Diabolisé pour les mêmes raisons que l’or, Bitcoin, ou plutôt la
technologie derrière cette monnaie numérique, est en passe d’être
« piraté » par Wall Street. L’idée, telle que détaillée dans cet
article de Bloomberg, est de récupérer la technologie de la chaîne
de blocs pour l’appliquer au dollar (ou tout autre devise). Cela permettrait
de profiter de la quasi instantanéité des transactions Bitcoin tout en
laissant aux banquiers centraux le privilège de gérer comme bon leur semble
les agrégats monétaires alors que dans le cas de Bitcoin, la « masse
monétaire » est connue d’avance. Le blockchain pourrait donc accélérer
malgré lui l’élimination de l’argent liquide, ce qui n’était pas (en
principe ?) l’objectif recherché… Article via Insolentiae.com :
La réunion secrète de Wall Street durant laquelle le dollar numérique fut
testé
Durant un lundi d’avril, plus de 100 cadres supérieurs d’institutions
financières parmi les plus importantes du monde se sont rassemblés pour une
réunion privée dans les bureaux de Times Square de Nasdaq Inc. L’objectif
n’était pas seulement de discuter de la chaîne de blocs
(« blockchain », base de données distribuée qui est la pierre
angulaire des monnaies digitales comme Bitcoin), la nouvelle
technologie qui va selon certains bouleverser la finance, mais aussi
d’élaborer et d’expérimenter avec.
Avant la fin de la journée, ils ont assisté à une révolution : des
dollars américains devenus complètement numériques purent être utilisés pour
exécuter et régler instantanément une transaction. Et ce conformément à la
promesse de la chaîne de blocs, qui permet d’obtenir ces résultats avec une
certitude quasi immédiate en remplacement des systèmes lourds et sources
d’erreurs qui prennent plusieurs jours pour effectuer des transactions à
travers le monde ou entre 2 villes.
Cet événement a été initié par Chain, l’une des nombreuses start-ups qui
tentent de réorganiser le secteur financier. Dans la salle de réunion, des
représentants de Nasdaq, Citigroup, Vis, Fidelity, Fiserv, Pfizer et bien
d’autres furent présents.
L’événement, rendu public dans un communiqué publié ce lundi, représente
un moment-clé dans l’évolution de la chaîne de blocs, une technologie
remarquable aussi bien en raison de ses réussites que du nombre de sociétés
qui l’examinent. Son potentiel fascine les cadres supérieurs de Wall Street
car elle permet de libérer des milliards de dollars en accélérant des
transactions qui peuvent aujourd’hui prendre plusieurs jours, et qui monopolisent
donc du capital. Mais l’un des problèmes à résoudre est la numérisation de
l’argent. Et si certaines entreprises ont mené des expériences allant dans ce
sens, l’événement organisé par Chain montre que bon nombre d’entre elles
tentent désormais de trouver une éventuelle solution commune.
« Nous avons créé un dollar numérique » afin de faire la
démonstration au groupe rassemblé à Nasdaq un débit et un crédit instantané
sur la chaîne de blocs, a déclaré Marc West, responsable de la technologie
chez Fiserv, une société de paiements qui comptent plus de 13.000 clients
dans le secteur de la finance. « Il s’agit du premier mouvement de ce
genre. »
Une technologie qui grandit en silence
Chain est déjà connu dans certains cercles de Wall Street pour son projet visant
à assister Nasdaq dans la migration du trading des titres des sociétés non
cotées vers une chaîne de blocs. Mais en général, elle fait profil bas par
rapport à d’autres projets mêlant finance et technologie.
La société basée à San Francisco a également utilisé la réunion du 11
avril pour présenter à ses clients et à ses investisseurs le Chain Open
Standard, une plateforme open source de chaîne de blocs développée depuis
plus d’un an par Chain, a déclaré Adam Ludwin, son CEO. Chain a conçu les
éléments complexes requis pour le fonctionnement d’une chaîne de blocs afin
que ses clients puissent développer à partir de cette base des solutions sur
mesure à leurs problèmes, a-t-il déclaré.
« Cela fait quelques années que nous développons cette solution avec
plusieurs partenaires, » a-t-il déclaré. « Les chaînes de blocs
reposent sur des réseaux, nous pensons donc que la collaboration est
importante. Mais démarrer à partir du bon modèle est encore plus important
que cette collaboration, » a-t-il ajouté. L’événement fut gardé secret
afin que les participants puissent partager en toute liberté de nouvelles
idées et prendre des risques. « Plus la presse est présente, plus la
qualité du dialogue et des solutions baissent, » a-t-il déclaré.
La chaîne de blocs la plus courante est celle derrière la monnaie digitale
Bitcoin, qui existe depuis 2009. Les sociétés financières sont cependant
réticentes à adopter Bitcoin vu que ses utilisateurs anonymes pourraient
impliquer les banques dans des violations des lois concernant le blanchiment
d’argent et « Connais ton client » (Know Your Customer). Les
dollars numériques ne posent pas ce genre de problème (sic ; Bloomberg
est frappé d’amnésie ? http://www.lepoint.fr/economie/accusations-de...-1553791_28.php,
target="_blank" http://www.lemonde.fr/economie/article/201...36684_3234.html,
etc., etc.).
L’ère du mainframe
Nasdaq et Citigroup ont discuté pour explorer la possibilité d’une
éventuelle collaboration, a déclaré Brad Peterson, le CEO de cette bourse. Il
a déclaré que la chaîne de blocs pourrait également être utilisée pour des
données de référence, par exemple comment des actions ou des obligations
spécifiques sont identifiées à travers tous les marchés.
Wall Street fut l’un des premiers bénéficiaires de l’informatisation.
Presque 30 ans plus tard, ces systèmes existants peuvent être désormais un
frein à de nouvelles évolutions technologiques, a-t-il déclaré.
« Il s’agit de la grande opportunité à saisir : comment
s’affranchir de l’ère du mainframe, » a-t-il déclaré.
Tandis que l’argent d’un compte en banque circule sans cesse de façon électronique
aujourd’hui, il faut faire la distinction entre ce système et les
implications d’un argent qui est numérique. Les paiements électroniques sont
simplement des messages indiquant que de l’argent liquide doit être transféré
d’un compte vers un autre. C’est ce rapprochement bancaire qui ralentit le
processus de paiement. Pour les clients, un virement bancaire peut prendre
plusieurs jours dans l’attente de la réception de la confirmation par les
banques. Des dollars numériques, par contre, sont préchargés dans un système
comme une chaîne de blocs. À partir de là, ils peuvent être échangés
instantanément contre un actif.
« Au lieu d’envoyer une transaction ou un message, on envoie l’actif
en lui-même, » a déclaré Ludwin. « Le paiement et la confirmation
sont fusionnés. »
Une collaboration rare
Ian Lee, responsable du « global lab network and acceleration
fund » de Citigroup, a déclaré que l’éventuelle utilisation d’argent
numérique fut l’un des premiers sujets de recherche de Citigroup lorsqu’il
s’est penché sur la chaîne de blocs. Il a été impressionné par la variété de
clients rassemblés par Chain vu qu’à Wall Street la collaboration est rare.
De nombreuses sociétés font face aux mêmes problèmes, à savoir comment
exploiter la chaîne de blocs, a-t-il déclaré.
« Si cette technologie a un gros potentiel, elle devra s’intégrer et
coexister avec le système financier tel qu’il existe aujourd’hui, »
a-t-il déclaré.
Ludwin affirme que la chaîne de bloc a été validée par Wall Street. Il
faut désormais se concentrer sur la création de solutions.
« Créer cette solution n’est pas de la petite bière, mais cela
n’implique pas non plus le bouleversement des procédures de grandes
entreprises, » a-t-il déclaré. « Il ne s’agit pas d’ingénierie
financière, mais d’ingénierie informatique qui va refaçonner les services
financiers. »