Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Le titre de cet Edito est un clin d’œil à celles et
ceux qui n’ont pas manqué de m’accuser de «
germanophobie » lorsque j’ai eu l’outrecuidance «
d’accuser l’Allemagne » ce qui m’a valu un courrier
nourri.
Soyons clair, la politique d’austérité
dictée par l’Allemagne, car elle est dictée par
l’Allemagne, ne serait pas aussi violente en Europe si chaque pays
disposait de sa monnaie. Peu importe que cela soit une bonne ou une mauvaise
idée, peu importe que l’on soit pour ou contre la
réduction de l’état providence. Il y a des faits et les
faits ont la tête dure. Le premier ? On ne peut pas passer du tout
« solidarité » au tout « responsabilisation »
personnelle sans sas de décompression, sans préparation des
esprits. Le deuxième ? Tout changement trop rapide est très
destructeur pour le tissu social. Le troisième ? Nos pays
européens ont une structure très différentes et
l’Allemagne, la France, l’Italie ou l’Espagne ont des
problèmes qui ne sont pas identiques ou des fragilités qui ne
sont pas les mêmes.
Ce que j’ai dit sur la monnaie unique qui reste une très
belle idée, c’est que l’euro est une construction
politique pas une construction économique. Ce que je dis de nombreux
allemands le pensent tout bas depuis bien longtemps. Des voix
d’ailleurs s’élèvent outre Rhin pour
défendre le même point de vue.
Accuser l’Allemagne n’est pas accuser les allemands. Cela
n’a rien à voir. Mais il ne faut oublier ni l’histoire, ni
les enchaînements dramatiques auxquels nous assistons. Certains se
réjouiront des difficultés françaises, encenseront
l’Allemagne en disant que finalement nous n’avons
qu’à faire pareil. Mais on ne peut pas faire pareil. Ce
n’est pas possible et ceux qui le croient se trompent lourdement.
Alors aujourd’hui je ne titre pas « J’accuse
l’Allemagne », mais « Vive l’Allemagne » et pas
les allemands !!
Pourquoi ?
Parce qu’un membre important de la CDU a parlé
La CDU c’est le parti d’Angela Merkel
qui je le rappelle est la Chancelière d’Allemagne et pas
d’Europe. Elle est le chef d’un Etat dont elle a à juste
titre à cœur les intérêts nationaux.
De la même façon que l’engouement autour de
l’élection d’Obama était excessif dans la mesure
où Obama ne sera jamais le Président du Monde mais restera le
Président des Etats-Unis d’Amérique, Angela Merkel n’est pas la mère de l’Europe,
ce qui ne l’empêche pas justement de devenir une mère la
rigueur, en dehors de tout mandat.
Cette rigueur est indispensable pour préserver les
intérêts monétaires allemands. C’est
l’intérêt de l’Allemagne de l’imposer au reste
de l’Europe pour sauver ce qu’elle appelle sans hésiter sa
monnaie l’euro. Dans l’esprit des dirigeants allemands,
l’euro est allemand, jusque dans la localisation de la Banque Centrale
Européenne à Francfort.
Alors que
vient-il de dire cet allemand de la CDU ? La même chose que moi.
Klaus-Peter Willsch CDU « Si nous ne
réussissons pas à convaincre la majorité de la
population d'un pays à tenir ses engagements relatifs au bon fonctionnement
de la monnaie unique alors vous ne pouvez pas appeler de l'extérieur
à de nouvelles élections, mais à quitter la monnaie
unique pour retourner à sa propre monnaie. »
Pour lui ce message est essentiel : « la zone euro doit
être ouverte au changement. Si nous voulons revenir à une
coexistence pacifique et respectueuse en Europe et prendre
l'auto-détermination du peuple au sérieux, nous devons en finir
avec l'idéologie euro-européenne. Une union monétaire ne
survivra que si elle profite à l'ensemble de ses membres. »
Avouez que ce n’est pas rien tout de même comme
déclarations. C’est simple, clair et limpide. Néanmoins
économiquement je maintiens que le plus simple et le plus
élégant serait que ce soit les allemands qui reprennent leur
souveraineté monétaire et laissent les pays latins gérer
ce qu'il restera de l’euro comme bon leur semble.
Mais ce n’est pas tout. L'expert financier du groupe
parlementaire FDP, Frank Schaeffler a plaidé
lui aussi pour une sortie de l'Italie de la zone euro. Pour lui «
est-ce que l'euro va survivre ? Il doit devenir une monnaie de respiration.
Les membres qui ne le supportent pas économiquement ou non, doivent
quitter le club de la monnaie unique. En dernier recours, il doit
également être possible d'exclure les pécheurs, s'ils
abusent de la solidarité permanente de tous. »
Le
débat n’est pas d’être pour ou contre l’euro
mais de savoir si cette union monétaire est tenable.
C’est un débat politiquement et économiquement
passionnant. Que nous enseigne l’histoire ? Les détenteurs ou
passionnés par l’or savent qu’au début du
siècle dernier nous avions mis sur pieds la première union
monétaire européenne moderne. L’Union Latine.
Cette Union monétaire s’est fracassée sur les
difficultés économiques de plusieurs pays aux économies
divergentes (comme quoi il n’y a pas grand-chose de nouveaux sous le
soleil), puis a définitivement explosée avec la première
guerre mondiale (14-18).
Cela n’avait pas fonctionné. Globalement pour des raisons
identiques à ce qu’il se passe aujourd’hui. Pourtant
l’Union Latine était une construction bien plus
économique que celle de l’euro actuel.
Alors l’euro est-il sauvé comme le disait
récemment notre Président de la République ? Il
n’est pas encore mort mais sa pérennité n’est pas
pour autant assurée non plus. On peut même dire qu'après
la rémission l’horizon de la monnaie s’obscurcit de
nouveau.
Une
tempête arrive
Malgré les dénégations qui ressemblent plus
à des incantations du Président italien Giorgio Napolitano c’est bien une tempête qui semble
à nouveau s’annoncer sur l’Europe.
Pour Napolitano, il n’y a pas de
problème, tout va très bien. « Pour être
contagieux, vous devez tout d'abord tomber malade et l’Italie n'est pas
malade ». C’est vrai qu’avec 127% de dette sur PIB, et une
dette qui continue à augmenter malgré la « brillante
» politique menée par Mario Monti, l’Italie est en
excellente santé (c’est ironique bien évidemment) !
Pour Beppe Grillo l’Italie a un problème de dette
telle qu'elle ne pourra jamais être remboursée
Beppe Grillo est le vainqueur surprise des
élections italiennes. Qualifié partout en Europe de «
populiste » force est de constater que les partis italiens
prônant la sortie pure et simple de l’euro ont recueilli la
majorité des voix en Italie.
Les peuples ne se trompent pas. Les peuples d’Europe ne veulent
plus de cette Europe ni de cette monnaie unique. Cela ne date pas
d’hier. En France en 2005, le projet de constitution avait
été rejeté, bien qu'il soit revenu par la fenêtre
de façon profondément antidémocratique sous la forme du
Traité de Lisbonne.
Alors pour Beppe Grillo, cet horrible
« populiste », la situation est assez simple. Le système
des vieux partis politiques italiens est au bord de l’effondrement et
il ne donne pas plus de six mois avant qu'il y ait de nouvelles
élections qui seront remportées par des partis alternatifs.
Je pense qu'il a raison pour l’Italie, mais que cette analyse
s’appliquera parfaitement à plusieurs autres pays
européens dont la France… dont la seule chance «
électorale » est de n’avoir des élections qu'en
2017.
Mais ce n’est pas tout. Pour Beppe
Grillo, « tout ça c’est fini dans 6 mois car ils
n’auront même plus de quoi payer les pensions de retraite ou les
salaires du secteur public ».
Pour lui et c’est une remarque qui a le mérite de ne pas
prendre la monnaie unique européenne comme bouc émissaire
« nous sommes débordés non pas par l'euro, mais par la
dette. Si le montant des intérêts atteint 100 milliards d'euros
par an, nous sommes morts. Il n'y a pas d'alternative, il faudra
renégocier la dette. Si les conditions ne sont pas modifiées,
l'Italie devrait sortir de l'euro et revenir à la lire ».
Voilà où nous en sommes. Mais comme ce ne sont que
d'excellentes nouvelles, et qu'aux Etats-Unis ils vont gentiment tomber de
leur falaise fiscale (en ouvrant certainement un parachute doré par la
FED), les marchés peuvent continuer à monter. Wall Street vole
de record en record, et la Bourse de Paris monte de plus de 2%... Tout va
bien, on vous l'a dit, la crise est finie. Mais la prochaine arrive !
Charles
SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
http://www.handelsblatt.com/politik/deutschla...hr/7858022.html
http://www.focus.de/politik/ausland/sieger...aid_931112.html
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