Les élections françaises ne laissent vraiment pas nos voisins indifférents, et c’est évidemment le cas pour nos amis suisses qui s’inquiètent de l’avenir de leur monnaie.
Cet article de La Tribune de Genève est très intéressant également en ce qui concerne l’attitude des Américains et la manière dont les menaces de l’Oncle Sam sont perçues outre-Atlantique.
Un troisième larron est venu s’insinuer dans le dilemme monétaire de la Suisse. Que faire si d’aventure l’extrême droite ou l’extrême gauche accédait à la présidence de la République française ? Le franc se trouverait soumis à de très fortes pressions à la hausse, ce qui placerait une nouvelle fois notre institut d’émission devant un choix cornélien : ne rien faire ou si peu, au risque de compromettre encore davantage la compétitivité de quelques branches clés de l’économie. Ou intervenir massivement sur le marché des changes pour tenter d’atténuer le choc, mais se retrouver du même coup dans la situation fort désagréable de « manipulateur de sa monnaie » aux yeux du Trésor américain.
La perspective n’est plus aussi improbable depuis que le candidat de La France insoumise s’est hissé dans les sondages à des hauteurs égalant, sinon les dépassant, celles des deux autres proches poursuivants. La Banque nationale suisse ne peut ignorer pareille issue du scrutin présidentiel et a certainement dû se préparer à divers scénarios, dont celui d’une répétition des séquences de 2011 et 2015, à savoir respectivement l’introduction puis la levée du cours plancher du franc face à l’euro.
Mais la nouveauté est celle de la surveillance par les États-Unis des politiques monétaires de ceux de leurs partenaires commerciaux qui se seraient engagés dans des pratiques déloyales en matière de change. Dans son dernier rapport au Congrès sur le sujet, le Département du Trésor place pour la seconde fois la Suisse sur la short list des pays à surveiller attentivement à cet égard, aux côtés de la Chine, du Japon, de la Corée, de Taïwan et de l’Allemagne. Triste privilège, à peine atténué par la reconnaissance de la singularité de son cas (la Suisse ne cherche pas à défendre le surplus de sa balance courante mais à contenir la trop forte appréciation de sa monnaie), qui lui vaut une provisoire rémission de son péché, sans que pour autant elle n’en soit totalement absoute. Elle pourrait en effet, lui recommande avec une certaine insistance le gendarme de Washington, s’appuyer davantage sur la politique budgétaire (lire : accroître sa dépense publique) et l’instrument des taux d’intérêt (comprendre : les rendre encore plus négatifs).
Par une curieuse coïncidence, la BNS vient de modifier la base de calcul de son indice de cours de change du franc. La nouvelle méthode, qui reprend le système de pondération du FMI, introduit passablement de nouveautés, avec pour effet principal la diminution assez sensible du poids de l’euro au profit des monnaies d’autres pays et surtout de la Chine. Résultat des courses, l’indice nominal ne change guère, mais l’indice du cours de change réel apparaît sensiblement moins élevé qu’auparavant. Faut-il y voir une moindre attention désormais portée à l’évolution du cours du franc par rapport à l’euro (puisque moins surévalué que prétendu jusqu’ici), et donc une plus grande tolérance pour son niveau actuel, qui demeure quoi qu’on dise lourd à porter pour les exportateurs et les victimes du tourisme d’achat ? Ou une préparation des esprits à l’éventualité d’une issue calamiteuse de la présidentielle française ? Le fait est, en tout cas, que la nouvelle méthode est de nature à rendre statistiquement plus supportable le niveau, pourtant toujours élevé, du cours du franc. (TDG)
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