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J'ai eu le
plaisir de voir mon article qui suit retenu et publié par la revue
financière suisse AGEFI haute finance,
numéro hors série d'avril 2009, "La crise,
et après ?" - A noter également au sommaire,
entre autres auteurs remarquables, des articles écrits par Jorg Guido
Hülsmann, Christian Gérondeau, Mathieu Laine et Jan Krepelka. Et
une floppée de sommités de la finance helvétique.
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Sauver les banques sans spolier
les contribuables, c'est possible !
Les plans de sauvetage des banques décidés un peu partout se
succèdent mais ne semblent apaiser en rien les craintes des
investisseurs quant à leur solidité.
Quelles sont les
options, considérations politiques mises à part, qui s'offrent
aux états ?
La
première d'entre elle serait de ne rien faire. Cela fait sens
moralement: pourquoi l'Etat devrait il employer le produit de l'impôt,
prélevé à des gens qui n'y sont pour rien, à
sauver des banques aux dirigeants arrogants qui ont lamentablement failli ?
Si une boulangerie peut faire faillite, pourquoi pas une banque ?
Hélas, ne
rien faire n'est pas une option, car une faillite en cascade de grandes
banques de dépôt obligerait les états à faire
jouer à grande échelle leurs dispositifs de garantie des
comptes bancaires, ce qui coûterait bien plus cher aux contribuables in
fine, en supposant que la solvabilité des états soit garantie.
Rachat d'actifs
toxiques par l'état: une mauvaise approche
Nombre
d'états se sont engagés dans des plans de rachat des actifs de
mauvaise qualité des banques. Mais que ce soit dans le cadre du plan
Paulson (TARP) ou dans celui de la création de « bad
banks », cette réponse n'est pas la bonne.
Tout d'abord,
elle perpétue l'aléa moral évoqué
précédemment. En perpétuant l'idée que
l'état viendra en aide aux établissements qui ont mal
géré leur activité, ces rachats d'actifs
toxiques préparent le terrain des crises de demain.
Mais il y a pire:
cela ne sauvera pas
le système bancaire.
Ces rachats
transforment des titres obligataires devenus totalement
illiquides en espèces, reportant sur le trésor public la
charge d'en tirer le meilleur prix. Toutefois, l'Etat ne
rachète fort heureusement pas ces bons au cours nominal mais
à une valeur grossièrement dépréciée.
Les banques
détentrices doivent donc inscrire à leur actif cette
dépréciation, laquelle se traduit au passif par une
réduction de leurs fonds propres TIER1. Or, les banques vivent depuis
longtemps sur des modèles financiers à très fort effet
de levier, sans fonds propres suffisants pour absorber une répétition
de telles pertes. En outre, ces dépréciations les obligent,
coefficients prudentiels de Bâle obligent, à réduire
leurs encours de prêts et d'investissement, ce qui renforce leur effet
procyclique, accentuant les difficultés de financement de
l'économie non financière, et donc le risque de faillite de
leurs clients... ce qui dégradera la qualité des prêts
inscrits à l'actif des banques, et ainsi de suite ! Terrible cercle
vicieux, menant à des faillites spectaculaires.
Ces
opérations de défaisance ne règlent pas le
problème majeur que révèle la crise: le niveau des fonds
propres bancaires est insuffisant pour faire face aux risques qu'elles
détiennent dans leur portefeuilles d'actifs. En bon français,
elles sont structurellement insolvables.
Arguments pour
des procédures de restructuration rapide du passif
Les banques ne
sortiront de l'impasse financière qui est la leur en
désendettant le passif de leur bilan, et donc en concluant à
grande échelle des accords d'échange « dette contre
capital ».
De tels accords sont le moyen usuel de résoudre les faillites
importantes dans les entreprises non financières. Leur
intérêt est de soulager les trésoreries en
éloignant le spectre de l'insolvabilité, car une fois
transformée en parts du capital, la dette cesse de devoir être
remboursée. A court terme, le créancier subit une perte, au
même titre que les actionnaires, mais il conserve l'opportunité
de se refaire si la banque, une fois recapitalisée, retrouve,
grâce à une amélioration de sa gestion, un cours de
bourse digne de ce nom.
Les obstacles
à la conclusion de ce type d'accords sont nombreux. Tout d'abord, leur
négociation est généralement longue et les empoignades
entre actionnaires et créanciers sont parfois homériques.
Quitte à devoir intervenir, l'état pourrait forcer, en cas de
quasi-faillite constatée d'une grande banque, un tel accord
« express », par exemple sur la base de la conversion
automatique de 20% des dettes en capital au dernier cours coté. Les
actionnaires, de toute façon lessivés par la perspective d'une
faillite, se consoleraient en partageant une petite partie de la peine avec
les créanciers. Certes, une telle procédure ne serait pas sans
poser quelques problèmes éthiques, car pas exactement
respectueuse du droit de propriété. Mais lorsque l'alternative
consiste à faire payer aux contribuables les fautes de gestion des
mauvaises banques, la morale...
En outre, aux
USA, la législation fiscale considère les abandons de
créances... comme un bénéfice exceptionnel, donc taxable
! Cette disposition qui empêche de facto la résolution de bien
des crises de solvabilité devrait être abrogée au plus
vite.
Accepter
d'affronter les lobbys financiers
Mais là
n'est pas l'essentiel. En faisant porter une partie du fardeau de la crise de
l'évaluation des obligations pourries sur les créanciers, l'échange
dette-capital heurte les intérêts de nombreuses banques, fonds
d'investissement et assureurs détenteurs de ce mauvais papier,
risquant même d'en contraindre certains, à leur tour, à
avoir recours à cette procédure de gestion de faillite, ce qui,
évidemment, les mettrait en difficulté face à leurs
actionnaires. Or, le lobby financier américain reste certainement plus
puissant et mieux organisé que celui des contribuables ou des
économistes traditionnels...
Les avantages
d'une telle restructuration ne s'arrêteraient pas à la
solvabilité des banques: en prenant acte que l'état
n'interviendrait pas pour racheter des actifs toxiques, les banques
gestionnaires de ces actifs, principalement des « Mortgage Backed
Securities » (MBS), devraient tout mettre en oeuvre pour en rendre
moins opaques le contenu. Ainsi, elles pourraient trouver des acheteurs
prêts à faire de bonnes affaires, notamment chez les Hedge Funds
qui le peuvent encore, tels que le fonds texan de John Paulson, homonyme de
l'ancien secrétaire au trésor. Car ne nous y trompons pas: au
final, il est probable que, si l'état ne s'en mêle pas, une
grande partie des prêts composant les MBS seront remboursés
jusqu'à leur maturité, le taux de faillite personnelle des
emprunteurs restant somme toute « raisonnable »,
à quelques pour cent. En rachetant ces titres de dette pour 50
à 60% de leur nominal, voire moins, un bon négociateur peut
s'assurer des rendements bruts supérieurs à 10% sur la durée
du prêt !
En outre, si il
négocie particulièrement bien son rachat, le hedge fund peut
concéder, pour sécuriser ses remboursements, un abandon partiel
de créance aux propriétaires surendettés, ce qui
permettrait de parvenir à un des objectifs de l'administration Obama
sans avoir, là encore, à y mettre l'argent du contribuable.
On le voit, il
existe des moyens de sauver les banques qui ne creusent pas les
déficits publics et n'imposent pas de contraintes indues à des
contribuables qui n'en peuvent plus, tout en étant
bénéfiques socialement. Mais leur mise en oeuvre suppose que
les pouvoirs politiques acceptent un conflit dur avec de très gros
détenteurs d'intérêts financiers.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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