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Friedrich A. Hayek ou l’anti-Keynes

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Publié le 23 février 2015
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Rubrique : Editorial du Jour

 

 

 

 

« Aussi longtemps que la croyance à la justice sociale régira l'action politique, le processus doit se rapprocher de plus en plus d'un système totalitaire » Hayek, Droit, législation et liberté, tome 3.

 

Friedrich A. Hayek est né en 1899 et a grandi à Vienne. Étudiant en économie à l’université de Vienne, il suit les cours de Friedrich von Weiser, l’un des maîtres de l’école Autrichienne d’économie. Il fréquente également le séminaire privé de Ludwig von Mises et fonde avec lui l'Institut de recherche sur le cycle économique dont il devient le président. Il enseigne l’économie à l’université de Vienne. Dans les années trente, après avoir souffert de la crise mondiale, l'Autriche est menacée par l’invasion nazie. Hayek part pour Londres en 1931 et devient professeur de sciences économiques et de statistique à la London School of Economics. En 1938, il prend la nationalité britannique mais en 1945, son livre La Route de la Servitude reçoit un accueil triomphal aux États-Unis où il s’installe en 1950 comme professeur à Chicago. À partir de 1962, il enseigne à l'Université de Fribourg-en-Brisgau. Ses travaux aboutiront, au cours des années 1970, à la trilogie Droit, Législation et liberté.

 

Les années de Cambridge et la critique de Keynes

 

Dans les années 30 et 40, Hayek a initié un vif débat avec le célèbre économiste de Cambridge, son collègue John Maynard Keynes. Lorsque Keynes publia son Traité sur la monnaie en 1930, Hayek passa une année entière à l’étudier puis publia en 1931 une critique dévastatrice, Prix et Production, au paroxysme de la crise de 29. Il s’agit en fait d’une série de quatre conférences données à la London School of Economics.  Ces conférences traitent de ce que l’on appelle aujourd’hui communément la théorie autrichienne du cycle, à savoir que l’expansion de crédit bouleverse la répartition des facteurs de production, crée un boom, qui devra bien entendu être suivi d’un réajustement – la crise. Keynes souhaitait atténuer les cycles de croissance rapide et de récession propres, selon lui, au capitalisme en manipulant le niveau de la demande dans l’économie nationale au moyen d’une expansion inflationniste notamment. Hayek explique alors que la réduction continuelle des taux d’intérêt par les banques centrales et l’expansion artificielle du crédit ne peut qu’induire les acteurs économiques en erreur, les faisant investir comme si de nombreuses ressources épargnées existaient (puisque les taux d’intérêt diminuent naturellement en réponse à la hausse de l’épargne). Cette mauvaise allocation des ressources alimente alors une hausse artificielle de la croissance, une bulle, à laquelle succède une récession brutale. C’est cette théorie des cycles, qui a valu à Hayek le prix Nobel d’économie en 1974.

 

Dans Prix et Production, il écrit : « Il n'a jamais été nié que l'emploi puisse être rapidement augmenté et une situation de plein-emploi atteinte dans les plus brefs délais en ayant recours à une expansion monétaire. (...) Mais l'économiste ne devrait pas cacher que la recherche de l'emploi maximum qui peut être réalisée en courte période au moyen de la politique monétaire est essentiellement la politique du desperado qui n'a rien à perdre et qui a tout à gagner d'un petit ballon d'oxygène (...). La politique du desperado constitue l'attitude privilégiée de l'homme politique préoccupé par la proximité de l'échéance électorale, en manœuvrant un instrument bon marché dont l'influence est rapide pour réduire le chômage à un prix payable dans un futur éloigné (...). L'expansion du crédit conduit à une affectation erronée des facteurs de production, du travail en particulier, en les dirigeant dans des emplois qui cessent d'être rentables dès que l'inflation cesse de s'accélérer. Une fois que cela s'est produit, il n'y a pas de moyens d'éviter une réaction, et toutes les tentatives pour reculer l'échéance malheureuse risquent de la rendre encore plus dure ».

 

La Route de la Servitude

 

Alarmé par la montée de l'interventionnisme des gouvernements dans les économies des démocraties occidentales, Hayek écrit La Route de la Servitude (The Road to Serfdom), comme une critique philosophique des collectivismes, qu’ils soient de droite ou de gauche. Tiré à plusieurs millions d’exemplaires, grâce à la complicité de Max Eastman et du Reader’s Digest, ce livre a largement contribué à la notoriété de F. A. Hayek aux États-Unis.

 

Rédigé entre 1940 et 1943, ce petit essai entend dresser un premier bilan des expériences dirigistes tentées dans la seconde moitié des années 1930 : les nationalisations et la gestion keynésienne de la demande qui s'est emparée de l'Europe sociale-démocrate et de l’Amérique du New Deal. Dédié aux « socialistes de tous les partis », il entend démontrer que « l’Occident a progressivement abandonné le principe de la liberté économique sans lequel aucune liberté individuelle ou politique n’a par le passé été possible ». On retrouve en effet partout à l’œuvre le même processus de centralisation politique et la même volonté de substituer une organisation dirigiste aux mécanismes traditionnels du marché.

 

Dès les premières pages, Hayek établit un parallèle entre le triomphe des idéaux progressistes en Occident et le succès concomitant des utopies totalitaires. « Peu de gens, prévient-il dans sa préface, sont prêts à reconnaître que l’ascension du fascisme et du nazisme a été non pas une réaction contre les tendances (…) de la période antérieure, mais un résultat inévitable de ces tendances. C’est une chose que la plupart des gens ont refusé de voir, même au moment où l’on s’est rendu compte de la ressemblance qu’offraient certains traits négatifs des régimes intérieurs de la Russie communiste et de l’Allemagne nazie. Le résultat en est que bien des gens qui se considèrent très au-dessus des aberrations du nazisme et qui en haïssent très sincèrement toutes les manifestations, travaillent en même temps pour des idéaux dont la réalisation mènerait tout droit à cette tyrannie abhorrée. »

 

Dans le chapitre intitulé « Les racines socialistes du nazisme », Hayek rappelle le contexte qui a permis le triomphe du nazisme en Allemagne et du fascisme en Italie. Les socialistes allemands et italiens n’ont fait que préparer la voie au nazisme en mettant en place des partis politiques qui dirigeaient toutes les activités de l’individu, de sa naissance à sa mort, qui lui dictaient ses opinions sur chaque chose. Ce ne sont pas les fascistes mais les socialistes qui ont commencé à enrégimenter les enfants dans des organisations politiques, à contrôler leur vie privée et leur pensée. Les nazis n’ont fait que récupérer le discours étatiste, dirigiste et interventionniste déjà popularisé par les marxistes. De nombreux dirigeants fascistes, comme Mussolini en Italie, Laval en France et Oswald Mosley en Grande-Bretagne, avaient commencé leur carrière politique en tant que militants de gauche avant de se convertir au fascisme ou à l’hitlérisme, par proximité idéologique.

 

Hayek appelle en conclusion ses contemporains à tourner le dos aux « folies » et à « l’obscurantisme contemporain » pour débarrasser l’humanité des « erreurs qui ont dominé notre vie dans un passé récent ». Selon lui, la meilleure garantie de la liberté est la propriété privée. Quand tous les moyens de production sont concentrés dans les mains de quelques organisateurs, nous sommes soumis à un pouvoir total car ce pouvoir économique devient un instrument politique de contrôle sur notre vie entière.

 

Un intellectuel engagé

 

La célébrité de Friedrich Hayek Outre-Atlantique commence vraiment avec la parution, en 1945 dans le Reader’s Digest, d’une version abrégée et adaptée de La Route de la Servitude. Il est invité aussitôt à prononcer une série de conférences dans les universités américaines et à la radio. C’est la première fois qu’il s’exprime devant un public aussi nombreux et enthousiaste. La Route de la Servitude a contribué à relancer le mouvement libéral classique en Amérique après le New Deal et la Seconde Guerre mondiale. Hayek est alors convaincu de la nécessité de mettre en relation des intellectuels libéraux pour contrer le socialisme et promouvoir une société libre et concurrentielle.

 

Pour avoir un impact sur l’opinion publique et, à travers elle, sur les décideurs, il faut d’abord convaincre les intellectuels. D’où la nécessité de créer des relais d’opinions, des laboratoires d’idées par le biais d’instituts privés réunissant des professeurs d’université, des journalistes, des écrivains.

 

En 1947, il fonde la Société internationale du Mont Pèlerin (du nom de l’hôtel suisse dans lequel s’est tenue la réunion fondatrice) avec la participation de Ludwig von Mises et d’une quarantaine de participants dont une majorité d’américains (Milton Friedman, Henry Hazlitt, Leonard Read, Frank Knight). Plusieurs tendances s’affrontent au cours de cette réunion mais c’est finalement la tendance « laissez-fairiste » anglo-américaine qui l’emporte sur la tendance sociale-libérale franco-allemande.

 

En 1949, dans un article intitulé « Les intellectuels et le socialisme », Hayek explique que le socialisme ne doit pas son succès à la classe ouvrière mais uniquement au soutien des intellectuels. Pourquoi les intellectuels qui forment l'opinion publique, sont-ils enclins au socialisme plutôt qu'au libéralisme ? La pensée socialiste, répond Hayek, doit en grande partie l'attrait qu'elle exerce à son caractère visionnaire. « Le courage même de s'adonner à la pensée utopique est à cet égard une source de force pour les socialistes et dont le libéralisme traditionnel manque fâcheusement. » (Hayek, 1949)

 

Une philosophie sociale

 

En 1950, Hayek est professeur de sciences sociales à l'Université de Chicago. Il oriente alors ses travaux vers une reconstruction théorique de la philosophie sociale du libéralisme classique. Il a lui-même souligné que la connaissance de l'économie ou des principes de la répartition des ressources, est tout à fait insuffisante pour la compréhension de l'ordre d'une société libre. L’ambition de Hayek est de construire une théorie générale du progrès et de l’évolution des sociétés.

 

Sa thèse sur la société est que celle-ci est une réalité intermédiaire entre nature et artifice. Selon lui, il n’existe que trois interprétations de la société : ordre naturel, ordre construit ou bien ordre auto-organisé. Or la société n’est ni un processus biologique ou organique, ni le fruit d’un contrat volontaire et délibéré. Elle est bien le fruit de l'action des hommes, ce qui la distingue des ordres naturels, mais elle dépasse leurs intentions, ce qui la distingue des ordres artificiels. Hayek se démarque ainsi de la théorie du contrat social de Rousseau et renouvelle les idées des Lumières écossaises : Hume, Adam Smith et Ferguson.

 

Selon Hayek, les sociétés incarnent des traditions culturelles qui sont en concurrence avec d’autres dans une sorte de processus d'évolution. Les traditions les plus « aptes » - les plus propices au bien-être – survivent, s'épanouissent et conduisent leurs rivaux à l'extinction, ou tout au moins à une marginalisation historique. Les peuples les plus prospères, ceux qui se révèlent supérieurs, en termes d’évolution, sont ceux qui respectent la propriété privée, les contrats et la primauté du droit.

 

Enfin, toute société a besoin de règles pour coordonner l’action des individus. Mais une société ouverte, à la différence d’une tribu, est une société qui repose sur des règles abstraites. « La grande avancée qui rendit possible le développement de la civilisation et, finalement, de la société ouverte, fut la substitution de règles abstraites de juste conduite à des fins précises obligatoires. » (Nouveaux Essais). Ces règles sont abstraites c’est-à-dire formelles, universelles et applicables à tout individu sans considération d'appartenance à un groupe particulier. Ces règles ne sont pas délibérément créées, elles sont le fruit d’une croissance spontanée.

 

De même, des structures sociales comme le langage, la morale, le droit ou le marché sont toujours le résultat d’initiatives individuelles indépendantes, non concertées et accumulées au cours des siècles. Une institution comme la propriété n’a pas été construite ou inventée par quelques cerveaux, elle n’a pas été imposée par un gouvernement, elle s’est lentement révélée comme une source de bienfaits et a été codifiée au fil du temps.

 

Hayek, conservateur ou libertarien ?

 

Hayek est aujourd'hui le plus souvent décrit comme libertarien aux États-Unis mais il est aussi revendiqué par les conservateurs traditionalistes comme l’une de leur référence majeure. Comment expliquer ce paradoxe ? Hayek défend un gouvernement limité et un libéralisme classique qui puise son inspiration directement dans la tradition anglaise, de Locke à Mill en passant par Hume et Smith. En 1960, dans un essai intitulé « Pourquoi je ne suis pas conservateur », il s’explique : « Pour le libéral [classique], ni la morale, ni les idéaux religieux ne sont objets propres de coercition. » Et il ajoute « L'idée que les croyances morales concernant les questions de conduite qui n’interférent pas directement avec la sphère protégée d'autrui ne justifient pas la coercition (…) est la caractéristique la plus remarquable du libéralisme classique qui le distingue tout autant du conservatisme que du socialisme. » (La Constitution de la Liberté)

 

Hayek a clairement rejeté le label politique « conservateur » mais certainement pas le sens philosophique que ce concept peut avoir. En effet, sa théorie de l'évolution culturelle est une défense de la tradition, plutôt qu'une attaque contre elle. Selon Hayek, les valeurs morales et culturelles des institutions fondamentales qui ont survécu à travers les siècles et, pour la simple raison qu'elles ont survécu, remplissent très probablement une fonction sociale importante. Les modifications apportées à ces institutions ne sont pas absolument exclues, mais elles doivent toujours être effectuées avec prudence, à titre provisoire et de manière parcellaire.

 

Hayek a appliqué cette défense de la tradition, non seulement aux institutions de la propriété privée et des contrats qui sous-tendent la société de marché, mais aussi à la famille et à la religion. Comme Edmund Burke, Hayek considère que certaines institutions pré-modernes telles que la famille et la religion constituent un rempart contre la puissance de l'État sur l'individu. Sans éducation morale, l'individu ne peut pas développer la force et l'autonomie suffisantes pour résister à l'attrait de la dépendance de l'État.

 

La cible de Hayek dans ce fameux essai est donc essentiellement le conservatisme étatique de la tradition européenne et non le conservatisme whig de la tradition anglo-américaine, axé sur la défense des libertés. Hayek s’est lui-même décrit à la fin de sa vie comme un « Whig burkéen », revendiquant ainsi l’héritage du père du conservatisme moderne.

 

 

 

 

 

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Damien Theillier est professeur de philosophie. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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Eternelle faiblesse spirituelle,metaphysique,philosophique anglo-saxonne et protestantisante fondée sur un nihilisme radical,agnostique,empirique pragmatique,subjectiviste,hédoniste et immoral!La "société ouverte" de Hayek a déclenché 220 guerres depuis 1945 en prépare cent autres et elle en mourra,les états désunis!
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