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En France,
dans les milieux bien-pensants, il est de bon ton de railler Las Vegas, la
ville du péché et de tous les excès, avec ses
hôtels tape à l’œil, ses bars à striptease et
ses machines à sous pour les accros du jeu. Profitant de quelques
jours de vacances à Las Vegas pour la FreedomFest,
j’ai voulu en savoir plus.
Las Vegas, c’est d’abord
une partie du rêve américain. Du point de vue économique,
c’est la ville qui a connu au cours de ces vingt dernières
années, la croissance la plus rapide et la plus forte de tous les
Etats-Unis. La population a été multipliée par trois et
l'agglomération compte désormais près de deux millions
d'habitants. L'attractivité de la ville s'explique notamment par une
fiscalité quasiment nulle, des infrastructures de premier plan et des
prix de l'immobilier raisonnable. Beaucoup de retraités s’y sont
installés mais aussi beaucoup de latino-américains y ont
trouvé du travail dans les industries de services
peu qualifiés et la fabrication.
Certes, l'économie du jeu a connu un
ralentissement pendant presque deux années de suite, en 2008 et 2009.
Mais rien de comparable avec 2001-2002 où la ville a connu,
après les attentats du 11 septembre, la pire crise de son histoire. La
crise économique actuelle ne semble pas avoir affecté
profondément Las Vegas. En 2010, les casinos du Strip,
le boulevard central de Las Vegas, ont augmenté leur revenu de 33% en
moyenne par rapport à 2009. Les meilleurs chiffres depuis 10 ans.
Las Vegas, ce n’est pas seulement
la capitale du jeu, c’est aussi la première ville
hôtelière au monde avec 40 millions de visiteurs par an et 120.000 chambres. Vingt des 25 plus
grands hôtels du monde sont à Las Vegas. Le
secteur du bâtiment continue à bien se porter. Les projets en
cours de réalisation représentent un investissement de
plusieurs dizaines de milliards de dollars. Le nombre de chambres
d'hôtel ne cesse d’augmenter, créant ainsi des emplois.
Il y a quelques années,
Bernard-Henri Levy, dans American
Vertigo, avait fait part de son aversion et de son dégoût
pour Las Vegas. Francis Fukuyama lui avait répondu dans un
article : « Howard Hughes a fondé
le Las Vegas moderne en 1967 parce que, insomniaque reclus, il ne pouvait pas
trouver d’endroit pour acheter un cheeseburger à Los Angeles
à trois heures du matin. Il a créé toute une ville pour
répondre à ce besoin. Cela n'avait rien à voir avec le
péché ou le sexe, mais plutôt avec le désir
perpétuel des américains de se réinventer un monde
correspondant à leurs besoins. Aujourd'hui, le Bellagio,
le Luxor et le MGM Grand ressemblent plus à
des parcs à thèmes familiaux qu’à des salles de
jeux. (…) Ce que vous voyez quand vous êtes debout devant un
buffet dans un casino de Las Vegas c’est la vraie Amérique : le
travail ordinaire des employés et la classe moyenne américaine,
avec des enfants en poussette, qui veulent se divertir ».
Bien sûr il y a des SDF à
Las Vegas et sans doute plus qu’ailleurs. Le 10 juillet, dans
l’émission Sept à Huit, TF1 a diffusé un reportage
sur les tunnels de Las Vegas. Joueurs ruinés, habitants
expulsés de leur maison, victimes de la crise économique,
toxicomanes, délinquants en cavale... des dizaines de personnes ont
trouvé un refuge dans les 300 kilomètres de canalisations
souterraines qui protègent Las Vegas contre les inondations.
Documentaire sordide sur la misère
humaine générée par l’égoïsme des
riches me direz-vous ? Pas du tout, car on y voit ces SDF vivre comme
des rois. Ils récupèrent les crédits laissés par
les joueurs dans les machines à sous, ils utilisent des pass jetés par les clients qui les croient
périmés et accèdent ainsi facilement aux piscines et aux
restaurants des meilleurs hôtels du Strip.
Ils passent inaperçus au milieu des touristes en short et en tongs. On
les voit utiliser les douches des piscines, se prélasser dans les
jacuzzis, se gaver dans les buffets. Ceux qui font la manche profitent des
gains des joueurs chanceux. L’un de ces SDF raconte qu’il a
reçu 300 dollars d’un jeune homme sortant d’un casino avec
une liasse de billets. Le soleil brille 310 jours par an, Las Vegas offre des
spectacles gratuits toute l’année : fontaines géantes,
batailles de pirates, éruption de volcans. Un SDF raconte :
« J’ai choisi de vivre à Las Vegas parce qu’ici
tout est gratuit ». Il suffit d’être malin et de se
fondre dans la masse.
Conclusion, mieux vaut être pauvre
en Amérique, à Las Vegas en particulier, que pauvre en Afrique
à Tombouctou ou à Tobrouk.
Chroniques de la Freedom Fest à Las Vegas
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