The Energy Report: Pourriez-vous d’abord nous parler de ce
qui se passe aujourd’hui sur le marché du cobalt ?
Anthony Milewski: La semaine du LME a eu lieu il y a
quelques semaines à Londres. Il s’agit d’un évènement au cours duquel
producteurs et consommateurs de cobalt et d’autres métaux de base se
réunissent. Les participants viennent du monde entier – Chine, Etats-Unis,
Europe, Afrique.
Et nous assistons si je puis
dire à la saison des amours du cobalt. Ce que je veux dire pas là, c’est que
les contrats sur le cobalt sur typiquement des contrats à douze mois, bien
qu’il existe quelques variations. Beaucoup de ces contrats à douze mois sont
discutés au cours de cette semaine particulière. C’est une semaine très
importante pour les consommateurs et les producteurs, qui se réunissent pour
discuter de ce que des douze prochains mois auront en réserve pour le cobalt.
TER: Quelle a été la conclusion de cette
réunion?
AM: Ce qui a été le plus marquant a été
l’étendue de la nouvelle demande liée aux véhicules électriques. Toutes les
réunions auxquelles j’ai participé ont vu mentionné l’impact des véhicules
électriques et leur pénétration sur le marché du cobalt.
Ce dont on entend aussi beaucoup
parler, c’est de l’offre future, de la sécurité de l’offre et de sa
provenance, et de la capacité de l’offre à satisfaire la demande qui arrive
sur le marché et continuera d’affluer ces prochaines années.
Et puis il y a aussi des
questions éthiques quant au cobalt en provenance du Congo, et des discussions
relatives aux mesures prises pour éviter que le cobalt issu de zones de
conflit n’arrive pas dans les chaines d’approvisionnement. Tout le cobalt
congolais n’est pas égal. Il y a d’excellents producteurs dans le pays, comme
Glencore International Plc (GLEN:LSE), qui produisent un métal de haute
qualité et digne de confiance. Les problèmes associés au cobalt issu de zones
de conflit sont en revanche liés aux exploitations minières artisanales.
TER: Revenons-en à ce que vous avez dit en
premier, au sujet des véhicules électriques. La croissance de l’importance
des véhicules électriques est-elle le facteur principal derrière la demande
projetée en cobalt ?
AM: Ce marché, jusqu’il y a très peu de
temps, enregistrait une croissance modeste. Les industries des superalliages
ont enregistré une croissance de 7 à 8% sur un an. Mais en raison du
développement des véhicules électriques ces dernières années, nous avons pu
nous faire une idée de ce à quoi pourrait ressembler l’avenir du cobalt. Pour
donner de la perspective à tout cela, le marché dispose aujourd’hui de
100.000 tonnes de cobalt. Si vous croyez, comme beaucoup, que la pénétration
des véhicules électriques sera de 8 à 12% d’ici à 2025, nous aurons besoin de
quelque chose comme 200.000 tonnes de cobalt rien que pour satisfaire le
marché des véhicules électriques. En d’autres termes, cette nouvelle demande
est très importante, et aura un profond impact sur l’industrie.
On entend aujourd’hui parler de modification
chimique des nouvelles batteries. Mais nous percevons aujourd’hui un très
gros impact pour l’adoption et les ventes de véhicules électriques sur
l’industrie.
TER: Pouvez-vous nous en dire plus quant à ce
qui se passe dans le domaine des batteries, sur la manière dont la Chine se
tourne peu à peu des batteries à l’ion de lithium en faveur de batteries au
nickel-manganèse-cobalt, et de ce que cette transition signifie pour le
cobalt ?
AM: Tout est question de distance parcourue.
Les batteries à l’ion de lithium permettent de parcourir des distances de 50
à 80 kilomètres. Les nouvelles batteries peuvent permettre de parcourir, dans
certains cas, jusqu’à 600 kilomètres. Cette transition concerne donc
principalement les préférences des consommateurs, qui ont tendance à
rechercher un véhicule capable de se rendre dans tous les endroits où ils ont
besoin d’aller dans une seule journée. Une majorité des automobilistes ont
aujourd’hui des besoins quotidiens en déplacement plus important que ce que
peuvent offrir les batteries à l’ion de lithium.
Cette transition permet
d’augmenter la distance pouvant être parcourue par ces véhicules, et fera
certainement accélérer le rythme d’adoption des véhicules électriques, qui
sont de plus en plus adaptés à notre mode de vie actuel. En d’autres termes,
un véhicule électrique pourra être rechargé alors que vous serez au lit, la
nuit. Et vous n’en serez pas impacté, parce qu’une recharge de batterie est
suffisante pour vos besoins quotidiens. Vous pourriez même utiliser votre
voiture plusieurs jours sans avoir besoin de la recharger.
TER: Et ces nouvelles batteries utilisent de
grosses quantités de cobalt ?
AM: Il en existe aujourd’hui deux types. Il
y a les batteries nickel-manganèse-cobalt, qui sont les plus utilisées sur le
marché, et les batteries nickel-cobalt-aluminium, préférées par Tesla Motors
Inc. (TSLA:NASDAQ). Le contenu en cobalt de ces batteries varie dépendamment
du véhicule. Pensez à une batterie comme à un moteur. Avez-vous un V-6, un
V-8 ou un turbo ? Il existe des batteries de différentes tailles et de différentes
densités.
Mais le facteur le plus
important ici, c’est le ratio. Le ratio nickel-manganèse-cobalt est de 6/2/2,
6 parts de nickel, 2 parts de manganèse, et 2 parts de cobalt. La prochaine
génération de batteries, qui arrivera dans deux à quatre ans, sera composée
de 8 parts de nickel, une part de manganèse et une part de cobalt.
TER: J’aimerais en revenir à quelque chose
que vous avez dit un peu plus tôt, au sujet de la sécurité de l’offre. Que se
passe-t-il avec l’offre de cobalt et le cobalt du Congo, et que cela
signifie-t-il pour Cobalt 27 Capital Corp. (KBLT:TSX.V; CBLLF:OTC; 27O:FSE)
?
AM: Ce qu’il faut retenir à propos du Congo,
c’est que le cobalt que contient votre véhicule électrique ou même votre
téléphone portable, a été produit au Congo de manière équitable. Plus de la
moitié de l’offre globale de cobalt provient du Congo.
Si vous achetez à un gros
producteur, comme Glencore, vous n’avez pas de souci à vous faire. Mais ce
qui pose problème, ce sont par exemple les allégations selon lesquelles
certaines sociétés chinoises achètent du métal artisanal, qui termine
ultimement dans des batteries.
L’industrie prend aujourd’hui
des mesures pour faire face au problème. Ce que j’ai pu observer ces
dernières années, c’est que les plus gros fabricants automobiles du monde ont
désormais une ou deux personnes chargées uniquement de s’assurer de la
provenance de leur cobalt, et à ce que le métal d’origine non-éthique ne
termine pas dans les chaines d’approvisionnement.
Il est intéressant de souligner
que les fabricants automobiles ne fabriquent pas les batteries qu’ils
utilisent. Des sociétés comme Panasonic Corp. (6752:TYO) se chargent de la
fabrication des batteries qui terminent dans les véhicules électriques. C’est
pourtant les sociétés automobiles qui vous vendent leurs véhicules qui se
chargent de vérifier la provenance du métal utilisé dans les batteries. Je
crois que des fabricants de batteries le font aussi. Il y a aussi des équipes
déployées sur place, au Congo. L’industrie toute entière se mobilise.
TER: Votre société est entrée en bourse sur
le TSX Venture Exchange en juin. Pouvez-vous nous en dire plus à son
sujet ?
AM: Ayant moi-même fait l’expérience du
marché haussier de l’uranium – et de l’uranium, qui était différent à bien
des égards, notamment du fait qu’il était difficile d’investir directement
sur la marchandise physique – et ayant fait l’expérience de la rareté de
l’offre, j’ai réfléchi à la meilleure manière de m’impliquer sur le marché du
cobalt.
Nous avons parlé des véhicules
électriques. Il y a quelques années, je me suis dit qu’elles seraient un jour
adoptées en masse, et qu’il m’était nécessaire de comprendre comment cette
adoption affecterait les matériaux de base. Mais j’ai aussi compris que son
impact sur ces matériaux se produirait à un taux de pénétration varié. Ce que
cela signifie, c’est que les véhicules électriques vont ultimement impacter
le cuivre, mais qu’il nous faudra pour ça encore attendre cinq ou six ans,
parce que la pénétration des véhicules électriques n’est pour le moment pas
suffisante.
En revanche, pour ce qui
concerne le cobalt, l’impact en sera immédiat et exponentiel. C’est pour cela
que j’ai cherché à m’investir sur son marché. Je me suis immédiatement rendu
compte que jouer sur ce marché était quasiment impossible. Certaines grosses
sociétés utilisent un petit pourcentage de leurs bénéfices avant intérêts,
taxes, impôts et amortissements pour négocier du cobalt. Mais ça n’a pas
fonctionné pour nous. Les sociétés d’exploration n’ont pour beaucoup pas
satisfait notre profile risque, c’est-à-dire le risque binaire lié aux
activités d’exploration.
Nous avons donc eu l’idée de
marier un véhicule de type Uranium Participation Corp. (U:TSX) à l’innovation
technologique de Wheaton Precious Metals Corp. (WPM:TSX; WPM:NYSE) ; afin de
créer une sorte d’hybride soutenue par le cobalt physique et qui tirerait sa
croissance d’importantes transactions de streaming.
TER: Vous possédez actuellement 2.000 tonnes
de cobalt physique et un portefeuille de redevances et de streams, c’est
correct ?
AM: Nous avons 2.160 tonnes de cobalt, soit
si je ne m’abuse la plus grosse position globale sur le cobalt, exception
faite des réserves stratégiques du gouvernement chinois. Nous avons quelques
redevances. Je les perçois comme des options. Nous avons une stratégie de
croissance qui se concentre sur les grosses transactions de streaming.
TER: Pouvez-vous nous en dire plus sur les redevances
minières que vous avez, et la manière dont vous prévoyez d’en acquérir de
nouvelles ?
AM: Les redevances et streams que nous
possédons aujourd’hui sont des projets qui n’en sont qu’à leurs débuts. Mais
notre stratégie, à partir de maintenant, sera d’investir dans des actifs
producteurs, des actifs de long terme, qui produisent d’ores et déjà du
cobalt et pourront fournir du métal à notre société dans le futur, ainsi
qu’ajouter à notre capitalisation boursière et à nos bilans. Notre société se
concentre sur l’exécution de son plan d’affaires, et son plan d’affaires
inclue les transactions de streaming.
TER: Quand vous avez intégré le marché
bousier en juin dernier, vous avez complété une émission publique de 200
millions de dollars. Vous avez récemment déposé un prospectus préalable de 300
millions de dollars. Qu’est-ce que tout cela signifie ?
AM: Comme nous venons de le voir, notre
stratégie est une stratégie de croissance. Comme pour toute stratégie de
croissance, il est nécessaire de lever du capital. Une structure de capital
responsable inclue un prospectus préalable, qui permet d’agir rapidement dès
que des opportunités se présentent. Ce prospectus est en place afin que notre
société soit capable d’agir dans le cadre de n’importe quelle transaction de
streaming susceptible de se présenter.
TER: Pouvez-vous nous en dire plus quant à
l’équipe de direction de Cobalt 27 ?
AM: Justin Cochrane en est le président et
directeur des activités scientifiques. Il se charge depuis le début des
opérations de streaming. Il a travaillé pendant une décennie pour une banque
d’investissement au Canada, avant d’être employé par Standstorm Gold Ltd.
(SSL:TSX; SAND:NYSE.MKT) dans le cadre de l’équipe de développement de la
société. Sandstorm est une société de streaming et de redevances. Il a
effectué quelque chose comme 40 à 50 transactions de streaming, pour des
sommes substantielles. Il est perçu comme un expert de son secteur, et a une
valeur inestimable pour notre compagnie.
Nick French est un directeur. Il
est probablement l’un des plus gros négociants de cobalt du monde, et est
connu depuis vingt ans. Il sait comment fonctionne le marché, et comprend
parfaitement l’environnement commercial.
Je suis directeur et PDG. J’ai
passé le plus gros de ma carrière dans les fonds miniers. J’ai participé à de
nombreuses transactions. Et je suis capable de créer de la valeur pour les
actionnaires au travers de mes talents d’investisseur.
J’aimerais aussi souligner que
nous avons un directoire indépendant. L’un de nos membres, Frank Estergaard,
est partenaire de KPMG depuis 37 ans. Nous avons aussi des gens comme John
Kanellitsas de chez Lithium Americas Corp. (LAC:TSX; LHMAF:OTCQX), Jon
Hykawy, un analyste très connu, et Nick French, qui compte parmi nos
directeurs.
Nous avons également un conseil
consultatif sophistiqué, qui inclut entre autres le Dr. Prabhakar Patil,
ancien PDG de LG Chem Ltd. (051910:KSE; 051915:KSE; LGCLF:OTCPK), ainsi que Ted
Miller, membre de l’équipe de développement de batteries de Ford Motor Co.
(F:NYSE). Nous avons recruté des spécialistes de l’industrie des batteries,
et si nous avons une quelconque question quant à un gisement de nickel latéritique,
dont le cobalt est souvent un sous-produit, nous la posons directement à Phil
Day. Il est considéré comme un expert du nickel, et compte parmi les membres
de notre conseil consultatif. Si quelqu’un me pose une question quant à une
batterie, je la transmets au Dr. Patil.
TER: Y-a-t’il des catalyseurs de court ou
moyen terme que les investisseurs devraient observer ?
AM: J’observerais le prix du cobalt. Je
regarderais ce que font les grosses sociétés automobiles. Je suivrais les
annonces faites quant à ce nouveau modèle de transport et aux ventes de
véhicules électriques, parce que ce sont là des indicateurs fiables pour le
cobalt. Vous pourriez tirer profit de telles observations, parce que des
annonces pourraient être publiées avant une grosse avancée de prix sur le
marché du cobalt. Quand le prix du cobalt monte, nos actions en sont
impactées, et nous finissons par grimper. Si vous disposez d’une information
qui vous offre un aperçu de ce qui se passera en termes de taux d’adoption
des véhicules électriques, alors vous disposez d’une base qui vous permettra
d’observer le marché du cobalt dans son ensemble, qui ultimement aura des
répercussions sur nos actions.
TER: Merci pour votre participation, Anthony.
Anthony Milewski, directeur de Cobalt 27 Capital Corp., a
beaucoup d’expérience dans l’industrie minière, en tant que directeur,
conseiller, fondateur et investisseur. Il a été très actif dans
l’industrie des métaux utilisés dans la fabrication de batteries, dont le
cobalt, et est aujourd’hui un négociant de cobalt.