Des
accords entre banques centrales afin d’approvisionner en urgence les
banques commerciales européennes en dollars, ainsi qu’une
téléconférence entre Angela Merkel
et Nicolas Sarkozy – dont on ne saura que leur conviction
martelée dans un communiqué que la Grèce doit rester
dans l’euro – suffiraient-ils pour que les choses rentrent dans
l’ordre, après ces jours derniers d’intenses frayeurs ?
Après la pluie vient si soudainement le beau temps que cela incite
à penser que le baromètre est décidément
détraqué.
Ces
subites sautes d’humeur boursières sont la plus explicite
expression de la crise, car nul ne sait trop ce qu’elles ce
qu’elles recouvrent, ni les rebondissements qui peuvent être attendus.
Dans
l’immédiat, nos édiles ont un seul mot d’ordre :
tenir, dans l’adversité ! Leur scénario est
déjà écrit : éviter le défaut grec
à tout prix avant que le Fonds européen de stabilisation
financière (FESF) soit prêt à intervenir pour
prêter main forte aux banques, à l’Italie et à
l’Espagne. Calmer autant que faire se peut dans l’immédiat
les marchés et débloquer des fonds pour que le
gouvernement grec puisse attendre cette échéance. Le FMI
prêt à suivre après sa réunion de mercredi, sans
le proclamer pour ne pas être en première ligne. Après,
on verra bien.
Après,
on s’attellera au prochain G20, en novembre, car dure est la vie des
chefs d’État et de gouvernement. Avec comme sujet épineux
la conjugaison de la réduction des déficits et de la relance,
qui en est la condition explicite mais que l’on ne sait pas provoquer.
Ainsi que l’harmonisation des politiques passablement contradictoires
qui sont à ce propos préconisées aux États-Unis
et en Europe.
Mais
n’anticipons pas, car le prochain Ecofin qui débute
demain en Pologne a encore fort à faire. À boucler le plan
de sauvetage de la Grèce, encore pourvu de quelques
sévères épines. Notamment à propos de la
participation des banques, qui se font beaucoup tirer l’oreille en
dépit des conditions avantageuses qui leur sont proposées.
Quelques explications que l’on imagine musclées interviendront
avec Timothy Geithner, qui ne s’est pas
déplacé pour rien, mais dont on ne saura rien.
Un
grand coup de clairon devrait être sonné, après que soit
finalement intervenu au Parlement européen un accord de principe en
vue de durcir le Pacte de stabilité au sein de l’Union, qui va
être soumis à la réunion des ministres des finances de Worclaw. Il s’agit d’une contrepartie
politique aux mécanismes de solidarité financière, sous
forme de sanctions financières destinées à ceux qui ne
resteraient pas dans les clous, qui ont fait l’objet de nombreuses
tractations, principalement à propos du principe de leur
automaticité.
Les
dirigeants européens cherchent à se faufiler entre tous les
écueils qu’ils rencontrent. En l’occurrence,
l’objectif poursuivi est à court terme d’aider Angela Merkel à convaincre le Bundestag de voter les
nouvelles missions du FESF, et plus généralement de poursuivre
l’opération « Règle d’or », qui vise
à habiller d’un carcan constitutionnel le principe de
l’équilibre budgétaire pour mieux l’imposer.
La
main de fer enfile toutefois un gant de velours, si l’on
considère les nouvelles dispositions décidées par la
Commission européenne, qui vise à diminuer les taux des
prêts consentis par le FESF au Portugal et à l’Irlande
ainsi qu’à allonger leur durée. À quoi sert-il
d’imposer des conditions draconiennes, si on sait dès le
départ qu’elles ne pourront pas être tenues, comme
l’exemple de la Grèce le démontre ?
Une
« task force » a également
été envoyée par l’Union européenne à
Athènes, afin officiellement d’aider les entreprises grecques
à trouver des financements, avec l’aide de la Banque Européenne
d’Investissements (BEI), de la Banque européenne pour la reconstruction
et le développement (BERD), ainsi que de la banque allemande KrW, spécialisée dans le financement des
PME. En réalité, sous couvert d’un soutien technique,
elle mettra le gouvernement sous une tutelle déguisée.
Tous
les (faibles) moyens sont bons pour passer par le chas
de l’aiguille. Y compris en traçant la perspective à
moyenne échéance d’une révision du Traité
de Lisbonne, afin de passer à une étape supérieure du
fédéralisme. Une opération à haut risque,
destinée à occuper les esprits, qui ressemble pour
l’instant à une véritable auberge espagnole, où
chacun apporte ce qu’il souhaite manger. L’élan
fédérateur qui est recherché recouvrant comme principale
préoccupation de durcir la discipline budgétaire commune.
José Manuel Barroso ayant comme intention de présenter une
étude sur les options permettant de créer des instruments de
mutualisation de la dette…
Pas
décidé de passer à la trappe comme il lui est promis, la
Commission reprend l’offensive, Viviane Reding s’exprimant
également en faveur de la mutualisation de la dette et proposant que
la présidence de l’Eurogroupe soit
confiée au commissaire Olli Rehn. Attribuant au couple franco-allemand le rôle
de « moteur » de la zone euro, tandis que la Commission en serait
le « pilote ».
Tenir,
comme le cherchent Angela Merkel et Nicolas
Sarkozy, c’est parvenir sans trop d’encombres à leurs
prochaines échéances électorales respectives, en 2012 et
2013. Voilà leur véritable horizon, auquel ils conditionnent
leur action. Ce n’est donc pas d’eux que l’on peut attendre
qu’ils nous délivrent une analyse du type de celle du
Comité économique et financier de la Commission
européenne.
Celui-ci
a comme de coutume préparé un document pour la réunion
de l’Ecofin, qui a tous les aspects
d’un brûlot. Il fait état d’un « risque de
cercle vicieux entre la dette souveraine, le financement des banques et la
croissance négative », alertant du proche danger d’une
« crise systémique » qui affecterait les banques. Il
évoque une « dangereuse spirale négative entre le secteur
financier et les secteurs de l’économie réelle »,
pouvant aboutir à « une crise du crédit ». En
référence aux banques, il souligne à son tour que le
renforcement de leurs fonds propres est « recommandable ».
C’est eux, à Bruxelles, qui ne sont pas recommandables pour dire
aussi crûment les choses, doivent penser ceux qui les écartent
des centres de décision.
Un
phénomène nouveau est intervenu dans le secteur bancaire, qui
va contribuer à ce que les banquiers appellent un resserrement du
crédit. En d’autres termes, sommés de renforcer leurs
fonds propres, ils préfèrent plutôt réduire la
taille de leur bilan pour l’éviter, car cela supposerait une
forte dilution des actionnaires – ce qu’ils veulent à tout
prix éviter – étant donné la gamelle intervenue en
bourse. Il faut donc réduire les engagements, c’est à
dire les crédits, promus variable d’ajustement. La relance
n’y trouvera pas son compte.
Mais
ce discours des banques n’a pas la portée des propos que vient
de tenir Charles Dallara, directeur
général de l’Institute of International Finance (IIF),
non sans une impudence certaine. À Washington, il a en effet
déploré la « platitude » de la réaction des
gouvernements à la crise européenne. Rendant publique la lettre
adressée chaque semestre aux ministres des finances des pays membres
du G20, pour déclarer : « Dans cette lettre, nous avons
esquissé un certain nombre d’idées dont nous pensions
qu’elles devraient être au sommet de l’ordre du jour dans
les semaines à venir, les jours à venir je dirais ».
« Il est difficile de voir comment la croissance économique peut
être ravivée dans le cadre des approches actuelles en termes de
politique monétaire » est-il expliqué dans ce document,
critique implicite de la politique de la BCE, si on la comprend bien.
Tous
autant qu’ils sont, ils recherchent une
politique miracle. Ou font le gros dos en se disant que l’essentiel est
d’être au pouvoir… et de le rester. Vaste programme.
Billet rédigé par
François Leclerc
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