Bart Chilton, commissaire à la CFTC, s’est
récemment expliqué au
sujet de l’enquête menée actuellement par la CFTC
concernant la manipulation du marché de l’argent.
Au
cours de cet entretien, Bart Chilton a
déclaré qu’il
était difficile d’apporter des preuves quant à la
manipulation du prix de l’argent devant une cour de justice. Selon lui,
trois éléments sont nécessaires afin de prouver
d’une manipulation – l’intention de manipuler, la
capacité à manipuler, et le succès de la manipulation.
Je suis d’accord avec sa définition. Cependant, si je puis me
permettre, mon point de vue diverge du sien pour ce qui concerne la
difficulté à déterminer ces trois éléments
sur le marché de l’argent, et pour les raisons suivantes.
Oublions
un instant que le marché de l’argent fait l’objet
d’une enquête pour manipulation de la CFTC depuis maintenant plus
de trois ans et demi, et que d’innombrables plaintes ont été
enregistrées contre JP Morgan en 2008 pour avoir manipulé le
marché de l’argent. Concentrons-nous simplement sur
l’année dernière, où le prix de l’argent a
chuté de 35% deux fois de suite. Un tel déclin, sur un
marché au sein duquel l’offre et la demande demeurent
généralement stables, est sans précédent.
J’irai même jusqu’à dire qu’il est impossible
sur un marché libre.
Comme
je l’ai déjà expliqué précédemment,
au mois de septembre dernier, juste après le deuxième
déclin du prix de l’argent, un petit groupe de traders a
acheté pour l’équivalent de 165 millions d’onces
d’argent en contrats à terme sur le COMEX. Cela
représente 22% des 740 millions d’onces d’argent extraites
chaque année de par le monde. Ce même groupe de traders a
également été à deux doigts de racheter la
même quantité d’argent après le déclin
survenu au cours mois de mai. C’est ici une quantité
extraordinaire de contrats à terme sur l’argent, bien plus
importante que les positions à l’achat occupées par les
frères Hunt en 1980. Il est impossible d’acheter de telles
quantités d’argent par accident. Un tel achat ne peut être
qu’intentionnel.
Voilà
donc pour ce qui est de l’élément intentionnel dont parle
le commissaire Chilton.
Le
second élément nécessaire à prouver d’une
manipulation réside en la capacité à manipuler (comme
par exemple par l’association de plusieurs traders). La capacité
à manipuler le marché de l’argent est évidente,
et a été prouvée de nombreuses fois. Cela nous
mène au troisième point soulevé par le commissaire Chilton, et qui est le succès découlant de
l’intention et de la capacité à manipuler. Et les escrocs
du COMEX n’auraient pas pu mieux faire pour infliger des dommages aux
traders et investisseurs innocents.
Je
pense que le problème auquel font face le commissaire Chilton et la CFTC est qu’ils se sont
eux-mêmes convaincus qu’ils ont besoin de rassembler plus de
preuves écrites et autres documents (tels que des aveux, des
emails…) avant de pouvoir prouver d’une manipulation sur le marché
de l’argent. Les intervenants du COMEX ne sont toutefois pas
disposés à leur fournir ces éléments. La CFTC
possède entre ses mains une preuve des plus claires, qui est
l’ensemble des données sur lesquelles je m’appuie moi-même
lorsque j’analyse le marché. La CFTC devrait cesser d’attendre
que plus de preuves ne tombent du ciel, et se pencher simplement sur les
statistiques bancaires qu’elle publie régulièrement.
Puisqu’il
semblerait aisé pour la CFTC de prouver d’une manipulation du
prix de l’argent si elle s’en donnait les moyens, je suis
d’avis que quelque chose d’autre bloque la Commission quant
à dévoiler les dessous de cette affaire. Il est manifeste que a
CFTC ne souhaite pas mettre fin à cette manipulation. Elle a
peut-être un motif politique qui la pousse à ne pas le faire, où
peut-être pense-t-elle JP Morgan et la CME trop importantes pour
être poursuivies en justice. Il est difficile de comprendre en quoi les
trois points soulevés par Chilton ne
puissent pas être prouvés par une simple analyse des
données dont cet organisme dispose.
Cette
situation est des plus troublantes. Chaque agence et département
fédéral a des missions publiques
spécifiques. Par exemple, la mission de l’Administration
Fédérale pour l’Aviation est d’assurer la
sécurité aérienne. Du fait que nous traversions
actuellement la décennie la plus sûre de l’histoire de
l’aviation, il semblerait qu’elle ait accompli sa mission avec
succès. Le Département de la Défense semble avoir rempli
sa mission consistant à protéger le pays contre les attaques
militaires étrangères. Je suis certain que
l’Administration pour la Sécurité Alimentaire
s’empresserait d’interdire la distribution d’un
médicament dangereux pour la sécurité publique.
Je ne
vois cependant pas en quoi la CFTC a rempli son rôle de protection du
public et des marchés contre la fraude, l’abus et la
manipulation. La manipulation est le crime le plus important dont puisse
être victime un marché. Il existe assez
d’allégations quant à la manipulation du prix de l’argent,
basées sur des données publiées par la CFTC
elle-même. Mais l’enquête ne semble jamais aboutir. Le fait
est que s’il existe effectivement une manipulation du marché de
l’argent (comme beaucoup le pensent), alors le marché est
actuellement victime d’un crime de haute importance. C’est un peu
comme si des avions commerciaux s’écrasaient
régulièrement de part et d’autres du pays mais que le
Département de l’Aviation refusait d’émettre
quelque commentaire. Ou comme si les Etats-Unis étaient envahis
militairement et que l’ensemble du Département de la
Défense partait en vacances. Ce seraient là des situations
parfaitement inacceptables, nécessitant des interventions
immédiates.
Parce
que prévenir la manipulation est la mission première de la
CFTC, des allégations crédibles quand à une manipulation
devraient être traitées immédiatement. La Commission doit
mettre fin à toute manipulation, ou dans le cas contraire prouver
l’absence de manipulation sur le marché.
Cette
tentative d’expliquer l’impossibilité de prouver une
manipulation du prix de l’argent est inacceptable,
particulièrement lorsque tous les éléments
nécessaires à l’enquête sont disponibles au sein
même de rapports publics.
En mai
2010, lorsque le marché boursier s’est effondré, tous les
régulateurs de marché, y compris la CFTC, se sont empressés
de s’assurer qu’une telle situation ne se produirait plus.
C’était là une bonne initiative. Ce qui n’est en
revanche pas acceptable, c’est que l’argent soit victime de
nombreux crashs sans pour autant que la CFTC ne lève le petit doigt.
Les lois contre la manipulation s’appliquent à tous les
marchés, et pas seulement à ceux que la Commission juge comme
étant les plus importants. Les lois s’appliquent à tous,
y compris aux manipulateurs ayant causé des dommages aux investisseurs
sur l’argent.
La
CFTC a actuellement beaucoup de fil à retordre, notamment en ce qui
concerne l’affaire MF Global. Mais rien n’est plus important que
de résoudre les allégations quant à la manipulation
active dont souffre le marché de l’argent. Je demande à
la Commission de mettre fin immédiatement à la manipulation du
prix de l’argent, ou de m’expliquer en quoi ce dernier
n’est pas manipulé. Vous devriez en faire de même.
Ted Butler
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