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Régulièrement, les
messages anti-publicité fleurissent, sur internet,
au cinéma... Un exemple récent : le film de Jan Kounen,
d'après un roman de Frederic Beigbeder, « 99 Francs »,
film qui aurait pu se contenter d'être une bonne parodie jubilatoire du
milieu publicitaire, mais auquel le metteur en scène a cru bon de
rajouter le message suivant: « chaque
année, 500 milliards sont dépensés en publicité,
avec la moitié de cette somme, on pourrait résoudre le
problème de la faim dans le monde ». Ce type de
rhétorique est fréquent chez les adversaires du
capitalisme en général, et de la pub en particulier.
Il est vrai que la formule frappe l'
esprit du spectateur, censé en concevoir une répulsion
légitime contre cette civilisation occidentale capitaliste qui préfère
nourrir les cerveaux occidentaux de réclames que les ventres africains
de riz.
Seul problème: le raisonnement
sous-jacent est bien trop superficiel, un de ces sophismes
énoncé en une seule phrase, et qu'il faut malheureusement
démonter en plusieurs pages.
Mythe n°1 : Sans ces
500 milliards de publicité, les produits coûteraient moins cher
Réalité: Sans
publicité, l'offre disponible serait moins large en gamme et plus
chère à gamme égale. Bref, notre pouvoir d'achat
serait moins important.
En effet, imaginez un monde sans la
moindre publicité, dans les journaux, sur les
télévisions, où la seule information disponible sur les
produits serait trouvée sur les lieux de vente. Pour savoir quoi
acheter, vous devriez vous en remettre à la chance: choisir un magasin
au hasard, parcourir les rayons, essayer de deviner ce que sont les produits
nouveaux proposés à votre choix... Dans ces conditions, vous
devriez consacrer un temps et des ressources importantes pour vous renseigner
a priori sur ce que telle ou telle enseigne a à vous vendre.
Multipliez cette peine par 1 milliard de consommateurs, et vous risquez
sûrement d'aboutir à une somme plus élevée que les
500 milliards évoqués par Kounen.
Pis même: si le fabricant qui fait
l'effort de vous proposer un plat cuisiné, un ordinateur ou une
voiture de meilleure qualité que l'offre premier prix, ne peut pas le
faire savoir, vous n'aurez a priori aucun moyen de différencier son
offre de celle du concurrent: l'incitation des fabricants à multiplier
les gammes, donc à créer des lignes de produits qui collent au
plus près des besoins de différents types de consommateurs,
serait considérablement réduite. Il serait donc probable que
dans une famille de produits donnée, le nombre de
références offertes serait bien moindre: vos besoins seraient
globalement moins bien couverts, et faute de concurrence entre gammes de
produits, vous ne pourriez arbitrer entre des produits bon marché et
standard, et des produits de qualité supérieure un peu plus
chers: faute de concurrence par le haut, les gammes standard
coûteraient plus cher à l'achat qu'actuellement. Il est à
craindre, en outre, que la qualité de ces gammes standard seraient
moins élevées que ce qu'elles sont réellement.
La publicité, comme toute
prestation intermédiaire entre le producteur et le consommateur final,
agit comme un élément réducteur du coût d'une
transaction: elle vous permet d'opérer une présélection
qui économise considérablement l'énergie que vous devez
consacrer à connaître ce que vous allez acheter. En outre, elle
induit un mouvement vertueux d'amélioration de l'offre,
provoqué par la nécessité de se différencier des
concurrents pour exister.
Ceux qui ont connu les magasins de
l'ex-URSS aux immédiats lendemains de la chute du communisme
comprendront de quoi il est question: parce que la publicité
était de création très récente et que de nombreux
produits présents dans les magasins n'avaient pu en
bénéficier, les produits offerts étaient peu
variés, peu élaborés, et ne faisaient guère
envie. Ils étaient « bons marché » vu de
l'occident, mais « chers pour ce qu'ils étaient » pour la
population locale. 15 années après, le nombre de points de
vente a décuplé, la gamme de produit offerte s'est
considérablement étendue, le niveau de vie
général de la population s'en trouve amélioré.
Sans publicité, les acteurs de cette transformation n'auraient eu ni
l'incitation ni l'outil nécessaire pour faire connaître le
résultat de leur effort, et ne l'auraient donc pas entrepris, du moins
pas dans les mêmes proportions.
Mythe 2 : Avec la moitié
des sommes consacrées à la pub, la faim dans le monde
serait résolue.
Réalité : sans
publicité, des milliards d'individus seraient condamnés
à rester pauvres.
Depuis les années 80, et la
conversion d'un nombre croissant d'économies à la
mondialisation des échanges, la faim a reculé dans le monde: il
y a aujourd'hui 200 millions de personnes en état de malnutrition de
moins qu'il y a 25 ans, alors même que la population globale a beaucoup
augmenté.
Ces personnes sortent de l'état de
pauvreté parce que des milliers d'employeurs créent de nouveaux
emplois mieux rémunérés que les
précédents, et s'ils peuvent les vendre, c'est parce que la pub
leur a permis de faire découvrir, de caractériser et de
différencier leur offre. La publicité diffusée à
l'occidental (nécessairement bouffi devant son sitcom) permet de
promouvoir l'étoffe chinoise ou le jus d'orange brésilien dont
la vente permettra au planteur de Bahia ou à la lainière de
Guangzhou d'améliorer ses conditions d'existence. Supprimez la pub et
vous supprimez pour ces producteurs l'opportunité de faire
connaître les mérites de leur offre, et donc vous coupez
la source de revenus qui permettra à leurs employés
d'améliorer leur ordinaire.
La pub crée de la valeur !
Comme tous les phénomènes
de société, la publicité engendre parfois des
excès. Mais elle est le complément indispensable des efforts
d'innovation des entreprises, sans laquelle ces innovations ne trouveraient
pas leur public. La publicité est un instrument essentiel dans la
chaine de création de valeur.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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