Jacques de Larosière est une éminence grise française. Il est notamment un ancien directeur général du FMI mais également un ancien gouverneur de la Banque de France à une époque ou l’euro n’était pas encore là et ou la banque de France avait vraiment du travail.
Il a donc de façon générale une réelle expérience et également une grande discrétion de celle des grands commis de l’État.
Or Monsieur de Larosière est tout sauf fondamentalement optimiste sur notre avenir économique. Ses constats sont les mêmes que ceux que l’on peut dresser de notre côté.
Disons qu’il amène de l’eau à notre moulin dans ce sens, où même des sommités, lorsqu’elles veulent bien dire la vérité, ont une analyse qui aboutit aux mêmes inquiétudes que celles que je soulève à longueur d’article dans les colonnes d’Insolentiae.
Il résume tout cela sous le concept fort intéressant de lames de fond. Des lames de fond qui vont nous déferler dessus, et tout bon marin sait quel danger elles peuvent représenter.
Un vieillissement sans précédent de la population mondiale
La première grosse lame de fond, c’est le vieillissement de la population.
Pour lui, les retraites ne sont pas financées, pas plus qu’elles ne sont finançables dans l’état actuel des choses, et le recul de l’âge de départ à la retraite est inéluctable.
De même, il faudra finir par lier la valeur du point d’indice aux sommes réellement disponibles dans les caisses de l’État.
Autant dire que de vous à moi, cela va couiner dans certaines chaumières.
Dans tous les cas, quand les caisses sont vides, on peut se tortiller dans tous les sens, mais elles sont vides !!
La deuxième grosse lame c’est évidemment la dette
Nous bénéficions de taux très faibles, ce qui permet de réduire à pas grand-chose les charges du service de la dette tout de même de 45 milliards, soit le 2e budget après l’Éducation nationale, ce qui n’est pas négligeable du tout.
Ce service de la dette plombe littéralement notre économie et la plombera d’autant plus que les taux monteront.
Pour sortir d’un endettement fort, soit on se sert la ceinture et c’est dur, soit on fait faillite et c’est dur. Soit on attend le retour de la croissance… et on peut toujours rêver…
Cette situation de taux bas n’est pas destinée à durer
La France dépense presque 58 % en dépenses publiques, ce qui est énorme (la moyenne européenne est à 48 %). Comment c’est financé ? Par l’impôt et la dette.
Mais presque tout est payé par le travail et repose sur le travail à travers des cotisations sociales très lourdes avec 7 points de PIB en surcharge pour les entreprises qui sont donc par nature non compétitives.
Il faut donc permettre aux entreprises de recruter et d’investir. Si vous voulez réduire le chômage, alors il va falloir baisser de façon drastique la fiscalité sur les entreprises.
Bien évidemment, la baisse des charges n’est pas l’alpha et l’oméga, vous savez ce que j’en pense. Pour aller plus loin, je pense même que les grandes entreprises délocalisent massivement, robotisent et informatisent, bref, elles ne créent plus vraiment d’emplois, elles en détruisent, ce qui n’est pas le cas des TPE et PME.
L’effort de baisse de charges doit être concentré de manière considérable sur les entreprises de moins de 500 salariés. Cela devrait être une priorité absolue économiquement parlant.
N’oubliez pas que notre pays compte plus de 3 millions de sociétés dont seulement 40 dans le CAC 40 !!
Des banques centrales pyromanes
Les banques centrales ont beaucoup facilité l’endettement de l’économie aussi bien des agents privés qu’économiques.
En achetant les titres qui ne trouvaient pas preneurs, les banques ont sauvé le système lors de la crise des subprimes mais elles ont prolongé cette aisance monétaire après la crise, et à son sens, les banquiers centraux ont voulu trop bien faire en monétisant le système d’une manière excessive, et cette facilité d’endettement avec des taux 0 pose problème et l’on ne peut presque plus en sortir. C’est un peu le problème de l’addiction et il faut normaliser cela petit à petit, en travaillant beaucoup du point de vue de la communication pour ne pas déclencher de panique.
L’objectif des banques centrales est d’assurer la stabilité monétaire et celle du système financier. S’il y a trop de crédit, alors il y a création de bulles financières boursières ou obligataires. C’est le cas actuellement.
Avec le retour à une croissance plus normale, il faut revenir à des concepts plus classiques en termes de politiques monétaires et surtout ne pas le faire brutalement.
Il pense que la recette américaine de normalisation actuelle ne peut en aucun cas fonctionner en Europe parce que le mode de financement de l’économie dans ces deux zones est profondément différent.
La financiarisation de l’économie mondiale et le regret… de l’étalon-or !!
J’en finirai avec ce point qui est fondamental et qui ne peut que ravir le « goldeux » que je suis.
Depuis le milieu des années 70, le système financier mondial s’est déréglé, en pensant que l’on peut se sortir de tous les problèmes avec de l’argent, avec encore plus d’argent… basé évidemment sur la dette.
Or à partir d’un certain pourcentage (environ 70 %), l’endettement devient porteur de menaces plus grandes que les avantages retirés de cet endettement.
Il souhaite un système monétaire international de plus grande discipline, il indique même que la chute du système de Bretton Woods a donné naissance à ce système fou.
Sous Bretton Woods, les taux d’endettement des pays étaient en moyenne de 17 à 20 %. Aujourd’hui, c’est plus de 100 % en termes réels ! Une augmentation colossale donc.
Cela est donc de la folie. Et les effets cumulés de ces facilités d’endettement sont considérables.
Il faut donc réparer le dégât avec une cohérence de la vue d’ensemble.
Fabrique-t-on la prochaine crise ?
Jacques de Larosière va conclure son intervention sur ces paroles que certains trouveront inquiétantes et qui pour nous, les impertinents, semblent frappées au coin du bon sens paysan qu’est le nôtre.
« Si on continue la politique d’endettement actuelle, ça ne pourra pas bien se passer et ça finira mal, et nous devons commencer à remettre les pendules à l’heure. Le fait d’augmenter tous les ans la dépense publique n’est plus tenable, il faut être sérieux et il faut attaquer ce problème. »
Je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !