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Les politiques
actuellement menées par la FED, mais aussi la banque d'Angleterre
et du Japon tendent à essayer de faire redémarrer
l'économie par augmentation de la quantité de monnaie en
circulation, pour empêcher l'arrivée de l'ennemie publique
n°1, j'ai nommé la terrrrible, l'ignoble déflation.
Peur sur la ville
Si l'on en croit
la plupart des économistes en vue qui hantent les plateaux des
journaux télévisés et inondent les pages roses du figaro
de leur savoir, il n'y aurait rien de pire que "le spectre de la
déflation".
Selon ces braves
gens, qui pour la plupart bénissent les plans de relance, une baisse
des prix durable et généralisée des biens et services
pousserait les ménages à cesser de consommer, car tout serait
moins cher demain, et multiplierait les chômeurs car les entreprises
endettées ne pourraient pas faire face à leurs
échéances dans un environnement où leurs marges se
contractent. De plus, les salaires ne s'ajustant pas linéairement
à la baisse (demandez aux employeurs qui veulent diminuer le salaire
de leurs employés si c'est simple), l'ajustement se fait de
manière plus brutale: les entreprises qui ne peuvent pas faire les
gains de productivité nécessaires au maintien de
rémunérations élevées licencient.
Vous commencez
à me connaître: quand une idée est tellement
répandue que personne ne semble vouloir la remettre en cause, une
petite lumière rouge s'allume en moi. N'y aurait-t-il pas erreur tant
sur le diagnostic que sur les remèdes ?
Comprendre la
déflation
Si l'on exprime
le prix d'un bien que nous consommons régulièrement depuis des
années non pas en unités monétaires, mais en temps de
travail nécessaire payé au salaire médian pour pouvoir
l'acquérir, alors la "déflation", prise dans le sens commun
d'une baisse des prix, est la norme: selon cet étalon, les
produits de consommation courante coûtent
aujourd'hui environ 3 à 5 fois moins cher qu'il y
a 30 ans.
L'historien de
l'économie Jacques Marseille, dans "la guerre des deux
France", compare les durées de travail au salaire moyen
nécessaires (en minutes) pour acheter certains produits en 1973 et
maintenant:
article
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durée 1973
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durée 2002
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1kg d'oranges
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40
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13
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1kg de faux filet
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376
|
118
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1 kg de poulet PAC
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111
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19
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1 ampoule électrique 75W
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30
|
6
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12 oeufs
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61
|
19
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Et le même
raisonnement peut s'appliquer, dans de plus ou moins grandes proportions,
à tous les produits de consommation qui n'ont pas disparu des rayons
dans la même période.
Ce n'est que
parce que notre système monétaire est géré par
des banques centrales ayant le droit de fabriquer un excédent
régulier de monnaie que le prix "affiché" des choses
tendait, ces derniers temps, à augmenter d'environ 2% par an.
Exprimé en
peine qu'il faut se donner pour se l'offrir, presque tout ce que nous
achetons a vu son prix fondre. Notre système monétaire est en
quelque sorte conçu pour cacher cette "déflation par la
productivité", parce que nos grands argentiers craignent que
l'affichage d'une baisse durable des prix entraîne des comportements
attentistes: "attendons demain, tout sera moins cher".
Cette crainte de
théoricien paraît infondée à l'aune de ce que nous
observons dans le monde réel. L'inflation affichée autour de 2%
entre 1990 et 2006 a masqué de grandes disparités, entre des
prix qui ont explosé (la santé, le logement, malgré la
correction actuelle sur ce poste) et d'autres qui se sont effondrés,
comme les ordinateurs, ou l'électronique grand public. La baisse
continuelle du prix de ces produits, qui ne semble jamais devoir
s'arrêter, a-t-elle rendu plus attentistes les acheteurs ? Bien au
contraire, ces marchés battent record sur record chaque année !
Non seulement la baisse des prix alimente la consommation, mais les
économies réalisées par les consommateurs d'une
année sur l'autre permettent à de nouveaux produits toujours
plus innovants de trouver une place dans le budget des ménages ou des
entreprises.
Au contraire,
lorsque le prix d'un article tend à augmenter trop fortement, comme
l'essence, on assiste à une baisse de sa consommation globale, au
point que l'état ne se mette à craindre pour les recettes
fiscales qui s'y rattachent... Alors, vaut il mieux que les prix montent ou
qu'ils baissent pour stimuler la consommation ?
Déflation
et destruction créatrice
Il est souvent
affirmé que la déflation pousserait des entreprises trop
endettées à la faillite, la contraction de leurs chiffres
d'affaires, et plus encore de leurs valeurs ajoutées, ne
permettant pas de payer leurs dettes, et des salaires peu ou pas
ajustés à la baisse. Mais faut il en blâmer la
déflation, ou le recours excessif au crédit, encouragé
par la fiscalité des entreprises ? De même, l'existence d'un
SMIC élevé très difficile à indexer à la
baisse, politiquement parlant, entrainerait un surcroît de
chômage en cas de déflation. Vrai, mais là encore, est-ce
la déflation le problème, ou la rigidité du SMIC ?
L'école
économique autrichienne nous enseigne que tout ajustement à la
hausse ou à la baisse de la masse monétaire par rapport
à la quantité de biens et services à échanger
crée des gagnants et des perdants. En phase d'inflation, ceux qui ont
la faculté de créer de la monnaie – les banques --
sont gagnantes, du moins tant qu'elles arrivent à conserver le
phénomène sous contrôle, car l'augmentation de leur
volume d'affaire précède la répercussion sur les prix de
leurs émissions monétaires, alors que ceux qui s'inscrivent
à l'aval du cycle de circulation de la monnaie, vous et moi, sommes
les perdants, le pouvoir d'achat de notre monnaie étant inexorablement
rogné. Mais que l'inflation monétaire dérape, et
les banques deviennent aussi perdantes, car alors leurs crédits
à taux fixe et à longue durée deviennent
déficitaires... Et c'est précisément ce risque que porte
en germe l'expansion monétaire actuellement conduite par la FED.
En phase de
baisse des prix, les salaires ne s'ajustant pas facilement à la
baisse, ceux qui conservent leur emploi, et donc leur
rémunération, sont gagnants, alors que les producteurs
incapables de gagner la productivité nécessaire pour payer
emprunts et salaires sont obligés de licencier ou de déclarer
faillite. Ce faisant, ils libèrent de la main d'oeuvre et des actifs
qui pourront s'employer ailleurs en vue de satisfaire les besoins des
consommateurs en produits nouveaux et moins chers que la génération
précédente – à condition que les politiques
menées n'empêchent pas ces mutations. La baisse des prix peut
donc agir comme un puissant stimulant de la consommation, sans qu'il soit
besoin du moindre plan de relance, mais à condition que tous les
obstacles fiscaux et réglementaires à l'adaptation des agents
économiques soient levés.
La
déflation n'est qu'un symptôme, pas le mal
La
"déflation", lorsqu'elle résulte de gains de
productivité, n'est pas le mal. Elle n'est qu'un symptôme d'un
épisode de destruction créatrice, selon l'expression de
l'économiste Josef Schumpeter, particulièrement intense.
Le
phénomène n'est problématique que s'il provient du fait
que les agents économiques, banques ou ménages, du fait des
craintes engendrées par la destruction d'emplois,
préfèrent garder par devers eux une forte quantité de
cash (ou d'or, ou tout
autre actif non directement productif) par peur de l'avenir. Dans
ce cas, l'argent nécessaire à la création des nouveaux
emplois qui absorbent la destruction schumpeterienne
des anciens n'irrigue pas les canaux de l'économie: c'est la
"déflation par la peur".
Mais dans ce
contexte, créer artificiellement des liquidités, comme le font
les banques centrales, pour inciter les banques à remettre en
circulation de la monnaie nouvelle sous forme de crédit, est il la
solution adaptée ? Non, à l'évidence. Donner aux banques
plus de monnaie ne modifiera pas des comportements d'agents
économiques, banques et ménages, actuellement bridés par
la peur. On ne donne pas confiance aux agents économiques en prenant
le risque d'amenuiser la valeur de ce qu'ils ont en portefeuille.
Pour que les
agents économiques cessent de réduire leur consommation ou
leurs investissements, il faut d'une part que l'offre puisse s'adapter
à un niveau de prix plus faibles sur les produits matures, d'autre
part mettre en circulation des innovations auxquelles les acheteurs ne
pourront pas résister, ce qui poussera alors de nouveaux investisseurs
sur des créneaux en expansion. Pour cela, il faut que les entreprises
puissent investir en R&D et en marketing dans une période
difficile. Cela suppose que ni le cash flow des entreprises, ni les revenus
de ceux capables de leur apporter du capital frais, ne soient abusivement
taxés. Et cela suppose aussi que la part de l'épargne qui
pourrait être prêtée vers les entreprises ne soit pas
aspirée par des besoins de financement de la dette publique
croissants.
Et qui dit
moindre taxation des entreprises sans augmentation d'autres impôts, et
moins de dette publique à refinancer, suppose une baisse drastique des
dépenses publiques. Tout le contraire de ce que les principaux
gouvernements sont en train de faire.
L'inflation
monétaire n'est pas le bon remède, car la déflation
n'est pas le mal !
Ce n'est pas la
"déflation", phénomène normal et vertueux
lorsqu'il résulte de gains de productivité, qu'il faut enrayer,
c'est l'attentisme des agents économiques qui les pousse à
diminuer la quantité de monnaie en circulation effective. Et pour
cela, inonder artificiellement les banques d'une monnaie qui ne pourra que
perdre de sa valeur dès qu'elle recommencera à circuler n'est
pas le bon remède. Lever les barrières fiscales et
réglementaires pour permettre aux entreprises d'investir et d'innover,
afin d'accroître les incitations tant à la consommation
qu'à l'épargne productive, sont les seules voies viables pour
sortir vite et sainement de la crise que nous vivons.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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