Nous avons vu,
dans
l’article précédent, l’intérêt
qu’a l’État
à légaliser le système bancaire à réserves
fractionnaires. Ce système permet à l’État
d’augmenter indirectement l’offre monétaire au sein de
l’économie en incitant les banques à créer plus de
crédit que leurs réserves de liquidité ne devraient leur
permettre. Le système à réserves fractionnaires
aurait trois avantages pour l’économie. Pour les banques :
la suppression du lien entre épargne et création de
crédit leur permettrait d’engranger plus de profit. Pour
l’État et les entreprises : la plus grande abondance des
fonds disponibles limiterait la
concurrence qu’ils devraient sinon se faire pour obtenir les fonds
nécessaires à leurs besoins financiers. Enfin, il est souvent
entendu que l’allocation de fonds fiduciaires par les banques serait plus
efficiente que celle d’une création monétaire
orchestrée directement par l’État.
Ces
« avantages » sont cependant de nature
éphémère du fait de la différence fondamentale
qu’il y a entre des fonds réels disponibles et des
crédits créés de toute pièce par les banques commerciales. Certes, avec
le système à réserves fractionnaires, plus de fonds peuvent circuler dans une
économie, mais ces fonds sont des titres ouvrant droit à des
sommes d’argent qui ne sont pas vraiment disponibles dans les coffres
de la banque. Le risque d’un
manque de liquidité bancaire n’est alors plus
qu’une question de temps.
Lorsque ce
risque se concrétise, une banque a la possibilité de recourir
à des prêts interbancaires ou à la vente d’actifs.
Ces options sont néanmoins coûteuses voire indésirables
pour une banque. D’une part, les banques concurrentes peuvent toujours
essayer de profiter de la situation de faiblesse d’une rivale et exiger
des taux d’intérêts très élevés pour
ces prêts ou des garanties trop importantes. D’autre part, les
actifs d’une banque en manque de liquidité ne sont
généralement pas d’excellente qualité, ce qui rend
leur vente très compliquée et risque in fine de ne pas
résoudre le problème initial.
Dans la mesure
où toutes les banques courent ce risque, elles ont toutes eu
intérêt à la création des banques centrales (BC). Elles visent
à sécuriser l’expansion fiduciaire du crédit en
jouant le rôle de prêteur du dernier ressort. La BC
s’appuie sur deux piliers pour ce faire. Le premier
repose sur son monopole d’émission de monnaie réelle au
sein de l’économie. Les opérations de refinancement, qui
consistent pour la BC à acheter et vendre des actifs financiers sur le
marché monétaire, constituent le deuxième pilier.
Ensemble, ces deux prérogatives permettent, en théorie,
à la BC d’acheter une quantité illimitée
d’actifs financiers. Et voilà comment se referme le cercle vicieux entre l'État,
les banques commerciales et la BC.
La BC est une
institution étatique fondée sur un monopole, celui de la
monnaie. L’intérêt de l’État à
l’utiliser pour financer les banques commerciales est clair :
garantir l’expansion fiduciaire du crédit et ainsi assurer le
financement des déficits publics tout en mettant des fonds disponibles
aussi aux entreprises. D’où la règle qui interdit
à une BC de financer directement les déficits de
l’État. En effet cette création monétaire directe
par l’État n’aurait pas
les « avantages » du système à réserves fractionnaires,
à savoir celui d’un système qui permet de créer de
façon discrète mais massive des « fonds »
à partir d’injections de liquidité relativement petites.
Afin de
garantir néanmoins que l’État se voit attribuer des fonds
par le système bancaire, une contrepartie est exigée de la part
des banques. Pour avoir accès aux liquidités de la BC qui leur
donnent la possibilité ensuite d’octroyer de nouveaux
crédits, elles doivent offrir des actifs en garantie. Or, les bons et
obligations de l’État bénéficient justement les garanties
ad hoc.
Ce dernier
point explique et démontre la participation active et volontaire de
l’État à ce cercle vicieux de la dette publique. Rien
n’empêche, en effet, l’État de ne pas
s’endetter et de faire en sorte que la BC n’accepte comme collatéral
à des opérations de refinancement des actifs financiers
d’origine privée de bonne qualité. Ceci explique aussi
comment l’État arrive encore à s’endetter alors que
son rapport dettes/recettes est scandaleusement élevé. Dans la
mesure où les banques
commerciales ont besoin des liquidités de la BC pour couvrir leurs besoins de
liquidité et pour augmenter les bases de leur expansion de
crédit, elles sont incitées à acheter en continu de la
dette publique.
A
suivre…
Gabriel Gimenez-Roche
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