Ce texte est un « article presslib’ »
(*)
Après
le Royaume-Uni, l’Allemagne s’apprête à confier
à sa banque centrale, la Bundesbank, la mission de contrôle du
système bancaire. Dans ces deux cas, la décision interviendra
dans le cadre de changements de majorités parlementaires, avec
l’arrivée au pouvoir prévue des conservateurs en
Grande-Bretagne et celle de la coalition CDU/CSU-FDP en Allemagne, en train
de se mettre en place. Aux Etats-Unis, la Fed était déjà
en charge du contrôle des banques, mais l’administration Obama propose de renforcer ses missions et
prérogatives afin d’en faire l’organe central du
contrôle et de la régulation financière. Cela suscite de
fortes réactions opposées au Congrès, dans les rangs des
républicains, des libertariens ainsi que des
démocrates. Une formule de compromis est recherchée.
Au
Royaume-Uni et en Allemagne, ce sont les organismes régulateurs, FSA
et BaFin, qui feraient les frais de
l’opération. Dans les trois pays, le même argumentaire est
utilisé pour justifier les transferts de compétences :
avec la crise actuelle, il a été mis en évidence que les
organismes en charge ont failli. Mais ce qui se joue est toute autre chose
qu’un renforcement du contrôle bancaire. Confier celui-ci aux
instances les plus opaques, soumises à aucun contrôle
d’aucune sorte peut difficilement être considéré
comme un pas en avant vers la transparence financière, par ailleurs
présentée comme la clé de voûte du nouveau
système. S’il était nécessaire de trouver une
mesure symbolisant les limites vite trouvées de la régulation
financière en gestation, ce rôle accru des banques centrales
pourrait parfaitement faire l’affaire.
Aux Etats-Unis, la Fed se refuse
obstinément de rendre et d’éclaircir ses comptes afin de
satisfaire aux demandes de très nombreux parlementaires, au
prétexte que son statut ne lui permet pas. Et que la publication de certaines
informations pourraient nuire au fonctionnement des
marchés. Elle a pourtant été crée par le
Congrès lui-même, en 1913, dans le cadre de l’adoption du Federal Reserve Act. Elle
semblerait ainsi avoir depuis unilatéralement promulgué un
nouveau statut, l’affranchissant non seulement du contrôle du
gouvernement, mais aussi de celui du Congrès, a priori seul souverain.
En
Europe, la BCE a été d’entrée de jeu inscrit dans
ce cadre de totale indépendance, lors de sa création en 1998.
Dans tous les cas, cette indépendance a trouvé sa
justification dans la protection de l’économie de la
création monétaire et de l’inflation, pour faire face
à l’inconséquence des politiques. Oubliant que Milton
Friedman lui-même, le gourou de la défense et illustration
intransigeante de la monnaie, n’était pas favorable à ce
statut, considérant qu’il n’était pas
d’avantage une garantie effective ! Une toute autre critique
s’est efforcée de mettre en évidence que cette indépendance
ne l’était pas dans les faits, et que tant les statuts de la Fed
que ceux de la Banque des règlements internationaux (BRI), sans avoir
besoin de pousser plus avant l’analyse, reflétaient une
incontestable consanguinité de ces organismes avec le système
bancaire privé.
De
ce dernier point de vue, les décisions qui sont en train
d’être prises reviennent donc à confier le contrôle
des banques aux banques elles-mêmes. Gage, on en conviendra,
d’efficacité. Assurance donnée pour l’avenir que
tout ira pour le mieux.
« Nous
avons survécu à cette crise. Mais nous pourrions devoir faire
face dans quelques années à une autre, qui pourrait être
plus importante et plus dangereuse ». C’est ainsi que Martin
Wolf concluait sa chronique dans le Financial Times de ce jour (sans évoquer
les banques centrales), en ajoutant une dernière recommandation, dont
il ne semble guère convaincu : « Montrons dès
maintenant à la postérité que nous sommes capables
d’apprendre de l’histoire. »
*Billet rédigé par
François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
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Paul Jorion, sociologue et
anthropologue, a travaillé durant les dix dernières
années dans le milieu bancaire américain en tant que
spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard :
2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La
Découverte : 2007).
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