Des politiques qui visent peu à
peu à nationaliser des pans entiers de l’économie ne peuvent que créer des
oligarques qui écument des profits sur les ressources naturelles de leur
pays.
Ainsi, vous ne serez
certainement pas surpris d’apprendre que les plus
grosses sociétés énergétiques du monde appartiennent aux et sont gérées
par les gouvernements. Elles incluent Aramco (Arabie Saoudite), Gazprom
(Russie), China National Petroleum Corp (CNPC), National Iranian Oil Co.,
Petroleos de Venezuela, Petrobras (Brésil) et Petronas (Malaisie). Bien que
la manière dont elles sont gérées varie grandement, il n’en va pas de même
pour la direction que prend leur capital.
Bien que nous ayons été inondés
d’articles concernant les scandales qui englobent la société brésilienne
Petrobras, d’autres se démarquent aussi pour avoir créé et maintenu au
pouvoir les hommes politiques les plus intéressants et les plus colorés du
monde, qui ont accumulé leurs richesses au travers de sociétés publiques d’exploitation
pétrolière et gazière pour certains, et par des moyens plus directs pour d’autres.
Cinq affaires d’accumulation de
capital par le biais de sociétés pétrolières publiques se distinguent aujourd’hui :
en Russie, en Azerbaïdjan, au Kazakhstan, en Angola et au Brunei.
Vladimir Poutine, Russie
Les estimations du capital du
président russe, Vladimir Poutine, ne sont indiquées que sous la forme de
fourchettes, parce qu’une majorité de son capital est dissimulé par le biais
de sociétés offshores ou de dispositifs financiers clandestins.
La fourchette la plus basse
commence à 40 milliards de dollars – un chiffre qui date de 2007 et qui est
basé sur les recherches du conseiller du Kremlin, Stanislav Belkovsky, que ce
dernier a plus tard porté à 70 milliards de dollars. Avec un tel capital,
Poutine devrait figurer sur la liste des dix plus riches milliardaires du
monde établie par Forbes mais, comme l’a expliqué le magazine en 2015, son
incapacité à vérifier les actifs du président russe implique qu’il ne puisse y
être inscrit.
Un peu plus tôt cette semaine, l’International
Business Times a déclaré que la fortune de Poutine s’élèverait aux alentours
de 200 milliards de dollars.
Une grande partie du capital de
Poutine provient de ses intérêts sur le secteur pétrolier. Il est dit
posséder 37% de Surgutneftegaz, 4,5% de Gazprom, et une part substantielle du
négociant de produits de base, Gunvor.
« Au moins 40 milliards de
dollars, a expliqué Belkovsy au Guardian
en 2007. Nous ne pouvons pas déterminer de maximum. Je suspecte qu’il existe
aussi des entreprises dont je ne connaisse rien. »
Les trophées de richesse de
Poutine sont loin d’être subtils. Son palais d’un milliard de dollars sur la
Mer Noire est composé « d’une magnifique façade à colonnes qui n’est pas
sans rappeler les palais ruraux construits par les tsars russes du XVIIIe
siècle, » comme l’a expliqué la BBC, qui a aussi publié des preuves
selon lesquelles une caisse noire aurait été créée par un groupe d’oligarques
pour construire le patrimoine de Poutine.
Ce n’est évidemment pas un mode
de vie que pourrait se permettre quelqu’un dont le salaire annuel déclaré
s’élève à environ 140.000 dollars.
Dans un dossier publié en 2012,
l’ancien vice-premier ministre Boris Nemstov (qui a plus tard été assassiné),
a expliqué que le président russe possède un total de vingt palaces, quatre
yachts et 58 avions.
« Dans un pays où 20
millions de personnes ont du mal à joindre les deux bouts, la vie luxueuse
que mène le président est une effronterie, une défiance cynique par un
potentat arrogant envers la société, » aurait-il dit, selon le Telegraph.
Mais selon Poutine lui-même, son
capital ne se mesure pas en sommes d’argent. Dans le livre de Steven Lee
Myers intitulé The New Tsar, Poutine est cité comme ayant dit : « Je
suis l’homme le plus riche qui soit, non seulement en Europe, mais dans le
monde entier : je collectionne les émotions ».
« Je suis riche dans le
sens où le peuple russe m’a confié à deux fois la responsabilité d’une grande
nation comme la Russie. C’est là ma plus grande richesse. »
Azerbaïdjan
En 2003, Ilham Aliyev est devenu
le nouveau président élu de l’Azerbaïdjan. Treize ans plus tard, son nom des
apparu dans les Panama Papers – une fuite colossale de documents financiers
issus du cabinet juridique Mossack Fonseca, basé dans le Panama, qui ont
révélé les ententes douteuses de certains des personnages politiques les plus
puissants de la planète.
Quelques mois avant les
élections présidentielles d’octobre 2003, Fazil Mammadov, le ministre des
contributions du pays, a entamé la procédure de création d’AtaHolding – une société
qui est plus tard devenue l’un des plus gros conglomérats du pays. Elle a de
gros intérêts dans les télécommunications, la construction, l’industrie
minière, et la production de pétrole et de gaz, qui représenteraient selon
les déclarations de 2014 quelques 490 millions de dollars.
Une deuxième entité, cette
fois-ci une fondation du nom d’UF Universe, possède plus d’actifs encore,
mais les lois du Panama sur la confidentialité des fondations sont très
strictes, ce qui rend plus difficile la divulgation d’une somme exacte en
dollars.
Les deux filles et la femme d’Aliyev
ont également des liens avec des sociétés offshores gérées par Mossack
Fonseca. Par ailleurs, Aliyev vient de nommer sa femme vice-présidente de l’Azerbaïdjan.
Combien vaut aujourd’hui la plus
grosse famille pétrolière du monde ? Personne ne peut en être sûr, mais
elle vaut certainement assez pour figurer sur cette liste.
Kazakhstan
Le président à vie du
Kazakhstan, Nursultan Nazarbayev, a aussi vu son nom apparaître dans les Panama
Papers. Il possède deux sociétés enregistrées dans les Îles Vierges
britanniques, auxquelles il a eu recours pour opérer un compte bancaire au
solde inconnu, ainsi qu’un yacht de luxe.
Ces révélations ont été
particulièrement chargées d’hypocrisie, en raison de la campagne menée par
Nazarbayev pour encourager les riches de son pays à rapatrier leurs fonds
depuis l’étranger afin de les rendre plus facilement imposables.
« Nous avons éduqué beaucoup
de riches : milliardaires, millionnaires, » a-t-il décrété quand le
prix du pétrole s’est effondré en 2014, et que le gouvernement a commencé à
utiliser des fonds souverains pour financer ses opérations. « Ils friment ;
ils ont leur photo dans Forbes. Ils ont l’air bien, avec leur maquillage,
leur apparence soignée, leurs beaux vêtements. Mais c’est le Kazakhstan qui
leur a permis d’accumuler tout cet argent… Rapatriez votre fortune. Nous vous
pardonnerons. »
Angola
La situation pourrait être sur
le point de changer dans le pays, le président Jose Eduardo dos Santos ayant
récemment annoncé son intention de quitter ses fonctions après plusieurs
décennies au pouvoir, et de ne pas se présenter aux élections présidentielles
au mois d’août prochain. Il prévoit toutefois de continuer de contrôler le
parti au pouvoir. En Angola, la fortune n’est question que de la société Sonangol,
qui a été entachée par la controverse depuis que le président a nommé sa
fille directrice de la société publique.
L’Angola dispose d’énormes
richesses pétrolières, mais une grande majorité des 22
millions d’habitants du pays vivent dans la pauvreté. Selon ses
critiques, le président aurait créé une élite pétrolière qui consiste majoritairement
en les membres de sa famille. Cette combine a toutefois été lourdement
frappée par le déclin du prix du pétrole qui a commencé en 2014, et le peuple
angolais appauvri se montre aujourd’hui bien moins complaisant.
La fille du président,
dont la valeur était estimée à 3,4 milliards de dollars avant qu’elle prenne
les rênes de la société publique, a été qualifiée par Forbes de « plus
riche femme d’Afrique ».
Brunei
Voilà un pays qui ne figure certainement
pas sur votre radar.
Les vastes réserves de pétrole
et de gaz naturel du pays ont fait du sultan Hassanal Bolkiah l’un des chefs
d’Etat les plus riches du monde. Le patrimoine du sultan s’élèverait à au
moins 40 milliards de dollars, et bien que « son » capital
appartienne officiellement au Brunei, il est en réalité entre les mains de la
famille royale.
Le Brunei est le plus gros
producteur de pétrole de l’Asie du Sud-est, avec une moyenne de 180.000
barils par jour. La famille royale du Brunei contrôle tout ce qui touche au
pétrole depuis les années 1970, et la distinction entre les actifs de la
famille royale et les actifs nationaux est de plus en plus floue.
Vulnérables ou
pas ?
Aucun de ces chefs politiques
pétroliers n’est véritablement vulnérable – pour le moment. Pour qu’ils le
deviennent, il nous faudrait un évènement tel que celui qui a fait tomber Kadhafi
(qui aurait eu une valeur de 200
milliards de dollars) en Lybie.
Au Brunei, la situation est
peut-être en train de changer, auquel cas le patrimoine du sultan se trouvera
considérablement réduit. La production de pétrole du pays a diminué de 40%
depuis 2006, et ce qu’il en reste a perdu énormément de valeur en raison du
déclin du prix du pétrole. Le pétrole représente près de 96% des exportations
du Brunei – ce qui est plus encore que les exportations pétrolières de l’Arabie
Saoudite, du Koweït et des Emirats Arabes Unis. Le Brunei pourrait tomber à
court de pétrole d’ici vingt ans, quoi que le sultan possèdera alors encore
suffisamment de biens fonciers pour s’en sortir.
Le président de l’Angola va
quitter ses fonctions, et la crise du pétrole l’a beaucoup affecté. Il n’en
est pas moins qu’il continuera de contrôler le parti au pouvoir, et que le
nouveau président devra s’en remettre à lui (ainsi qu’à sa fille).
Au Kazakhstan, Nazarbayev est
président à vie. En Azerbaïdjan, la famille au pouvoir est plus puissante que
jamais, et s’efforcera de le rester par tous les moyens nécessaires. En
Russie, les sanctions n’ont simplement pas fonctionné, parce qu’elles ont été
pensées pour prendre pour cible ceux qui entourent Poutine, et que Poutine
semble avoir érigé un système qui les rend plus exposés à lui-même qu’à qui
que ce soit d’autre.
Comme l’a expliqué l’homme d’affaires
russe et ancien ami de Poutine, Sergei Pugachev, au Guardian - des propos qui
ont été rapportés par l’U.S.
News and World Report : « Poutine considère sien tout ce qui
appartient au territoire de la Fédération Russe. Tout – Gazprom, Rosneft, les
sociétés privées. Toute tentative de calculer son patrimoine ne peut qu’échouer.
Jusqu’à ce qu’il quitte le pouvoir, il sera l’homme le plus riche du monde. »