C’est avec une stupéfaction créée par le manque criant d’originalité qu’on apprend que des terroristes ont eu, il y a un an, le projet de faire sauter des explosifs à la Tour Eiffel, probablement le monument le plus symbolique et certainement le plus lucratif de Paris.
Et si ce projet précis n’aura pas vu le jour suite à la prévisible médiocrité des terroristes qui auront été obligés d’improviser les attentats de Barcelone en août 2017, il n’en reste pas moins que la menace terroriste a été prise au sérieux par les autorités de la Ville de Paris qui se sont donc empressées de mettre en place un important dispositif autour du monument.
Ou presque : lancés à l’automne 2017 par une Mairie de Paris soucieuse de donner des gages de sécurité aux millions de visiteurs qui passent par ce monument tous les ans, les travaux de sécurisation de la Tour Eiffel ont pris quelques retards.
En juin pourtant, on lisait – dans une presse bizarrement réjouie de voir l’attraction touristique toute entourée de barrières et de plots relativement inesthétiques – que tout serait prêt pour l’été.
Le but restait bien sûr d’éviter de gêner les touristes qui passent en flots compacts, surtout en cette saison, et qui ont le bon goût, par leurs achats de billets et autres consommation sur place, de financer tout cela. Au vu de la facture (plus de 35 millions d’euros tout de même), on comprend l’enjeu.
Las ; c’était sans compter sur le facteur « Secteur du bâtiment » qui, comme en informatique et en politique, entraîne automatiquement retards et dérapages de planning. Si l’on y ajoute le facteur « Domaine public » et « Payé par l’argent des autres », il était inévitable que le chantier s’éternise, que les délais et les factures s’allongent.
Nous voilà en Juillet, et tout indique que les travaux dureront plus longtemps que prévu. Rassurez-vous cependant puisqu’avec un peu de communication optimiste, les travaux seront finis pour le 14 juillet.
Ah bah non.
Fin juillet, on continue à bricoler furieusement autour du parvis de la Tour. Ce n’est pas grave puisque le feu d’artifice était magnifique d’autant plus qu’il n’a pas eu lieu au niveau du parvis de la Tour, maintenant encombré de plots, de barrières et d’engins de terrassement. Néanmoins, les flots de touristes se massent, perdus et par centaines, devant l’un ou l’autre pied sans bien comprendre où commence la queue d’attente ou s’ils sont au milieu du chantier, le manque d’indications claires ajoutant à la confusion générale d’une organisation typiquement française où le client n’est pas roi, se démerde et tant pis pour lui.
Et alors que le chantier s’achemine doucement (bien doucement) vers sa clôture, un nouveau problème fait jour : la nouvelle organisation des files d’attentes aux pieds de la Tour aboutit à des queues monstrueuses et des temps d’attente extrêmement longs ce qui, ajouté à la désorganisation complète du site, déplaît de plus en plus aux touristes. Pourtant, l’idée de base était séduisante qui consistait à séparer les visiteurs munis de billets horodatés des autres, venant spontanément. Hélas, le remplissage des ascenseurs est directement dépendant des flux réels et certaines plages horaires sont beaucoup plus demandées que d’autres. Bilan : à certaines heures, l’ascenseur réservé pour la file des tickets réservés partait à vide, pendant que l’autre, pour les tickets spontanés, ne désemplissait pas.
Et alors que les températures estivales grimpent, rendant ces files épuisantes (voire dangereuses pour les moins résistants au soleil caniculaire), les problèmes de queues vont trouver rapidement un dénouement heureux grâce à l’intervention évidemment salvatrice de la CGT. Faisant goûter aux touristes une autre spécialité française – à savoir, une bonne grève (on dit peut-être grévatine dans le Sud ?) – le syndicat fait fermer la Tour pendant une journée. Et toc.
L’accord trouvé dans la foulée permettra un rapide retour à la normale après une journée d’interruption complète. Et par retour à la normale, on comprendra « abandon de la nouvelle organisation »…
On pourrait s’arrêter là, mais ce serait oublier que, pendant ce temps, en cuisine aussi les choses tournent au vinaigre.
Oui, vous avez bien lu : en cuisine aussi.
Il semble en effet que le changement de prestataire des cuisines des deux principaux restaurants du premier et second étage de la Tour Eiffel, jusqu’alors sous la direction du chef Ducasse, ne se passe pas aussi bien que prévu.
Magie du capitalisme de connivence à la française, d’appels d’offres plus ou moins bien bâtis et de petits arrangements entre SETE, Mairie de Paris et prestataires de restauration, le renouvellement de la concession a laissé le chef Alain Ducasse sur le carreau pour un remplacement par Frédéric Anton (3 étoiles au Pré Catelan) et Thierry Marx (2 étoiles au Mandarin Oriental), provoquant l’ire du premier et une belle bataille juridique en perspective.
Cette bataille aura-t-elle un impact sur les tables de la Tour ? Si l’on se base sur la façon dont furent gérés les changements de contrats à la Mairie de Paris, pour les Vélib ou les Autolib, on peut raisonnablement s’inquiéter.
La Tour Eiffel est le monument payant le plus visité d’Europe et à ce titre, on comprend que la Mairie de Paris tente de faire le nécessaire pour conserver l’édifice dans le meilleur état d’accueil et de sécurité possible, d’autant que son exploitation est largement bénéficiaire. Cependant, force est de constater qu’à l’instar des autres dossiers de la Ville de Paris, l’actuelle équipe municipale s’est une nouvelle fois pris les pieds dans le tapis, et les péripéties rencontrées par la Dame de Fer s’ajoutent à la hausse de l’insécurité parisienne, la pollution que les réaménagements douteux n’ont pas améliorée, les consternants cafouillages cyclistes ou les infestations de rongeurs (socialistes et autres).
En 2024, la Ville de Paris accueillera les Jeux Olympiques. On peut d’ores et déjà s’inquiéter si c’est la même équipe municipale. Et si les élections de 2020 l’ont remplacée, la nouvelle n’aura que deux ans pour redresser la barre…
Forcément, ça va bien se passer.