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Vont-ils tenir longtemps ?

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Publié le 07 juillet 2011
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Sans hésitation, la réponse est non : ils ne tiendront pas bien longtemps ! Tout est en train de s’accélérer, les autorités politiques et financières européennes voient graduellement et irrésistiblement la maîtrise de la situation leur échapper, après avoir définitivement perdu l’initiative. N’ayant d’autre ressource que d’essayer de faire bonne figure, on va voir comment.

Ces édiles surfaits s’égarent dans les méandres du montage introuvable du sauvetage impossible de la Grèce, dont l’insolvabilité patente – niée contre toute évidence – illustre l’impasse dans laquelle se trouve tout l’édifice européen. Car le pays n’est pas le seul à se trouver dans cette situation.

Rendues publiques par Martin Wolf dans le Financial Times, les estimations du pourcentage prévisible de la dette publique par rapport au PIB de Citibank sont éloquentes : 180% pour la Grèce, 145% pour l’Irlande, 135% pour le Portugal et 90% pour l’Espagne, sans que leur diminution soit envisageable. Aux taux pratiqués par le marché, de tels niveaux de dette ne sont pas soutenables et impliquent obligatoirement, comme il le préconise en estimant que c’est la dernière chance de sauver l’euro, une restructuration de la dette.

Nos édiles cherchent leur salut, ainsi celui que d’une stratégie condamnée, dans l’étrange alchimie de la finance, qui a malheureusement pour elles déjà donné tout ce qu’elle pouvait. A Rome, puis à Paris ce mercredi, les mégabanques tiennent l’une après l’autre de discrets conclaves afin d’explorer l’art du possible et de fournir de nouvelles arguties afin de trouver un moyen de participer au financement du sauvetage grec sans qu’une situation de défaut ne soit créée.

L’institute of International Finance a engagé ses travaux au siège de BNP Paribas ce mercredi, en catimini et en présence de représentants des autorités de plusieurs pays et de mégabanques. La liste des participants n’est pas publique, pas plus que l’ordre du jour de la réunion. On ne saurait trouver plus fort symbole de la nature et des contours du pouvoir.

Michel Pébereau, pdg de BNP Paribas, a fourni un éclairage sur ce qu’il a qualifié de discussions à propos de « propositions techniques ». « La question est de savoir ce qui se passera lorsque les obligations arriveront à maturité », a-t-il expliqué. Sans dévoiler les batteries, il s’est contenté d’affirmer qu’ »Il appartient à l’autorité publique de déterminer les solutions qui les satisferont dans leur principe, tout en évitant un défaut ». Nous voilà bien avancés…

Puisqu’il faut à tout prix l’éviter, qu’à cela ne tienne ! Les mégabanques recherchent dans les fonds de tiroir une issue s’apparentant aux règles comptables de complaisance avec lesquelles elles sont accoutumées de jongler pour justifier de leur bonne santé.

Oiseaux de mauvaises augures, les agences sont écartées pour avoir baissé le pouce, les mégabanques se retournent donc auprès de l’International and Swaps Derivatives Association (ISDA) londonien, gardien du temple des paris sur la dette (les CDS), qui leur a donné aussitôt satisfaction. Le plan français ne déclencherait pas, selon elle, le paiement des contrats de couverture contre le risque de défaut, ce que l’on appelle un « événement de crédit ». Une décision d’autant plus facile à prendre que le montant des CDS émis contre le défaut de la dette grecque s’avère faible, de l’ordre de 5 milliards de dollars pour 350 milliards de dette selon la Depository, Trust and Clearing Corporation (DTCC), qui a une des meilleures vues d’ensemble sur le marché.

Outre l’ISDA, les ressources ne manquent pas pour cerner la notion de défaut de paiement, suivant l’angle sous lequel on se place et les règles auxquelles on se réfère. On a vu que l’ISDA avait les siennes, déterminées par un comité où siègent les représentants des principaux intervenants sur le marché des CDS, c’est à dire les mégabanques. On n’ignore pas que les agences de notation ont les leurs, qui entourent leurs méthodologies d’un certain mystère, puisque c’est un élément de leur fonds de commerce. L’international Accounting Standards Board, enfin, n’est pas en reste, grand ordonnateur des normes comptables internationales, sauf lorsqu’il s’agit de rien moins que les Etats-Unis… Ces derniers déterminant les règles de dépréciations des actifs. Dans tout ce fouillis, n’y aurait-il pas quelque chose qui ferait l’affaire, si les agences de notation voulaient se calmer un peu ?

C’est bien pourquoi de partout fusent sur tous les tons leur mise en cause, la dernière posture de disponible, qui consiste à les charger de toutes les responsabilités pour mieux éluder les siennes. A titre d’exemple, voici la liste non limitative des commentaires qu’elles viennent de susciter, avec entre parenthèses leur auteur : « Ce n’est pas le regard des agences de notation qui va régler l’affaire de la dette souveraine » (François Baroin); « Voyez-vous la folie de ces prophéties auto-réalisatrices ? « Stavros Lambrinidis, ministre grec des affaires étrangères); « Cet épisode malheureux soulève une fois de plus la question du comportement des agences de notation » (l’un des porte-parole de la Commission de Bruxelles) ; il faut « briser l’oligopole des agences » (Wolfgang Schaüble) ou les Etats et les organisations internationales « ne se laisseront pas privés de leur liberté de jugement » (Angela Merkel) ; et, pour finir « criminel », « immoral » et « insultant » (termes relevés dans la presse portugaise après la dégradation de la note du pays).

La vérité est qu’il n’y a plus de temps à gagner et que cela ne fait pas l’affaire. Ainsi, donner un tardif rendez-vous fin septembre pour boucler le plan de sauvetage de la Grèce – comme le fait François Baroin, le nouveau ministre des finances Français – c’est tirer des plans sur la comète. Douze semaines, même d’été, c’est l’éternité par les temps qui courent.

Les maudites agences, comme on dit au Québec, ont donc encore frappé. Moody’s vient d’envoyer le Portugal au purgatoire en reléguant dans la catégorie « spéculative » la note du pays, l’assortissant d’une perspective négative (signifiant qu’elle pourrait encore l’abaisser). Moody’s le justifie en anticipant que le Portugal ne fera pas face à ses engagements en matière de réduction du déficit et aura besoin d’un second plan de sauvetage, tout comme la Grèce, au vu des taux qu’elle devra consentir sur le marché, quand elle sera censée s’y représenter.

L’évolution du taux portugais à dix ans, mercredi après-midi, ne lui donnait pas tort, puisqu’il s’approchait brutalement des 13% contre 10,755 la veille au soir. Plus significatif de l’imminence des dangers, le taux à deux ans montait à 16,399%, contre 12,335% la veille.

Moins spectaculaire, mais annonciateur d’autres grands tracas à venir, le Frob – le fonds d’aide public aux banques espagnoles – a du concéder un taux de 5,472% pour lever sur le marché deux milliards d’euros destinés à recapitaliser d’ici septembre les caisses d’épargne dans le besoin. Le gouvernement prétend maintenant que seulement 15 milliards d’euros seront nécessaires, espérant que la plus grande partie viendra d’investisseurs privés. Mais ses tentatives de minimiser les fonds nécessaires expriment avant tout son besoin de rassurer les marchés. L’opération risque fort d’être plus onéreuse, alors que les inquiétudes se multiplient en parallèle à propos de la réalité du déficit des régions, planqué sous le tapis selon le Partido Popular qui n’a pas mis ses menaces de divulgation des comptes depuis qu’il en a pris les rênes.

A propos de son voisin portugais, où l’Espagne a de nombreux intérêts, Elena Salgado, la ministre espagnole de l’économie, a fait immédiatement valoir qu’il s’agissait de « deux économies distinctes », ajoutant contre toute vraisemblance : « Nous avons très peu à voir avec le Portugal, hormis le fait de leur souhaiter qu’il aille bien, en tant que pays ami »….

Mais, afin de ne pas être accusé de jouer les Cassandre, ne suffit-il pas de se pencher une fois de plus sur la situation grecque, qui se confirme avoir le triste privilège d’être le catalyseur de la crise européenne ? Non seulement parce qu’elle est insoluble, mais parce qu’elle est en puissance une bouilloire qui menace d’exploser. Le modèle des élections sortant les sortants pour élire par dépit et avec force absentions l’opposition libérale – dont le programme est de faire mieux, c’est à dire pire – a fait long feu. C’est sur un autre terrain moins piégé que commencent à se jouer également les rapports de force.

Lorsque Jean-Claude Juncker, chef de file de l’Eurogroupe, annonce aux Grecs que leur souveraineté « sera énormément restreinte », en évoquant le mécanisme de vente des actifs du pays pour financer sa dette, a-t-il conscience de jouer avec le feu  ? Lorsque les Finlandais évoquent les îles grecques parmi les biens qui pourraient garantir les prêts, ils font écho aux titres de la presse à sensation allemande d’il y a quelques semaines. Il y a donc quelques raisons à ce que le gouvernement grec se précipite aujourd’hui à Berlin pour négocier les délais et les modalités de ce volet du plan, avec un succès incertain…

Les Allemands continuent en effet de battre la mesure. Tiraillée, la coalition au pouvoir tente d’utiliser ses marges de manœuvre budgétaires en promettant des baisses d’impôt pour mieux négocier en contrepartie le financement du sauvetage de l’Euro et préparer les élections de 2013. Ce qui ne fait pas l’affaire des Länder, dont la santé financière n’est pas si florissante. Tandis que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe débute ses auditions, avec comme jugement final prévisible la restriction au profit du Bundestag de l’autonomie dont dispose le gouvernement dans sa gestion de la crise de la dette européenne. Ce qui est en jeu est moins le danger que soient déclarées illégales les aides déjà effectuées que de voir corseté l’actuel fond de stabilité financière et le futur mécanisme européen de stabilité (MES), qui dépendraient au coup par coup des décisions des députés allemands.

A sa manière, le Parlement européen fait de même. Multipliant les votes contredisant les chefs d’Etat et de gouvernement européens dans les domaines les plus divers. Avant-hier, c’était à propos du renforcement du Pacte de stabilité européen, hier au sujet de l’interdiction des CDS nus sur la dette souveraine. Paul Jorion en a fait l’analyse.

Les exemples ne manquent pas de dénis justifiés d’étrange façon. Inclure dans les stress tests des banques l’hypothèse d’un défaut sur la dette serait en reconnaître la possibilité nous a-t-il été expliqué. Se préparer à un défaut grec, comme l’a reconnu Wolfgang Schaüble, le ministre des finances allemand, serait de même entériner ce qui par ailleurs fait l’objet de dénégations les plus déterminées, du genre : « Tout sauf une restructuration ! ».

Et pourtant, nous y courons !




Billet rédigé par François Leclerc


Paul Jorion




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.   

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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