J’espère que vous profitez tous
des latitudes tempérées de cette année politique, qui rendent soudainement
les eaux cristallines alors qu’un soleil brûlant fait rougir les peaux de la diversité
et de l’inclusion sur le pont d’Hillary, qui attend, anxieuse, les premiers
signes de vents frais qui viendront la pousser vers la terre ferme. Pendant
ce temps, sous les eaux calmes, Trump, le Léviathan, attend dans sa
confortable pénombre, faisant les cent pas en avant, puis en arrière,
solitaire, malveillant, satisfait de ses abus, attendant patiemment le bon
moment pour monter à la surface et faire couler sa rivale.
La situation est étrangement
calme à l’approche des élections primaires en Californie. A ce stade, les
deux gros partis se sont eux-mêmes discrédités au point qu’une odeur de
nécrose plane désormais autour des élections de 2016. Qui a déposé un possum
mort sur le podium d’Hillary ? Pourquoi Trump ressemble-t-il de plus en
plus à un Golum tapi dans l’ombre ? Les partis n’ont plus de gouvernail.
Leurs chefs arpentent les ponts de leurs navires tels des revenants. C’est
comme si les restes mortels de Millard Fillmore et James Buchanan étaient
sortis de leurs tombes pour venir dévorer les cervelles de Debbie Wasserman
Schultz et Reince Priebus. L’essence de chaque fantaisie de zombies sortie
des entrailles d’Hollywood s’imprègne dans les capillaires d’un établissement
politique proche de sa mort, qui fermente et mijote, qui attend d’être chargé
sur la barge de déchets de l’Histoire.
Hillary a lancé un « Ave
Marie » après la débâcle survenue dans l’Oregon, et proposé de faire de
son mari Bill une sorte de tsar économique une fois son tour venu au 1600
Pennsylvania Avenue. C’est à ce moment-là que nous avons tous su que sa
croisade était condamnée. Les médias se sont tant moqués d’elle que les
tropes d’HBO ont ressemblé par comparaison à des communiqués du contact
presse de Proctor & Gamble. Bill a fait du si bon travail en annulant la
loi Glass-Steagall que ce duo d’avocats dynamiques (deux pour le prix
d’un !) pourrait-il travailler à l’élimination des lois anti-trust, du
Premier amendement et de l’habeas corpus – pour que les Etats-Unis deviennent
enfin une véritable république bananière ?
Trump a bien évidemment
travaillé sur son sourire : yeux plissés, extension horizontale quelque
peu étrange des lèvres supportant un visage de cétacé à fanon. L’expression
parfaite de sa vie de grande baleine blanche. L’équipe du Good Old Party ne
sait plus qu’en faire. Elle se trouve secouée, perchée sur des bouées de
sauvetage dégonflées, harpons baissés, attendant que la mer bouillonne sous
ses pieds et que ses derniers navires deviennent épaves.
Voilà qui ne fera que
généraliser le morcellement de la république, d’abord en matière
démographique, puis territoriale. Ce qu’il y a de plus exceptionnel
concernant les Etats-Unis est la rapidité à laquelle le pays est monté en
puissance. Ils sont aujourd’hui sur le point de connaître la chute de leur
Empire. Nous avons à peine eu le temps d’élaborer une culture cohérente que
les historiens du futur (en dégustant leur ratatouille et leur rat
fraîchement dépecé à la lumière d’un feu de camp) pourront identifier, et
voilà que tout percole dans un tourbillon dans lequel il est déjà possible de
voir virevolter les Kardashian, PT Barnum, Betsy Ross, Davey Crockett, et
Eleanor Roosevelt parmi les détritus de Tupperware brisés et les pages
déchirées de l’Affordable Care Act. Quel désastre avons-nous laissé derrière
nous.
Quelque chose plane dans l’air
qui me pousse à croire qu’Hillary sera abandonnée par la convention de
Philadelphie en faveur de l’oncle Joe Biden, qui attend patiemment son tour
dans son Wilmington voisin. En parlant de tours, n’est-ce pas le tour de
Delaware de devenir président ? Il ferait un chef respectable, et il
pourrait même être élu, bien que le parti puisse être dissolu avant la fin de
son mandat, juste à temps pour que le Texas fasse sécession de l’Union et
montre l’exemple à la Californie, à l’Oregon et à l’Etat de Washington. Avant
que vous ayez le temps de dire « ouf », la carte politique des
Etats-Unis ressemblera de nouveau à celle de 1861.
Donald Trump sera jeté aux
oubliettes avant Thanksgiving. Il laissera une drôle d’emprunte mentale sur
le mode de vie de la grande nation d’autrefois, à la manière d’un très
mauvais trip au LSD. Et puis les peuples d’Amérique du Nord devront prendre à
bras le corps les problèmes générés par un système bancaire en échec, une
surpopulation, l’instabilité climatique et la disparition des normes de
comportement social.