Les dissensions entre l’Arabie
Saoudite et l’Iran se sont vite transformées en le pire conflit dont nous
ayons été témoins depuis des décennies entre les deux pays.
Les surenchères
mutuelles ont vite transformé les tensions naissantes en un conflit de
pouvoir ouvert au Proche-Orient. Tout a commencé avec l’exécution d’un chef
religieux shiite iranien par l’Arabie Saoudite, qui a poussé des
protestataires à incendier l’ambassade de l’Arabie Saoudite à Téhéran. L’Arabie
Saoudite a ensuite mis fin à ses relations diplomatiques avec l’Iran et
renvoyé tout le personnel diplomatique iranien. Et Téhéran a interdit toute
importation de denrées saoudiennes. Pire encore, l’Iran blâme l’Arabie
Saoudite pour une frappe aérienne à proximité de son ambassade au Yémen.
Les alliés sunnites de l’Arabie
Saoudite dans la péninsule arabe ont eux-aussi réduit leurs relations
diplomatiques avec l’Iran. Mais parce qu’ils reconnaissent les lourdes
implications d’un conflit majeur dans la région, une majorité des alliés de l’Arabie
Saoudite du Golfe ne sont contrairement à cette dernière pas allés jusqu’à
rompre complètement leurs relations diplomatiques avec l’Iran. Le Bahreïn, la
nation la plus proche diplomatiquement de Riyad, a été le seul à prendre une
telle mesure.
Beaucoup des pays du
Golfe s’inquiètent d’une instabilité accrue. Les pays comme le Koweït et le
Qatar ont établi des relations commerciales avec l’Iran, et comptent leurs
propres populations shiites. Le Qatar partage également une frontière
maritime avec l’Iran, ainsi que l’accès à d’importantes réserves de gaz
naturel dans le Golfe Persique. Ces deux pays essaient de trouver un
compromis entre les deux nations belligérantes du Proche-Orient. « Les
Saoudiens passent leur temps au téléphone à faire pression sur leurs allés
pour qu’ils mettent fin à leurs relations avec l’Iran, mais une majorité des
Etats du Golfe tentent de trouver un terrain d’entente », a expliqué un
diplomate Arabe à Reuters.
« Le problème, c’est que le terrain d’entente se réduit ».
Les effets du conflit naissant
autour des réserves pétrolières est obscur, mais il n’a pour l’heure pas d’impact
haussier sur les prix. Par le passé, les tensions géopolitiques au
Proche-Orient, notamment ceux qui ont impliqué de gros producteurs, ont
ajouté quelques dollars au prix du pétrole. Cette prime de risque capturait
la possibilité d’une suspension de l’offre au travers du prix du baril de
brut. En revanche, les récents évènements ont été majoritairement
ignorés par les marchés pétroliers. La raison en est que la surabondance
globale de pétrole est plus importante que la suspension potentielle de l’offre.
L’or a plongé jusqu’à atteindre presque 30 dollars le baril le 12 janvier, et
les spéculateurs ne prêtent pas attention aux tensions qui se développent au
Proche-Orient. Le conflit pourrait également se manifester par une
intensification du conflit pour les parts de marché. L’Iran a établi des
objectifs agressifs pour améliorer la production sur le court terme. Et l’Arabie
Saoudite continue de produire plus de 10 millions de barils par jour tout en
réduisant le prix de son pétrole sur de nombreux marchés clés, notamment en
Europe, pour exclure l’Iran.
Et si la situation de
guerre froide entre l’Arabie Saoudite et l’Iran se réchauffait ?
L’Arabie Saoudite a un
certain nombre de raisons de ne pas faire marche-arrière, et notamment l’impression
bien justifiée d’être prise d’assaut sur plusieurs fronts. Un article publié
dans The
New Statesman par l’ancien ambassadeur britannique en Arabie Saoudite,
John Jenkins, établi une liste exhaustive des menaces auxquelles fait face l’Arabie
Saoudite : les extrémistes au sein du pays ; la montée en puissance
de l’Iran ; ses alliés déchus du Printemps Arabe ; la baisse du
prix du pétrole et ses relations fracturées avec les Etats-Unis. Les accords
nucléaires entre l’Iran et l’Occident confirment le sentiment d’insécurité
croissante de Riyad.
Les deux rivaux se sont
déjà engagés dans des courses aux procurations au Yémen et en Syrie et
soutenu les partis opposés de ces guerres. Une confrontation militaire
directe serait cependant très différente. Elle aurait des conséquences
catastrophiques pour les marchés pétroliers, même après la prise en compte de
la surabondance pétrolière. Le Dr. Hossein Askari, professeur à l’Université
George Washington, a expliqué à Oil
& Gas 360 qu’une guerre entre les deux pays pourrait nous mener à des
suspensions de l’offre, qui auraient des impacts prévisibles sur les prix.
« Si une guerre
avait lieu entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, le pétrole pourrait passer à
plus de 250 dollars en un rien de temps, avant de retomber autour des 100
dollars, explique Askari. Si les deux pays attaquaient leurs infrastructures
de chargement mutuelles, le pétrole pourrait passer au-delà des 500 dollars
et y rester pendant un certain temps dépendamment des dommages causés. »
Bien que ce ne soit pas
impossible, à l’heure actuelle, un conflit armé reste une spéculation. Ajoutons
également que les prix de 250 et de 500 dollars ne sont tirés de rien de
tangible, et peuvent sembler sensationnalistes. Mais malgré la surabondance de
pétrole dans le monde – qui se situe autour d’un million de barils par jour -
la marge entre excès et pénurie est plus fine que nous pourrions le penser. L’OPEP
continue de produire d’arrache-pied et les infrastructures de stockage
disponibles sont remarquablement peu nombreuses à l’heure actuelle. L’EIA
estimait la capacité de stockage disponible de l’OPEP à seulement 1,25
million de barils par jour pour le troisième trimestre de 2015, soit son
niveau le plus bas depuis 2008.
En conséquence, bien que
cela reste une vague possibilité, une confrontation directe entre l’Arabie
Saoudite et l’Iran pourrait redonner lieu en très peu de temps à un prix du
pétrole à trois chiffres.