Ça y est, les
intermittents du spectacle sont sauvés. Dès que la mission de concertation
sur les intermittents a remis son rapport au Premier ministre au début du
mois de janvier 2015, ce dernier a décidé de pérenniser le système. De le
sanctuariser même. Pour cela, il fallait bien une commission confiée à trois
personnes entourées d’experts, de fonctionnaires et de partenaires sociaux,
et six mois de travaux.
D’ici le mois
de juin 2015, a indiqué Manuel Valls, une loi garantira un régime spécifique
d’indemnisation du chômage pour les artistes et techniciens du spectacle.
Ainsi aucune convention d’assurance-chômage ne pourra, à l’avenir, être agréée
par l’État si elle n’inclue pas ce régime d’exception.
Tous les
salariés qui cotisent à l’assurance-chômage, tous les demandeurs d’emploi, en
particulier ceux qui ne sont plus indemnisés par Pôle Emploi, remercient le
Premier ministre. Avec ses 109 000 bénéficiaires et son milliard de
déficit annuel, le régime des intermittents contribue, en effet, au quart du
déficit de l’assurance-chômage.
À n’en pas
douter, avec cette loi, les règles généreuses dont bénéficient les
intermittents ne vont pas disparaître. Elles risquent même, au contraire, de
devenir encore plus avantageuses.
C’est ainsi
que la lutte contre les déficits est menée en France. C’est aussi de cette
manière que le gouvernement entend réduire les inégalités, un combat pourtant
quotidiennement rappelé.
Mais pourquoi
s’étonner ? Après tout, les socialistes ne font que ménager – en
l’occurrence, on pourrait dire ici chouchouter – leur électorat. C’est de
bonne guerre.
À l’opposé,
ceux qui ne sont pas considérés comme leurs électeurs sont plutôt dans le
collimateur. C’est le cas des notaires, par exemple, dont on parle beaucoup
au sujet de la loi Macron débattue depuis des semaines au Parlement.
Ainsi était-il
question d’instiller un peu de concurrence dans les tarifications des actes
notariés. La loi Macron prévoyait initialement de permettre aux notaires de
faire varier leurs prix entre un tarif plancher et un tarif plafond. Bien
organisés, les notaires ont réussi à faire reculer le gouvernement sur ce
point. À la place, une nouvelle usine à gaz devrait voir le jour avec trois
cas de figure possibles pour la fixation des tarifs. Pour un des cas de
figure, les notaires pourraient être autorisés à faire des remises à partir
d’un tarif de référence fixé par l’Autorité de la concurrence. Mais n’entrons
pas dans les détails, le texte n’a pas encore fini d’être examiné par le
Parlement. Il peut encore changé.
La loi vise
également à instaurer une liberté d’installation des notaires afin
d’augmenter le nombre d’offices. Bien entendu, les notaires établis qui ont,
parfois, payé fort cher leur charge, sont vent debout contre la réforme. Leur
intense lobbying continue auprès des sénateurs.
Autre
profession dans le collimateur du gouvernement, les médecins libéraux. Le débat
n’en finit pas autour de la loi Santé préparée par Marisol Touraine.
L’affrontement avec les médecins libéraux porte essentiellement sur la
généralisation du tiers payant. Les médecins refusent la mesure arguant de
leur manque de moyens pour faire face aux travaux de secrétariat dont ils
auraient la charge. Bien entendu, une large majorité de Français est, au
contraire, en faveur de la mesure qui rendrait la consultation médicale, en
apparence au moins, gratuite.
Or, la loi
Touraine conduit inexorablement vers la déresponsabilisation des patients
d’une part, et la socialisation complète du système de santé d’autre part.
Mais de cela, bien peu de syndicats de médecins parlent.
Quoi qu’il en
soit, malgré les grèves et les manifestations des médecins généralistes,
Marisol Touraine semble tenir bon.
Nous ne
disposons pas de chiffres sur la préférence politique des notaires, mais il
est probable que leurs votes se portent plutôt vers les candidats dits de
droite.
Pour les
médecins, quelques sondages existent. En mars 2007, Ipsos attribuait
68 % des intentions de vote des médecins à Nicolas Sarkozy pour le
second tour de l’élection présidentielle. En 2012, dans l’enquête Ifop pour Le
Quotidien du Médecin, Nicolas Sarkozy ne recueillait plus que 58 %
chez les médecins. Une belle chute pour Nicolas Sarkozy, qui restait
cependant largement majoritaire dans cette profession.
Cela démontre
que le gouvernement a adopté ce que j’appelle la « stratégie
Douglas », du nom du ministre travailliste des finances de Nouvelle-Zélande
de 1984 à 1987, Roger Douglas.
Roger Douglas,
alors qu’il avait décidé de supprimer les aides au secteur agricole, avait
répondu aux détracteurs de son propre camp qui s’interrogeaient devant la
dureté de la mesure : « Les agriculteurs ne votent pas pour
nous ; on n’a pas trop à les ménager ». Certains prétendent que la
parole est apocryphe. Quoi qu’il en soit, les conservateurs néo-zélandais
adoptèrent à leur tour cette « stratégie Douglas » en arrivant au
pouvoir et ne ménagèrent pas l’électorat socialiste.
Et si
l’opposition actuelle adoptait cette stratégie ? Si elle s’attaquait de
front aux privilèges des intermittents du spectacle, au régime de retraite de
la fonction publique, à la couverture médicale universelle (CMU) et à l’aide
médicale d’État (AME), etc. ? Pourquoi ne prépare-t-elle pas d’ores et
déjà des textes de lois et leurs décrets pour que les réformes soient votées
dans les jours suivant les élections législatives ? De quoi a-t-elle
peur ? Des manifestations ? Il y en aura, et des violentes !
Mais que craindre d’autre ? Aucun président de la République n’a été
réélu depuis 1981, sauf en cas de cohabitation. Elle n’a donc rien à perdre.
|