Le ventripotent Président la voulait apaisée mais la France aura montré, pendant ce mois de juillet, qu’elle n’a rien voulu savoir et les médias auront travaillé dur pour atténuer les petits soucis qu’une population décidément peu câline aura fait pleuvoir alors que la température montait.
François Hollande a bien du chagrin : il voulait tout faire (ou faire semblant de tout faire) pour que tout aille bien et que les Français se rabibochent après la terrible abomination que furent les cinq années de sarkozisme débridé. Force est de constater qu’à mesure que la crise continue de prendre de l’ampleur et que l’été s’installe dans la chaleur, l’ambiance vire plus aux règlements de comptes qu’à la proverbiale fraternité. Et je ne parle même pas au sein du parti socialiste lui-même où la lutte rixe finale semble s’approcher un peu trop vite.
En quelques semaines, on aura assisté à une succession de problèmes graves dont le traitement par la presse laisse pour le moins dubitatif.
Il y eut, bien sûr, le déraillement de train de Brétigny.
Rien que pour pouvoir coller le petit sticker Pignouferie de Presse, on pourrait disséquer la façon dont les articles des médias habituels ont traité ce qui est arrivé en périphérie directe de l’accident, choisissant avec un art consommé de la modération les termes permettant d’envelopper la réalité, ignoble, et la rendre vivrensemble-compatible.
Dans un ballet aussi macabre que débile, les articles des rédactions se seront suivis qui pour tenter d’expliquer l’accident tout en conservant à l’esprit que Valls avait déclaré ne pas croire à la thèse du sabotage, et d’expliquer pourquoi des CRS furent appelés sur les lieux, très vite, alors qu’il n’y avait, toujours officiellement, aucun problème avec certains « individus, venus des quartiers voisins ».
Il faut le reconnaître : journaliste officiel, en Socialie Française, ce n’est pas simple. Il faut avoir un dictionnaire des synonymes à portée de main, une capacité innée pour l’euphémisme, et une inventivité de folie pour tordre la réalité et les faits dans le sens demandé par la hiérarchie, le groupe social ou, simplement, les bonnes habitudes de pensées.
Pas simple, en effet, de camoufler les caillassages, jets de pierre et autres projectiles dont furent l’objet les secouristes arrivés sur les lieux de la catastrophe. « Padamalgam ! », crieront les politiciens et les journalistes pendant tout le début de l’enquête afin d’éviter que ne soit dit ce que, pourtant, des témoins secouristes, pompiers, forces de l’ordre et civils disaient partout où on les écoutait. Difficile de ne pas comprendre que derrière les termes millimétrés de « troubles » et « de façon un peu rude » employés par nos folliculaires et ces élus que vous payez de vos impôts se cachent en réalité des vols en bande organisée, des agressions caractérisées et de bien vilains comportements que la morale réprouve en faisant des petits « oh ! » choqués (mais pas plus, pour le moment, l’enquête se poursuit).
On pourrait aussi s’étonner du peu de cas que firent ces mêmes journalistes lorsqu’on apprit qu’un sabotage avait eu lieu, sur la même ligne, le même jour, de la même façon. Sabotage revendiqué par des antinucléaires, et donc au-delà de tous soupçons, puisque c’est pour la bonne cause. Accident mortel dans un cas, simple sabotage dans un autre, tout le reste n’étant que fortuites coïncidences, aucun rapprochement possible, circulez, rien à voir.
Puis il y eut, aussi, les petits dérapages de Trappes.
Il semble entendu qu’on ne saura jamais qui, des musulmans pratiquants ou des policiers en opération, a commencé l’altercation. On ne saura pas si ce sont les policiers qui ont commis la bavure, ou si c’est le couple qui aura refusé d’obtempérer. Et d’ailleurs, c’est sans grande importance au-delà des personnes directement concernées : finalement, ce genre de contrôles, avec ou sans dérapage d’un côté comme de l’autre, est maintenant monnaie courante en France et bien malheureusement, la tendance ne semble pas vouloir s’inverser malgré les désirs fervents de toute la Hollandie.
On a cependant bien du mal à voir le rapport de ce contrôle avec les petits troubles, les gentils dérapages, les échauffourées délicates et les tensions palpables qui se sont ensuite accumulées à Trappes suite à cette altercation. On comprend mal comment un fait divers, aussi pitoyable soit-il, peut devenir le prétexte d’une bataille rangée impliquant des centaines de personnes. Heureusement, l’absence totale d’analyse de la presse à ce sujet indique que c’est donc un non sujet. Et puis, dans les mois d’été, presse n’est qu’à une lettre de paresse, après tout.
Il y eut, enfin, les soucis de Brive.
Relaté par la presse, les petits tracas survenus dans la sous-préfecture de la Corrèze, fief du président des bisous, sont l’occasion d’évoquer un fait divers à mi-chemin entre les paroles un peu rudes échangées entre un Pépone et un Don Camillo local et l’habituelle bagarre générale en fin de bal du 14 juillet un peu trop arrosé. Cette fois-ci, à Brive, nous avons eu d’un côté de joyeux militaires un peu âpres à la bonne rigolade, et de l’autre, quelques sympathiques habitants de quartiers défavorisés tentant de se rapprocher de la garnison avec cet humour si spécifique que le monde nous envie.
Après analyse et quelques témoignages, il semblerait que les petites tensions ne soient pas nouvelles, que les fauteurs de troubles sont un peu toujours les mêmes, que les militaires, qui reviennent du Mali et sont un peu formés au combat urbain, ne se sont – bizarrement – pas laissés faire, et qu’une épouse de l’un d’eux, enceinte de 7 mois, aurait été tabassée au point d’en perdre son enfant, ce qui aurait d’ailleurs incité quelques soldats du 126ème régiment à aller demander des comptes (les naïfs) aux auteurs, habitants du quartier populaire des Chapélies.
Rien que ces éléments devraient, en eux-mêmes, déclencher des myriades d’articles enfiévrés de la part de la presse : un tel scénario, avec des larmes de femme enceinte, de la castagne, du militaire qui sent encore le sable chaud du Mali, cela fait vendre, non ? Eh bien non.
Dans tous ces cas, on retrouve de façon aussi surprenante que lassante cette volonté étrange de la presse française traditionnelle de raconter une version édulcorée des faits ; bien sûr, l’information sera dite. Bien sûr, elle finira par filtrer, par différents canaux et de différentes sources, dont l’absence de cachet « Média Connu » / « Vu à la télé » leur vaudra la méfiance ou l’oubli. Dans tous ces cas, on décèle sans mal cette volonté de ne pas dépeindre la France telle qu’elle est, à savoir une nation divisée, prête dans certains endroits à en découdre et ni fraternelle, ni solidaire, ni apaisée. On comprend, sans que cela ne soit dit explicitement nulle part, que le but des journalistes et des politiciens est de jouer sur du velours, de ne surtout pas donner prise à des événements incontrôlés par eux et surtout, qui « favoriseraient la montée du FN », voyons, m’ame Michu.
Il n’est qu’à voir, a contrario, le déferlement d’articles outrés suite aux propos idiots (et hors contexte) d’un député pour bien voir qu’il importe avant tout, pour cette intelligentsia bien formée, de distiller les bonnes informations, celles qui servent la cause (ou, en tout cas, ne la desservent pas). On comprend que leurs intentions, moralinées et pleines de bien-pensance, huilent les engrenages de la pensée officielle, où tout le monde vit en harmonie avec tout le monde, et où les Fêtes des Voisins, du Quartier et du Village se terminent en chanson sur la place de la mairie avec des flonflons populaires et joyeux.
Malheureusement, à mesure que les pouvoirs d’achats se rapetissent, que les écarts de traitements des uns et des autres se font de plus en plus évidents, les tensions se font inévitablement plus fortes et les efforts désespérés (et pour tout dire, ridicules) des pisse-copies officiels pour les minimiser ne suffisent plus.
Ce pays est foutu. Mais maintenant, quasiment tout le monde commence à s’en rendre compte.