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Le 6
mars puis le 19
mai, je m'interrogeais sur la différence entre la
croissance " officielle" et la croissance réelle des
pays ayant connu une bulle immobilière et dont le chiffre de l'inflation
ne prend en compte que l'évolution de "loyers
équivalents", au premier rang desquels, évidemment, les
USA.
Une nouvelle
tentative de recalcul du CPI
Un ancien
économiste en banque d'affaires, Whitney Ross, a tenté
d'estimer, à partir des chiffres officiels de l'index Case Schiller,
et de la variation officielle de la pondération des prix immobiliers
dans l'indice des prix (CPI), quel
aurait été cet indice des prix si
l'immobilier avait été correctement pris en compte.
Certes, sa
démarche comporte des imprécisions dont il est conscient:
l'index de Case Schiller n'est pas représentatif de toute
l'Amérique. Il prend en compte 16 agglomérations très
bullaires sur 20, mais ignore Houston (non bullaire) ainsi qu'un grand nombre
de marchés américains de taille intermédiaire qui n'ont
pas connu de bulle, mes
lecteurs savent pourquoi depuis longtemps.
Si ce biais tend
à fournir un chiffre "corrigé" surestimé,
l'auteur estime qu'un second biais sous estime cette inflation réelle:
faute d'avoir pu la réévaluer, il a conservé dans son
calcul indiciel la même pondération de l'immobilier que l'indice
officiel, alors qu'à l'évidence, l'augmentation du coût
de l'immobilier a augmenté la part de ce poste de dépense dans
les comptes des ménages acheteurs.
Ces deux biais ce
compensent-ils ? Je ne le crois pas, je pense que le biais
"sur-estimatif" (lié à la définition trop
étroite de l'index de Case-Schiller) est supérieur au biais
"sous-estimatif". En effet, la part hors index de la middle America qui n'a
pas été touchée par la Bulle représente tout de
même 66% de la population. Ceci dit, l'index de W. Ross est
certainement beaucoup plus proche de la réalité que l'indice
CPI officiel, et reflète certainement très bien la situation de
l'économie dans les grandes aires urbaines "bullaires", qui
concentrent tout de même près du quart de la population.
Il ne faut donc
pas considérer les tableaux qui suivent comme la vérité
absolue à la décimale près, mais comme
révélateurs d'une tendance tout de même très
nette.
Voici tout
d'abord le tableau comparatif de l'indice officiel des prix et l'indice
corrigé établi par W. Ross:
L'on voit que la différence entre inflation officielle et inflation
corrigée de l'immobilier est considérable.
J'ai
ajouté à ce graphe, à
partir des chiffres du FMI, la courbe
d'évolution du PIB courant américain jusqu'en 2007 (2008 pas encore disponible sur le
site du FMI), en conservant l'indice 100 en l'an 2000, avec les
moyens du bord (je suis
un info-graphiste déplorable...).
Saisissant, non ?
En admettant que les biais exposés plus haut soient relativement
faibles, nous arrivons à la conclusion que la croissance courante du
PIB a en gros accompagné l'inflation, et donc que la croissance
réelle du PIB a été quasi nulle entre 2000 et 2007, et
non, comme l'indiquent les chiffres officiels du FMI (cette fois ci à
prix constants), de 21%.
Nous avons
presque tous, et moi le premier, été aveuglés par les
chiffres officiels délivrés par les instituts
économiques des différents pays concernés, notamment
américains, et avons cru que la croissance y était
réelle. Victimes de ce que j'ai appelé le
syndrôme de Laffer (en rapport à son
débat télévisé de 2006 contre Peter schiff), nous
avons tout simplement oublié les enseignements de nos ancêtres
autrichiens, qui nous ont appris que la vraie crise se forme pendant les années
d'expansion abusive du crédit par les banques centrales, bien avant
l'éclatement des bulles. La correction immobilière des indices
de prix ne fait que montrer à quel point les créations de
valeurs enregistrées pendant les années bulle étaient en
grande partie artificielles.
Quelques
leçons complémentaires
En admettant que la croissance réelle du PIB américain ait
été effectivement nulle ou en tout cas très proche de
zéro depuis 2000, l'on peut déduire que :
- L'ampleur du
mal-investissement permis par les différentes distorsion du
marché du crédit opérées par la puissance
publique -- et
copieusement documentées ici (modèle US du
crédit), ici (accords de bâle), et là (Greenspan)
-- a été considérable, et que le solde net
des bons et mauvais investissements effectués durant cette
période est proche de zéro. Une décennie
d'investissement a été perdue, et une autre tout aussi
noire s'annonce.
- L'économie
"moyenne" n'étant que l'agrégation des
résultats positifs des uns et négatifs des autres, une
croissance quasi nulle pendant toutes les années bullaires
signifie que tous ceux qui n'ont pas fait partie des gagnants -- lesquels sont les
déstockeurs nets d'immobiliers, les détenteurs de terrain
opportunément devenus constructibles, ou les
bénéficiaires nets de l'emballement de la machine à
crédit -- c'est à dire la plupart des
ménages américains, ont perdu en pouvoir d'achat entre
2000 et 2007. Simplement, cette perte a été masquée
par l'expansion artificielle du crédit, et elle ne se matérialise
dans les comptes des ménages que maintenant.
- Bref, les politiques
d'expansion artificielles du crédit, et notamment du crédit
pour l'accession à la propriété,
censées étendre le pouvoir d'achat des classes moyennes et
basses, l'ont en fait saccagé. Le crédit facile, c'est
l'héroïne du peuple.
Voilà sans
doute pourquoi les pseudo-économistes qui conseillent MM. Obama, Brown
ou Sarkozy, et les banquiers centraux qui gèrent nos monnaies,
insistent sur la nécessité de relancer l'expansion artificielle
du crédit pour relancer l'économie ! (soupir de lassitude...)
La crise actuelle
valide par l'expérience ô combien malheureuse la justesse des
thèses de Mises et de Hayek sur la monnaie et le crédit.
Seul le retour vers une
société de l'épargne et du capital
ramènera une croissance réelle, saine et durable.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard,
ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek
(Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog
"Objectif Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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