Voici une excellente analyse de notre ami Charles Gave.
Trump est un président américain. Il est LE président des intérêts
américains. Toutes ses ambitions sont affichées et clairement annoncées. Il
veut mettre fin à la mondialisation et veut changer profondément les règles
du jeu. La raison est simple : les États-Unis ne sont plus que l’ombre
d’eux-mêmes.
Pour faire l’Amérique « great again », Trump devra détruire les
autres. Il s’y applique avec attention et acharnement.
Certains me pensent pro-Trump. Ne vous méprenez pas. La politique de Trump
heurtera frontalement les intérêts de notre pays.
Trump est un souverainiste. Il a raison de l’être et protège les intérêts
de sa nation.
Ce n’est pas lui qui a tort.
C’est nous, qui abandonnons notre propre capacité à décider de notre
avenir.
N’oubliez jamais : si ce n’est pas vous qui décidez pour votre avenir,
alors ce sera les autres, non pas en fonction de vos intérêts, mais des
leurs.
La souveraineté n’est pas un gros mot. La souveraineté est la quintessence
même de ce qui fait une nation.
La souveraineté n’a rien à voir avec le nationalisme ou le racisme, le
rejet ou la xénophobie. Il est même possible de penser que les tensions
internes qui tiraillent notre pays seraient apaisées si nous avions plus de
souveraineté et de marge de manœuvre pour régler nos problèmes.
Enfin, je partage la prévision de Gave. Trump va gagner les élections de
mi-mandat, et il va accélérer ses réformes et les changements avec cette
nouvelle légitimité démocratique, que cela plaise ou non.
Je suis bien embêté et le responsable est monsieur Trump. Je
m’explique.
Theodore Roosevelt, le président US qui me rappelle le plus Donald Trump,
avait coutume de dire que la diplomatie était chose facile : il fallait
parler doucement et se balader avec une grosse massue. Monsieur Trump, quant
à lui, parle très fort et distribue des coups de massue à droite et à gauche
avec beaucoup d’abandon. À l’évidence, il veut foutre en l’air le cauchemar
globaliste de Georges Soros et chacun peut voir qu’il y prend un grand
plaisir.
Nous sommes en effet en train de changer de monde : jusqu’à monsieur
Trump, nous vivions sur la croyance que les USA étaient une sorte de gentil «
Hégémon » dont le rôle principal était de maintenir leur prééminence «
diplomatique et culturelle » en acceptant de passer et de respecter des
accords de coopération économique qui pouvaient parfois leur être
défavorables, mais le mythe restait que ce qui était bon pour la
globalisation était bon « in fine » pour les USA. Avec le nouveau président,
tout cela est fini. Ses slogans « America first » ou « Make America great
again” l’annoncent crûment. Le but de la nouvelle administration est de
transformer l’ordre mondial pour qu’à nouveau, il soit d’abord favorable à
l’économie américaine et donc aux entreprises qui produisent aux USA, car il
n’a guère de sympathie pour les « multinationales ». Et il a décidé à
l’évidence de se servir de toutes les armes dont les USA disposent, à
l’exception peut-être des forces armées, ce qui est déjà un gros progrès sur
ses prédécesseurs. Que le lecteur en juge en gardant en mémoire que le
Président Trump a un but et un seul : faire monter la rentabilité des
entreprises produisant sur le sol américain.
Par exemple :
Le fameux Traité de Paris (qui n’en était pas un puisqu’il n’avait pas été
entériné par le Sénat des États-Unis) imposait des obligations gigantesques
aux États-Unis, mais aucune à la Chine et à l’Inde, il en sort. Monsieur
Erdogan met en prison un pasteur américain et ne veut pas le libérer ? Fort
bien, la Turquie n’aura plus accès au dollar et du coup s’effondre
économiquement. Le Président Obama avait signé un accord complètement idiot
avec l’Iran ? Il l’annule et fait savoir que tous ceux qui commerceront avec
ce pays ne commerceront plus avec les USA, et l’Europe de se coucher, en
glapissant beaucoup cependant. Le principe est toujours le même : ou vous
obéissez, ou le marché américain et l’accès au dollar vous sont fermés. Si
quelqu’un a besoin de l’aide des USA, il doit donc venir la casquette à la
main faire allégeance publique au suzerain et son cas sera peut-être examiné
avec bienveillance.
Dans cet esprit, l’accès au dollar est rendu de plus en plus difficile et des
garanties juridiques doivent être données par tous ceux qui se servent du
dollar telles qu’une acceptation totale de la prééminence du droit américain
sur tout autre droit dès que le dollar est utilisé. Ainsi, les accords de
paiement internationaux qui passent tous par Swift (le système de paiement
international de droit belge) sont forcés de suivre les diktats de Washington
puisqu’une grosse partie des paiements ont lieu en dollar. Et donc, ou vous
obéissez, ou vous ne faites plus de commerce international, voilà qui est
simple.
La protection militaire que les USA offraient à titre gratuit à nombre de
pays, en particulier en Europe, va soit cesser, soit devenir payante. Pour la
protection de l’Europe, monsieur Trump aurait demandé à la chancelière
allemande environ $ 300 milliards par an de « tribut » … Elle aurait répondu
que l’on ne discutait pas d’argent entre amis, ce à quoi le Président US
aurait rétorqué qu’elle n’était pas son amie… Ambiance…
Depuis des lustres, les USA vivent au-dessus de leurs moyens grâce au fameux
privilège impérial qui leur permettait de payer leurs importations en donnant
des billets verts plutôt qu’en donnant des marchandises, ce qui permettait à
toute une série de pays du type de l’Allemagne de rester mercantilistes, en
vivant en dessous de leurs moyens. Ce qui contribuait à la
désindustrialisation des États-Unis. Trump leur fait savoir que s’ils ont
besoin d’une demande pour acheter leurs produits, ils n’ont qu’à la créer
eux-mêmes et qu’à partir de maintenant, la demande américaine sera servie par
des sociétés produisant aux USA, et voilà tout. Ce qui veut dire que les pays
mercantilistes du style de l’Allemagne sont mal partis et vont devoir faire
face à une forte baisse de la rentabilité de leurs sociétés, sauf bien
entendu s’ils bâtissent à toute allure des usines aux USA.
Comme le lecteur peut s’en rendre compte, tout cela n’a rien à voir avec la «
globalisation heureuse » de ce cher Attali. Le « parrain » est de retour et
impose sa loi, sans considération aucune pour les états d’âme de ses vassaux.
On est passé de tout ce qui est bon pour la globalisation est bon pour les
États-Unis à : les USA vont mettre en œuvre ce qui est bon pour les USA et
tant pis pour le reste du monde. Voilà qui a le mérite d’être clair. Je ne
dis pas que c’est bien ou c’est mal. Je dis simplement « telle est la
nouvelle réalité ». Inutile de dire que les hommes de Davos sont ivres de
rage… Mais du coup, cela rappelle à tout un nombre de pays qu’il existe une
réalité essentielle en sciences politiques qui s’appelle la « souveraineté ».
(C’est la notion que le Président Macron déteste entre toutes. Ceux qui la
soutiennent, d’après lui, sont atteints de « la lèpre » et « veulent la
guerre ». Pauvre homme qui à l’évidence est totalement dépassé.)
« Les Nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts », disait de
Gaulle. Et du coup, un certain nombre de dirigeants qui ont cru aux promesses
des Oints du Seigneur se retrouvent sans armée, sans indépendance financière,
monétaire ou économique, ayant vendu leur droit d’aînesse pour un plat de
lentilles.
Et donc le monde va se scinder en trois parties dont les formes se
dessinent déjà.
L’Hégémon et ses vassaux…
Les pays qui ont préservé une certaine souveraineté et qui vont s’organiser
entre eux : Chine, Russie, Asie du Nord et du Sud-Est.
L’Europe de l’Euro qui n’a plus ni armée, ni indépendance économique et financière,
ni même une volonté d’exister et qui ne peut pas répondre au nouveau défi,
empêtrée qu’elle est dans l’euro. (Je m’explique plus bas.)
Commençons par les USA : je n’ai pas le moindre doute que si les républicains
l’emportent aux élections de novembre, alors le durcissement américain
augmentera de façon très forte et très violente.
Venons-en à l’Asie. Pour moi, il est évident que la Chine a vu le coup
arriver et s’est préparée en conséquence. Ce que va faire la Chine est assez
simple : elle va laisser fluctuer sa monnaie vis-à-vis du dollar tout en la
faisant monter vis-à-vis des autres monnaies asiatiques. Le but de cette
manœuvre est tout simple : elle dit aux pays d’Asie « ça va devenir
difficile de vendre aux USA, et donc venez vendre chez moi ».
En même temps, elle va dire à l’Australie (charbon) à la Russie et à
l’Iran (pétrole) : cessez de vendre vos matières premières en dollars, qui
peuvent être bloqués par les États-Unis à tout moment si vous leur déplaisez
et vendez-les-moi en yuans, la monnaie chinoise. Et si du coup vous avez trop
de yuans, je vous les change contre de l’or par l’intermédiaire des marchés
de Hong Kong que j’ai organisé pour cela. Et d’ailleurs, si vous avez besoin
de prêts pour développer vos infrastructures, il vous suffira de demander et
on s’occupera de tout. Déjà, les monnaies asiatiques suivent comme leur ombre
la monnaie chinoise, et ce depuis 2009, et le marché obligataire chinois a
été ouvert aux étrangers, ce qui permettra d’investir les excédents d’épargne
de ces pays tout en se constituant des réserves de change dans la monnaie du
pays dominant dans leur zone.
Passons à l’Europe. Logiquement, c’est le moment où les Allemands
devraient massivement réévaluer leur monnaie (ils ont des excédents de leur
commerce extérieur équivalant à 9 % de leur PIB, ce qui est insensé). Ce
faisant, ils rendraient à nouveau compétitifs les appareils industriels
français, italiens, belges ou espagnols tout en favorisant leurs propres
consommateurs, ce qui permettrait à ces pays de redevenir indépendants et
souverains vis-à-vis des USA et donc de contrer monsieur Trump. Bien entendu,
rien de tout cela ne peut se produire puisque nous avons l’euro et donc
l’Allemagne ne peut réévaluer.
Mais alors, peut-être l’euro, dans son ensemble, devrait-il dévaluer pour
sauver les économies du Sud ? Impossible, puisque cela serait une vraie
déclaration de guerre de la part de l’Allemagne aux USA, que les entreprises
allemandes sont dépendantes de Swift et que l’armée allemande n’existe plus.
La bonne nouvelle est qu’un certain nombre de pays en Europe ne sont pas dans
l’euro et ont gardé leur souveraineté monétaire, je veux parler de la Grande-
Bretagne, de la Suisse et de la Suède. Ces pays se sont déjà autorisés à
dévaluer leurs monnaies, préservant ainsi leur compétitivité industrielle, ce
qui ne fera qu’accélérer la chute des pays du Sud et l’effondrement de leurs
économies, puisqu’en plus d’être non compétitifs vis-à-vis de l’Allemagne et
des pays asiatiques, ces pays vont se retrouver non compétitifs également
contre la Suède, la Suisse et la Grande-Bretagne. …
Et encore bravo aux concepteurs de l’euro.
Terminons avec les perspectives financières qui ne seront que le résultat
de ces mouvements qui semblent inarrêtables, sauf si le Président US souffrait
d’une défaite importante lors des élections de novembre de la part des
mondialistes, ce que je crois peu probable.
Voici les grandes lignes autour desquelles pourrait s’organiser un
portefeuille.
Les risques de rupture en Europe sont en train de s’aggraver de façon
évidente (cf. Turquie et Italie), ce qui veut dire qu’il ne faut avoir aucune
obligation dans la zone euro qui sera le centre du maelstrom. Cette part
obligataire doit être remplacée par du cash en dollars, en yens, en livres
sterling et en couronnes suédoises. Elle devrait représenter environ 1/3 du
portefeuille, ce qui fournira le capital nécessaire lorsqu’il faudra racheter
en Europe après ou pendant la crise.
Cinquante pour cent des positions devraient être en Asie, une moitié en obligations
du gouvernement chinois et l’autre moitié dans un indice représentant les
actions en Asie et cet indice devra comprendre le Japon.
Le reste sera en cash en dollars ou en obligations très courtes du
gouvernement US.
Il s’agit là d’un portefeuille extraordinairement défensif, sans doute aucun
le plus défensif que j’ai recommandé depuis le début de ces chroniques.
Pour conclure : afin d’être parfaitement honnête, les actions du Président
Trump m’ont surpris par leur violence et il me semble évident qu’il est
déterminé à rétablir un ordre mondial qui soit beaucoup moins favorable à
Wall Street et beaucoup plus favorable aux petites gens aux USA. Si les
élections lui sont favorables en novembre, les pressions vont s’accentuer.
Cela ne peut pas ne pas engendrer une casse considérable et le coup est
parti.
Aux abris donc… Trump veut se payer les hommes de Davos et ça va faire
mal.