Et voilà qu’à présent, les autorités jugent bon de faire convoquer des journalistes (un peu plus d’une demi-douzaine, semble-t-il) par différents services de l’Etat, afin que ceux-ci révèlent leurs sources, que ce soit dans le cadre d’une enquête sur des ventes d’armes à des pays tiers, ou sur l’affaire Benalla. Pour « le pays des Droits de l’Homme », celui qui a inscrit la liberté au frontispice de ses mairies et dont les dirigeants n’hésitent jamais, dans leur munificence magnanime et modeste, à distribuer leurs bons conseils aux autres chefs d’Etats moins bien dotés, voilà qui est tout à fait rassurant.
Serait-ce là une nouvelle preuve discrète de cette dérive lente, feutrée mais inéluctable, que je décrivais dans un précédent billet, où j’évoquais cette disparition de nos libertés civiles sous les applaudissements d’une partie de peuple, fort heureux d’enfin faire rendre gorge à ceux qui n’étaient pas d’accord ave eux ?
Alors que des élections européennes approchent et qu’on les sent déjà agitées, on est en droit de s’inquiéter : alors que la situation n’a jamais été aussi critique pour le pays, on assiste ainsi à une véritable foire d’empoigne de collectivistes en culottes aussi courtes que leurs idées.
Paradoxalement, la France est arrivée dans cette position où les constats posés par les libéraux sont maintenant audibles, mais où aucune de leurs solutions n’est seulement envisagée tant l’idée même qu’on puisse user de la liberté révulse tout un peuple, son « élite » intellectuelle, ses dirigeants politiques et sa classe jacassante.
Il n’est ainsi pas rare d’entendre que oui, décidément, on paye trop cher pour les services que l’État nous rend; on entend parfois qu’en effet, il semble bien qu’il y ait trop de fonctionnaires par habitants en France comparé aux autres pays; certes oui, les taxes sur certaines choses (le carburant en particulier) frisent la flibusterie; et oui, tout pareillement, l’emploi des ressources humaines de l’État laisse à désirer, avec toujours plus de police et de gendarmerie à l’affût des incivilités routières et toujours moins pour traquer du vrai criminel. Ainsi, pour pacifier les mobilités et les rendre douces, y’a du monde, ça oui, mais pour pacifier les zones de non-droit, les quartiers en déshérence, moins, etc.
Cependant, force est de constater qu’à cette ouverture sensible à ces constats que les libéraux font depuis un moment répond aussi une véritable montée en puissance d’autres positionnements, nettement moins sereins et dont on connait historiquement le dénouement catastrophique : aux problèmes des « quartiers sensibles » auxquels justice et police devraient répondre, on trouve bien plus souvent des réponses nationalistes. Aux saines remarques sur le trop plein de fonctionnaires, on répond qu’il faut surtout en déplacer les foules d’un ministère à un autre ce qui aurait la vertu de résoudre d’autres problèmes, parce qu’on le dit, et puis c’est tout. Aux services qui se dégradent, on répond qu’on pourrait non pas plus taxer, mais mieux taxer, comme si l’État n’était déjà pas redoutablement efficace en la matière…
Or, ces « solutions » là, ce sont celles qui ont abouti aux pires du populisme. Oh, pas celui que les pauvrets, comme Macron et sa pénible troupe de clowns à roulettes gyroscopiques en location trottoiresque, redoutent tant en tremblotant fébrilement dans leurs petits slips de joueurs de pipeau : ce populisme-ci n’est qu’un retour au politiquement incorrect, un peu de fermeté et une absence de carpétisation de celui qui a des opinions solides. Ce populisme-ci, qu’on a pu observer chez certains dirigeants mondiaux, reste surtout dans l’expression verbale et il est à peine plus qu’un rejet des discours mièvres, agressivement niaiseux et parfaitement débilitants d’une presse et d’une intelligentsia maintenant complètement acquise à l’inclusivité totale et sans borne de tout et de n’importe quoi.
En gros, le populisme qui rend transi d’effroi nos extrêmes-centristes, c’est celui qui porte les discours de retour à la raison concernant le communautarisme, les différentes et délirantes ligues de vertus et renvoie les social-justice-warriors à leur microscopisme qu’ils n’auraient jamais pu quitter sans l’aide malsaine de la presse et des intellectuels de gauche ayant trouvé chez eux un nouvel électorat et une nouvelle voie pour terroriser intellectuellement les conservateurs et les libéraux de tous côtés. Ce “populisme”-ci est abhorré par nos clowns trottinetteurs parce qu’il les désarme en renvoyant leurs discours au ridicule et aux contradictions invraisemblables qu’ils contiennent. Mais il n’est pas réellement à craindre parce que ce n’est pour le moment pas du tout celui qu’on voit émerger en France.
Celui qu’on voit émerger en France, c’est l’autre populisme, celui qui tient à la fois la façade de l’inclusivité tous azimuts, qui promet de résoudre tous les problèmes de chaque masse d’opprimés, … moyennant la désignation de coupables bien identifiés : les riches, les possédants, les capitalistes, les patrons, les entreprises, les sceptiques, les hommes blancs cis de 40 ans, etc…
Ce populisme-là, Macron et tous les autres, tant à droite qu’à gauche, n’ont pas compris qu’ils le nourrissent à chaque fois qu’ils glissent sous le tapis des problèmes de société évidents, à chaque fois qu’ils refusent l’égalité en droit à ceux qui en ont le plus besoin (précisément les classes défavorisées, celles qui ont le plus à perdre de ces systèmes de passe-droit, d’accointances et de connivences dont elles ne peuvent bénéficier), à chaque fois qu’ils donnent un boulevard aux écologistes les plus sombres, les plus néfastes, les plus malthusiens dont l’hystérie a atteint, ces dernières semaines, des points hauts (qu’on dépassera, soyez en sûr), à chaque fois qu’ils prêtent le flanc aux couinements des spécialistes de la commisération et de la victimisation politique.
La tendance que je pointais en introduction ne laisse aucun doute : c’est bel et bien ce populisme-là qui gagne du terrain.
La France est au bord du gouffre : en mai 2017, lorsque Macron arrive au pouvoir, j’avais alors écrit qu’il nous ferait même regretter Hollande, alors pourtant facilement classable dans les incompétents de niveau olympique. J’ai eu raison, sans mal. L’état général du pays est si catastrophique que oui, le discours libéral (tant qu’on cache ce mot) passe maintenant sur certains plateaux, dans certains débats bien policés. Mais son pendant, le populisme le plus acide, le plus dangereux, se développe d’autant plus, sans que la moindre lueur politique ne se lève.
Selon toute vraisemblance, les prochaines européennes vont voir le RN faire un score solide, d’autant plus que LREM va se prendre avec Loiseau une volée de bois vert. Aucun enseignement n’en sera tiré et attendez-vous à voir une véritable déferlante de bobosité, d’écologisme de combat sans limite et d’absurdités taxatoires délirantes de la part de Macron suite à cet échec (qu’on peut lui espérer cuisant).
Je suis décidément peu optimiste pour le pays, encore plus pour l’actuel régime politique. La prochaine crise pourrait fort bien lui être fatal.