L’argent se présente de plus en plus comme le métal précieux du
XXIe siècle et pourrait bien par-là même ne plus subir la pression ou les
contraintes que les marchés imposent à son grand frère doré.
Qu’il s’agisse des gesticulations désespérées des banques
centrales pour maintenir les devises-dettes à flot, l’explosion des cryptomonnaies
dont le bitcoin risque de devenir le détonateur (au sens
dramatique du terme) ou encore les récents scandales relatifs aux
manipulations du cours des métaux précieux par certaines banques systémiques,
tout semble avoir été savamment orchestré pour maintenir les métaux
précieux dans les sous-sols obscurs de l’investissement.
Une création de richesse dévoyée
Alors, certes, l’or et l’argent ne sont pas des actifs de
spéculation, en ce sens qu’ils ne produisent pas plus de richesse qu’ils en
représentent physiquement. Pour cela, il y a les actions par exemple, qu’on
achète un certain prix et dont on multiplie ensuite la valeur sur fond de
promesses de résultats théoriques ou encore de prospectives fumeuses sur
l’évolutions d’un marché que, finalement, personne ne maîtrise vraiment. Créer
de la richesse à partir de la richesse est devenu l’objectif ultime,
alors que la logique voudrait que ce soit l’économie qui
crée de la richesse, laquelle à son tour permettrait de dynamiser l’économie,
qui alors pourrait créer plus de richesse encore, et ainsi de suite. Ce temps
et cette philosophie semblent désormais révolus.
Aujourd’hui, après une période historiquement basse sur le front des
taux d’intérêt, mais aussi une certaine résistance des devises (et
en particulier du dollar) en dépit des signes qui devraient
au contraire en précipiter le déclin, le cours des métaux précieux
reste paradoxalement au plus bas. Pourtant, il se pourrait que l’argent
connaisse un destin un peu différent de celui que les financiers de la dette
aimeraient réserver à l’or.
L’argent à mi-chemin entre l’investissement et le financier
Car l’argent n’est pas qu’un simple métal précieux
d’investissement, il est en réalité bien plus que cela, à mi-chemin
entre le monde financier et le monde industriel. Et c’est ce qui pourrait
tout changer. Son rôle dans l’industrie, justement, est en train de prendre
une importance grandissante à mesure que se développent les technologies
à forte croissance, comme par exemple la micro-chirurgie, l’énergie
solaire ou encore l’essor des voitures autonomes.
Ainsi, sur ce dernier sujet notamment, une conférence du Silver Institute
qui s’est tenue le mois dernier a mis l’accent sur les extraordinaires
perspectives de débouchés pour l’argent métallique dans le
domaine du transport autonome. Car cette technologie se révèle
particulièrement gourmande en argent. Steve Gehring, vice-président de la
sécurité et de l’automatisation connectée chez Global Automakers, a ainsi
expliqué que la demande en argent devrait croître de manière très
significative dans les mois ou les années à venir en raison des
utilisations multiples de ce métal parfois irremplaçable dans un grand nombre
de dispositifs de sécurité : radars et caméras de recul, vision nocturne,
système de détection d’objets, ou encore gestion des intersections sont des
exemples de technologie automobile autonome (ou pas, d’ailleurs) qui reposent
sur l’utilisation de l’argent.
L’argent dans l’énergie solaire
De son côté, le secteur de l’énergie solaire continue à
accroître ses besoins en argent métallique, même si le processus d’évolution
se révèle plus lent, car l’industrie commence à plafonner en matière
d’innovation commercialisable. Toutefois, les fabricants travaillent
actuellement sur de nouveaux procédés qui devraient voir le jour à l’horizon
2020. Et même s’ils s’efforcent de rendre leurs processus moins gourmands en
métaux précieux, l’argent restera un composant majeur des panneaux
solaires car c’est l’une des matières dont le ratio
durabilité/réflexion est le plus élevé. Ainsi, aujourd’hui, les panneaux sont
constitués de “pâte d’argent” composée à 90% d’argent pur et
10% de verre et autres liants.
Par ailleurs, on s’attend à ce que les deux industries précitées (voitures
autonomes et énergie solaire) se rejoignent, car l’autonomie des véhicules se
fera également de plus en plus au niveau de leur alimentation en énergie.
L’argent comme acteur essentiel de notre bien-être futur
Un dernier domaine de croissance favorable à l’argent, moins connu mais
tout aussi indispensable à notre avenir est celui de la santé.
Car l’une des caractéristiques intrinsèque de ce métal précieux est qu’il a
une action naturellement bactéricide. En clair, c’est un
formidable destructeur de microbes et de germes pathogènes en tous genre,
quasiment sans aucun effet secondaire. Encore faut-il savoir l’utiliser au
bon endroit et suivant les protocoles les plus efficace. En d’autres termes,
vous ne guérirez pas d’une pneumonie en avalant une Vera Silver
comme un simple comprimé de paracétamol ! [ce qui d’ailleurs pourrait
entraîner des complications médicales sévères comme l’argyrisme car l’argent
n’est pas destiné à être ingéré en grandes quantités non plus dans
l’organisme]. Plus sérieusement, l’argent est d’ores et déjà utilisé de
plus en plus systématiquement dans des bandages imprégnés de
solutions argentiques ou encore pour certains cathéters.
Plus technique, mais tout aussi essentiel dans le domaine médical où la
stérilisation est essentielle, l’argent est également utilisé dans la
conception des écrans tactiles en verre dans les laboratoires, les
blocs opératoires et autres sites devant préserver un environnement aseptisé.
Selon le Docteur Trevor Keel d’Agility Health Tech, «non seulement le
taux de transmission de la lumière est de 98% pour l’argent, contre 96% pour
le graphène et 91% pour les oxydes d’indium, mais les propriétés
antibactériennes de l’argent dans les panneaux tactiles en font un composant
essentiel pour éviter les surcontaminations.”
Plus près de nous, cette nouvelle technologie pourrait également rejoindre
notre vie quotidienne, surtout depuis que l’on sait que nos smartphones
recèlent parfois plus de germes qu’une cuvette de WC. Par
exemple, l’entreprise Corning GLW a développé le premier verre de protection antimicrobien
au monde qui pourrait prochainement équiper non seulement, nos smartphones,
nos tablettes numériques, mais aussi les écrans de plus en plus omniprésents
dans nos automobiles (GPS notamment) ou encore l’architecture, avec des
vitres (presque !) autonettoyantes. Enfin, toujours dans l’optique d’une vie
plus saine, la société Folia Water a mis au point un filtre à eau
relativement bon marché fabriqué à base de fibres mêlées à de l’argent pur.
Indépendamment des cours des métaux précieux, la demande d’argent
métallique risque bien d’exploser
On le voit, la demande en argent risque de connaître une
forte augmentation, d’autant plus que la plupart de ces utilisations
industrielles a une fâcheuse tendance à détruire définitivement le métal
utilisé. Des procédés de recyclage sont également à l’étude
mais leur développement est lent tandis que leurs résultats restent encore
très loin des attentes.
Le consensus général est donc, qu’aujourd’hui, le prix de l’argent
est bien trop bas compte tenu des difficultés à trouver et à
exploiter de nouveaux gisements. Le métal blanc a trop longtemps été corrélé
à son grand frère doré, alors qu’on voit aujourd’hui que leur destin est
radicalement différent. Ne doutons pas que l’or finira lui aussi
aussi par retrouver la place qu’il mérite au rang des richesses légitimes
(ces fameuses “bonnes monnaies” qui chassent toujours les mauvaises un jour
ou l’autre). Mais l’or et l’argent sont deux choses différentes, ayant des
fonctions et des utilisations indépendantes. L’or est une véritable
monnaie, tandis que que l’argent est une matière première disposant
en outre d’une valeur monétaire qu’on pourrait qualifier de secondaire (même
si le terme est péjoratif).
Traditionnellement, historiquement même, une once d’or valait 15 à 20
onces d’argent suivant les époques. Aujourd’hui, avec un ratio plus près de 1
pour 75, l’argent est non seulement particulièrement sous-évalué en
tant que monnaie, mais il est surtout complètement décorrélé de la
vraie valeur qu’il représente pour notre société du XXIe siècle.