De plus en plus
populaire est l’idée que l’euro soit une expérience ratée, parce que des pays
économiquement et politiquement disparates ne peuvent pas partager une devise
sans que la situation débouche sur une crise majeure. Une autre façon d’expliquer
cette pensée conventionnelle est de dire qu’une union monétaire (une devise
commune) ne peut pas fonctionner sans union fiscale (gouvernement commun). C’est
complètement faux. Il existe de nombreux pays, qui dans de nombreuses régions
du monde, ont été capables de partager la même monnaie des siècles durant.
Cette monnaie s’appelle l’or.
Le fait qu’un groupe de
nations européennes diamétralement différentes partagent une devise n’est pas
le problème. Le problème, c’est l’agence de planification centralisée connue
sous le nom de Banque centrale européenne, qui tente d’imposer un taux d’intérêt
commun à toutes ces économies. En découlent plus de distorsions encore que
lorsque de telles agences opèrent au sein d’un seul pays (comme la Fed aux
Etats-Unis, par exemple), ce qui n’est pas rien, au vu de l’ampleur des distorsions
causées par la Fed et d’autres banques centrales nationales.
J’hésite à m’opposer à
John Hussman, parce que ses analyses sont généralement correctes. En
revanche, ses récents commentaires quant à la crise grecque et sa supposée
relation avec la devise unique sont le parfait exemple de l’idée populaire
contre laquelle je me dresse ici. Voici un extrait du commentaire
d'Hussman, fleuri de mes commentaires entre parenthèses et en gras :
« La condition
préalable d’une devise commune est le partage par les nations concernées de
certains caractères économiques communs. (Non, ce n’est pas vrai !
Une monnaie n’est pas supposée être un outil utilisé pour manipuler l’économie,
elle doit être un moyen d’échange.) Une devise unique n’annule pas
seulement la flexibilité des taux de change, mais aussi la capacité à
financer des déficits au travers de la création monétaire, indépendamment des
autres pays. (Annuler la possibilité de financer des déficits au travers
de la création monétaire est un avantage, et pas un inconvénient.) En
plus de cela, parce que les flux de capitaux répondent plus souvent aux
écarts de taux d’intérêt de court terme (écarts de carry trade) qu’aux
conditions de crédit sur le long terme, la devise commune qu’est l’euro a
annulé la variation des taux d’intérêt entre les pays. (Non, la BCE en est
responsable. En son absence, les taux d’intérêt de la zone euro auraient pu
refléter correctement les réalités économiques.) Nous pourrions penser
que c’est une bonne chose pour des pays comme la Grèce, l’Italie, le Portugal
et d’autres que d’avoir pu emprunter à des taux proches de ceux de l’Allemagne
pendant près de deux décennies. Mais ça leur a également permis d’enregistrer
des déficits fiscaux bien plus importants que s’ils avaient disposé de
devises individuelles flottantes. (C’est tout à fait vrai, mais c’est
encore une fois la conséquence des décisions de la BCE, et non de l’établissement
d’une devise unique.)
L’euro est
essentiellement un arrangement monétaire qui encourage les écarts économiques
entre les pays à être oubliés et ignorés au travers d’un endettement toujours
plus important des pays les plus faibles de l’union. (La BCE, et non la
devise unique, encourage ceci.) C’est la raison pour laquelle nous
assistons à des crises récurrentes qui sont devenus si intolérables que même
les refinancements de court terme doivent faire l’objet de plans de
sauvetage.
La Grèce n’est pas
la seule à blâmer. Il est malheureux qu’elle soit le premier pays à avoir
franchi la ligne d’arrivée. La Grèce nous démontre simplement qu’une devise
commune partagée par des nations économiquement disparates ne peut pas être
conservée sans une subvention continue de la part des nations les plus
prospères. (Si c’était le cas, comment d’autres nations économiquement
disparates auraient-elles pu utiliser l’or comme devise commune pendant si
longtemps sans que les plus prospères d’entre elles n’aient à subventionner
les autres ?) »
La monnaie est supposée
être neutre – un moyen d’échange et un outil de mesure. Il n’est pas plus
problématique pour un groupe de pays d’utiliser une devise commune que pour
un groupe de pays d’utiliser un outil commun de mesure de longueur ou de
poids. Au contraire, une devise commune offre des avantages en matière d’échanges
et d’investissement.
Le problème est donc la
planification centrale de la monnaie et des taux d’intérêt, et non le fait
que différents pays utilisent la même monnaie. C’est un problème qui existe
partout ; et qui est tout simplement plus évident en zone euro.
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