriété privée est supérieure
à la propriété collective, parce que « chacun
donne des soins plus attentifs à la gestion de ce qui lui appartient
en propre qu'il n'en donnerait à un bien commun à tous ou
à plusieurs ». Autrement dit, l'homme gère un bien
avec d'autant plus de soin qu'il lui appartient en propre. Il ajoute que
l’indivision ou la communauté des biens est source de conflits
entre les hommes.
Le droit de la guerre
La tradition
catholique, à la suite de Saint Augustin, situe le mal moral de la
guerre non dans le fait de tuer, mais dans le fait de poursuivre un but
injuste. Saint Thomas pose trois critères de la guerre juste :
l'autorité du prince, une cause juste et l'intention droite. Au XVI
siècle, le dominicain Francisco de Vitoria (1496-1546) et le
jésuite Francisco Suarez (1548-1617) approfondiront cette doctrine. Ils
insisteront sur deux autres conditions essentielles : la guerre doit
être un ultime recours (tous les recours diplomatiques ayant
été épuisés) et un moyen proportionné.
L’autonomie de
l’humain par rapport au divin
«
Dans les matières qui concernent le bien civil, il vaut mieux
obéir à la puissance séculière plutôt
qu'à l'autorité spirituelle » écrit Thomas.
Pourtant, selon une tradition remontant à Augustin, il ne saurait
exister de cité non chrétienne, parce qu’il n’y a
de vraie justice qu’en Dieu. Pour Thomas, au contraire, la justice
naturelle, sans se substituer au principe du salut incarné par
l’Église, est pleinement légitime en son ordre. L'ordre
social et politique n'est donc pas absorbé dans l'ordre
théologique. Il devient alors possible d’étudier les
phénomènes scientifiques, politiques ou économiques à la lumière de la raison seule,
sans menacer directement l'autorité religieuse établie. Le
principe laïc a été clairement établi par Thomas.
Mais il faudra toutefois du temps à l’Église pour en
comprendre toutes les implications.
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