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Cours Or & Argent

Une réévaluation radicale du capitalisme, 2ème partie

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Grégoire Canlorbe
Publié le 02 janvier 2015
2566 mots - Temps de lecture : 6 - 10 minutes
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Rubrique : Editorial du Jour

 

 

 

 

Voir la 1ère partie

 

Une reformulation des thèses de Howard Bloom

 

Il est bien connu que le système économique qui s’est imposé progressivement en Occident à partir du XVIIème siècle (puis dans une très large partie du globe) et qu’on a baptisé « le capitalisme » au cours du XIXème siècle, se caractérise notamment par la propriété privée des moyens de production, un degré élevé de division et de spécialisation du travail, la prédominance du salariat (en lieu et place de l’esclavage ou du servage), l’entreprise privée, l’accumulation du capital, la concurrence généralisée à tous les niveaux de l’économie (entre producteurs mais également entre consommateurs et entre salariés), la liberté d’entrée sur un marché (et de sortie), la mobilité sociale, la hausse générale du niveau de vie, la quête du profit monétaire, l’innovation et l’ouverture des frontières.

 

Le capitalisme a certes fait beaucoup pour l’humanité. Cependant, il n’a jamais été à la hauteur de son potentiel ; et ce, pour une raison institutionnelle, en tout premier lieu. Ses conditions juridiques, à savoir la protection de la liberté d’entreprendre et de contracter et la reconnaissance formelle de la propriété privée, ont été garanties de façon partielle par les gouvernements ; et ce, y compris dans le monde occidental du XIXème siècle qu’on a pris l’habitude de caractériser, à tort, comme l’âge d’un capitalisme sans entraves. En Occident, ce caractère « brimé » de l’économie capitaliste s’est amplifié au cours du XXème siècle avec la montée en force des programmes étatiques de redistribution des revenus et la multiplication des restrictions juridiques à la liberté d’entreprendre et de contracter, en témoignent le contrôle strict de la concurrence, la persistance des mesures protectionnistes et l’encadrement étroit des relations entre patrons et salariés.

 

En ce début du XXIème siècle on est loin d’assister au triomphe du capitalisme pur et dur, même si la liberté, globalement, progresse dans le monde. C’est un point que Howard Bloom met en exergue. La liberté économique, ingrédient indispensable du capitalisme, gagne du terrain, permettant à des masses immenses de sortir de la pauvreté. La liberté change le monde.

 

« Le système occidental se répand et élève le niveau de nations entières – Corée, Taiwan, Thaïlande, Singapour, l’Inde et la toute grande Chine. Cette expansion du mode de vie occidental est le témoignage de son pouvoir de changer nos vies. »[1]

 

Howard Bloom surenchérit : l’économie capitaliste pourrait encore bien mieux développer ses potentialités. Certes, la liberté progresse dans le monde. Certes, le capitalisme étend sa sphère d’influence. Le problème est que le capitalisme, sous sa forme actuelle, ne fonctionne pas à pleine capacité. Le système occidental n’est pas à la hauteur de son potentiel ; et pour qu’il le soit enfin, nous devons comprendre que son épanouissement intégral repose in fine sur une façon nouvelle de mettre à profit nos émotions.

 

Howard Bloom exprime cette vérité importante en ces termes.

 

 

« Pour exciter le potentiel industriel et analytique de nos esprits, il est nécessaire que nous trouvions et que nous engagions nos sentiments. Sentir nos propres désirs, irritations et fantaisies peut nous aider à comprendre les émotions inexprimées de nos frères et soeurs humains. Aussi étrange que cela puisse sembler, comprendre nos émotions – nos passions et nos dépressions – peut nous aider à satisfaire les besoins des autres avant même qu’ils ne les connaissent. Cela peut nous aider à créer des pouvoirs humains complètement nouveaux – nouvelles technologies, nouveaux services et nouvelles industries. L’émotion est une des clés pour créer de nouveaux emplois, élever les salaires, stimuler le produit intérieur brut, accroître la mobilité sociale, et pour nous apporter satisfaction et nous donner un sens nouveau à nos existences. »[2]

 

On ne peut apprécier à sa juste mesure le message formulé par Howard Bloom en ces quelques lignes sans mettre en évidence la philosophie qui les sous-tend, i.e. la théorie globale de l’univers suggérée par Howard Bloom.

 

Le moteur de recherche évolutionnaire

 

Pour initier notre exposition du système philosophique exprimé dans The Genius of the Beast, nous devons mettre en évidence la thèse avancée par Howard Bloom à propos des mécanismes de l’évolution qui intéresse les entités physiques ainsi que biologiques et sociales. Cette thèse constitue le socle sur lequel reposent in fine les vues de Howard Bloom relatives au fonctionnement et aux potentialités du capitalisme.

 

Howard Bloom estime qu’un mécanisme commun sous-tend toutes les évolutions qui ont lieu dans l’univers. Il nomme ce mécanisme métaphoriquement « le moteur de recherche de l’évolution » et il le décrit comme le processus par lequel la nature construit certaines réalités radicalement nouvelles puis détruit ou consolide (en sorte qu’il soit davantage à l’épreuve du temps) ce qu’elle avait construit. Ce mécanisme procède donc en deux étapes.

 

Au cours de la première étape, une phase d’expansion, d’explosion ou de prolifération, une entité endure certains changements qui affectent, autant que la plasticité de sa propre nature le lui permet, les traits caractéristiques de cette entité. Au cours de la seconde étape, une phase de consolidation, de contraction ou d’élimination, soit une entité déjà existante est consolidée, soit cette entité est détruite, en quel cas une nouvelle entité, plus complexe, voit le jour en mobilisant les débris de l’ancienne entité.

 

Depuis la nuit des temps, ce mécanisme se perpétue de façon cyclique. Notre univers a vécu toutes ses évolutions successives à la faveur de cette « oscillation antique » entre l’expansion et la consolidation ; l’exploration et la digestion ; l’explosion et la contraction; la prolifération et l’élimination ; le gavage et la purge ; l’invention et la sélection ; l’exubérance et le déni de soi ; ou encore, comme nous le verrons, entre l’individualisme et la centralisation. Nous devons à ce cycle ancestral le chemin parcouru par l’univers depuis les particules initiales jusqu’aux galaxies et depuis les molécules biologiques réplicantes que nous connaissons sur Terre jusqu’aux sociétés animales et humaines. « Le moteur de recherche évolutionnaire » est l’ensemble des gestes et outils par lesquels l’univers sonde ses possibilités enfouies en sorte de donner lieu à des réalités radicalement nouvelles.

 

Howard Bloom consacre plusieurs pages à l’astrophysique au mode de vie des bactéries et aux métamorphoses vécues par l’embryon. L’objet du présent article n’étant pas de développer encore moins de discuter les arguments avancés par Howard Bloom pour prouver la validité de son modèle dans ces domaines, nous convions le lecteur à découvrir ces analyses par lui-même. Il est fort à parier qu’il n’en sortira pas déçu sinon indifférent.

 

De la stratégie de fission et de fusion au cycle de l’insécurité

 

La stratégie de fission et de fusion est la forme revêtue par « le moteur de recherche de l’évolution » dans le cas des sociétés animales et humaines. Le principe sous-jacent à cette dynamique consiste à se disperser puis à se rassembler de nouveau. On constate ce comportement aussi bien parmi les chimpanzés que parmi les singes, les souris, les éléphants, les dauphins, les baleines et même les êtres humains. Howard Bloom cite de nombreuses études scientifiques à l’appui de son propos. Retenons deux d’entre elles.

 

À l’aube, les chimpanzés se dispersent en quête de nouveaux fruits et de nouvelles plantes dans les environs. Ils se rassemblent pendant la journée. À cette occasion, les mâles partagent leurs informations concernant la nourriture, tandis que les femelles gardent leurs découvertes pour elles-mêmes. Les mâles s’entretiennent les uns avec les autres et prennent des notes au sens figuré sur ce que chacun a à dire. Ces discussions se répercutent éventuellement par des expéditions particulièrement fructueuses le lendemain.

 

Si vous placez deux souris adolescentes, un mâle et une femelle, dans un silo inoccupé et regorgeant de graines, vous observerez pendant plusieurs semaines une activité sexuelle frénétique et un débordement de vitalité. Les souris sont joyeuses et s’adonnent sans répit à leurs appétits alimentaires et charnels. À raison de dix nouveaux souriceaux par portée, soit près de 500 sur la durée d’une vie, une peuplade de souris prend forme et se répand, explorant le silo et partant à la découverte de nouvelles poches de nourriture et de nouveaux espaces où établir un foyer. C’est la phase de fission. Vient un jour où les souris sont devenues tellement nombreuses qu’elles ont épuisé la capacité du silo à faire vivre la peuplade. Il s’ensuit une très forte récession de l’activité naguère exubérante des souris. Le groupe se rassemble, les liens se resserrent. Après l’ère de la fission, voici venu le temps de la fusion. Les souris sont passées d’une joie de vivre ardente à un état maussade de déni de soi. Elles sont passées de ce que les biologistes démographiques nomment l’état R (l’état reproductif) à l’état K (l’état conservateur). Elles partagent leurs tristes découvertes sur la fin de l’abondance et communient dans la panique et le désarroi.

 

Que ce soit chez les chimpanzés ou chez les rongeurs, la phase de contraction ne correspond pas à un effort pour mettre en œuvre certaines métamorphoses radicales de l’espèce. Elle correspond simplement à un effort pour garantir la survie du groupe, i.e. son habileté à continuer à pourvoir efficacement à sa subsistance. Les chimpanzés partagent leurs informations pour garantir des recherches fructueuses le lendemain (qui permettront au groupe de se maintenir en vie et en bonne santé). Les souris suspendent leur essor démographique en sorte de rendre possible autant que faire se peut la survie de leur peuplade dans les jours à venir. À chaque fois, l’univers teste ses possibilités. Il teste les deux éventualités qui s’offrent à lui : extinction ou survie du groupe. Le moteur de recherche de l’évolution est à l’œuvre.

 

Le second exemple invoqué, celui des souris dans le silo, met en scène de façon particulièrement éloquente l’enchaînement entre une exubérance collective et un déni de soi généralisé. La dynamique de fission et de fusion propre aux rongeurs dans cette situation s’accompagne d’une modification de l’humeur globale du groupe. Les souris se dispersent et se reproduisent sous l’impulsion de leur bonne humeur solaire. Elles se rassemblent et se morfondent sous l’effet d’une déprime intense. Les passions du groupe sont le carburant de la dynamique de fission et de fusion. Elles alimentent le moteur de recherche de l’évolution. Au bout du processus, il y a deux scénarios possibles : la survie du groupe et la reprise de son activité exubérante ; ou bien l’extinction pure et simple de la peuplade. Dans le cas des rongeurs et de très nombreuses autres sociétés animales, la dynamique de fission et de fusion prend donc la forme de ce que Howard Bloom appelle « le cycle de l’insécurité ». À savoir une oscillation chronique entre deux humeurs radicalement opposées : la joie de vivre exubérante et la dépression morbide.

 

Howard Bloom consacre plusieurs pages aux études en sociobiologie qui ont montré que ce cycle est présent aussi bien parmi les souris que parmi les fourmis, les abeilles ou les palourdes. Le cycle de l’insécurité est l’instrument ultime de la dynamique de fission et de fusion. Il est l’expression implacable du moteur de recherche de l’évolution. Le cycle de l’insécurité appartient aux sociétés animales mais également aux sociétés humaines. Il est la toile de fond de l’oscillation de l’économie capitaliste entre le boom et la dépression. La stratégie de fission et de fusion telle qu’elle est mise en œuvre par les êtres humains suscite les fluctuations de l’économie capitaliste.

 

Le secret des économies maniaco-dépressives

 

Dans le cas des sociétés humaines, la stratégie de fission et de fusion ne se contente pas de tester le potentiel de survie de l’espèce : elle teste la capacité de la société à mettre en œuvre certaines évolutions de son fonctionnement. La stratégie de fission et de fusion prend notamment pour forme l’oscillation des économies modernes entre le boom et la récession. Le cycle de l’insécurité explique les métamorphoses décisives de la société humaine depuis l’avènement du capitalisme.

 

Le moment de la fission est celui de la profusion de nouvelles entreprises, nouveaux investissements et nouveaux produits, ainsi que de nouveaux principes de management et nouvelles stratégies de marketing. L’impulsion décisive derrière cette profusion de nouvelles réalités et de nouvelles idées est une vitalité exubérante. Tout ceci se répercute par un boom de l’activité. Le moment de la fusion est celui de la création de nouvelles institutions centralisées, que celles-ci soient coercitives ou pacifiques. On assiste dès lors à la mise en place de nouveaux symboles de cohésion sociale. Ces changements dans la société sont initiés par un sentiment de panique qui accompagne l’effondrement de l’activité précédemment en plein essor. La contraction de l’économie aussi bien que le boom de l’activité génère donc une évolution de la société.

 

Cette thèse relative au cycle des affaires formulée par The Genius of the Beast ne saurait être évaluée à sa juste mesure sans dire un mot sur « le moteur de transcendance », ce second concept venant compléter celui de la stratégie de fission et de fusion pour rendre compte des raisons intimes du boom et de la dépression. Le moteur de transcendance peut se définir très simplement comme l’effort des êtres humains pour donner vie à leurs visions et à leurs rêves, imaginer de nouvelles institutions centralisées, que celles-ci soient pacifiques ou coercitives, inventer de tous nouveaux symboles culturels de la cohésion du groupe.

 

Le moteur de transcendance se combine avec la stratégie de fission et de fusion pour décupler les potentialités du moteur de recherche évolutionnaire. Le boom est une période où les nouvelles visions foisonnent. Elles suscitent la transformation en profondeur de la société. La dépression est une phase au cours de laquelle les êtres humains mettent un terme à cette profusion de nouvelles visions et sombrent dans l’angoisse. Ils imaginent les pires scénarios futurs pour leur société et paniquent à l’idée qu’elle finisse un jour par imploser. Ils évaluent ce qui est en mesure de survivre à la crise et ce qui risque grandement de se laisser emporter par le tourbillon. Éventuellement, ils s’empressent d’encourager ce qui tient le choc ou ils tentent au contraire de préserver certaines institutions amenées à disparaître. Le souci prioritaire des êtres humains est désormais d’accroître les perspectives de survie du groupe et pour ce faire, ils estiment qu’il convient à tout prix de renforcer la solidarité du groupe par la mise en place d’institutions centralisées. L’opinion en vogue est que la centralisation est indispensable pour tenir le choc de la crise. Le groupe teste sa capacité à renouer avec la joie de vivre et la confiance à la faveur de sa démarche de centralisation. Il teste sa capacité à sortir de la récession.

 

La stratégie de fission et de fusion est en marche tout au long du processus. Au cours de la fission mais également au cours de la fusion, le cycle de l’insécurité fonctionne comme un moteur de transcendance. Le moment de la fission permet d’une façon qui lui est propre de générer du changement dans la société. À son tour, le moment de la fusion génère à sa manière de nouveaux changements supplémentaires. Si le groupe renoue avec son exubérance la phase de fission redémarre. Le moteur de transcendance entame alors un nouveau cycle de boom et de dépression. À chaque occurrence du cycle de l’insécurité les fluctuations de l’économie capitaliste permettent aux êtres humains d’accomplir ce qui est inconcevable dans le cas des sociétés animales : elles bouleversent l’ordre établi.

 

À suivre

 

 



[1] The Genius of the Beast, page 2

 

[2] Idem, page 22

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