Depuis
plusieurs mois, associations et universités se mobilisent contre la
circulaire du 31 mai 2011 compliquant le changement de statut pour les
étudiants étrangers souhaitant travailler en France.
Signé par le Ministre de l'Intérieur Claude Guéant et le
Ministre du Travail Xavier Bertrand, ce document a été
complété au mois d'août par un nouveau durcissement de la
législation pour les travailleurs étrangers d'origine
extra-européenne.
Le
plus curieux néanmoins n'est pas la politique de M. Guéant mais
la vague sympathie des médias pour les personnes mobilisées au
sein du collectif dit « du 31 mai », qui parle
d'embaucher des étrangers alors que le chômage touche un
Français sur dix. Un mot d'ordre qui contraste fortement avec le
consensus en vigueur sur la nécessité de protéger
l'Hexagone contre la concurrence étrangère.
Une
position incohérente
La
cause des étudiants et travailleurs étrangers fait fond sur
l'idée que la libre circulation des hommes et des idées sert
l'intérêt général. Or, cette conviction que
l'immigration « de travail » est « une
chance pour la France » est a priori incompatible avec l'anti-libéralisme proverbial de la
société française, très méfiante à
l'égard de la mondialisation et de la concurrence
étrangère.
Faut-il
se réjouir et y voir la preuve que l'opinion est de plus en plus
favorable aux principes de compétitivité et de
libre-échange ? Nullement. Car en France, la défense des
étrangers ne procède pas d'une réflexion de fond sur les
bienfaits de la concurrence, mais d'une obligation morale, celle de faire
front contre la xénophobie. Ainsi, par le truchement de l'antiracisme,
la critique du plombier polonais et de la concurrence chinoise,
symptômes de la mondialisation, cohabite avec l'éloge du
travailleur africain, symbole de l'amitié entre les peuples.
Il
y aurait donc le mauvais travailleur étranger et le bon travailleur
étranger. Le mauvais travailleur étranger, c'est celui qui
« prend le travail des Français ». Le bon
travailleur étranger, à l'inverse, c'est celui dont les
syndicats, les socialistes et le collectif du 31 mai prétendent qu'il
n'est pas en concurrence avec le travailleur français, soit parce que
ce dernier réclame un salaire trop élevé, soit parce
qu'il n'est pas assez qualifié – comme l'explique doctement
Nabil, un jeune diplôme d'HEC Paris.
La
concurrence vue par ceux qui y gagnent
Cet
argument est habile, dans la mesure où il persuade les Français
qu'ils peuvent à la fois approuver l'immigration professionnelle et
désapprouver la mondialisation dont elle procède. Mais il
faudra leur expliquer ce que signifie le mot
« concurrence » si nul ne peut regarder comme un
concurrent quiconque fait « la même chose pour moins
cher ». Libre à chacun d'approuver ou de
désapprouver que les Français soient confrontés à
la concurrence étrangère, mais par pitié, qu'on ne vide
pas les mots de leur sens !
Il
faudra expliquer aussi comment nos entreprises en arrivent à recruter
des étrangers plutôt que des Français. Certes, ces
derniers ne sont « de toute façon » pas assez
qualifiés, rappelle le collectif du 31 mai. Mais ce n'est pas une
fatalité : rien n'empêche les Français de penser,
comme Xavier Bertrand, que ce retard peut être rattrapé.
Les
personnes mobilisées contre la politique de M. Guéant
voudraient nous faire croire, en d'autres termes, qu'il n'y a pas de
concurrence entre les travailleurs français et les travailleurs
étrangers, et que par conséquent, les premiers peuvent accepter
les seconds sans sacrifier ni leurs intérêts ni leurs
convictions sur le rôle de l'État face à la
mondialisation. Mais la vérité, c'est que travailleurs
français et étrangers sont bel et bien concurrents, et que la
méfiance à l'égard de la concurrence implique
nécessairement cette peur de l'étranger que l'on impute
aujourd'hui au Ministre de l'Intérieur.
Ce
que révèle donc la polémique autour des étudiants
et travailleurs étrangers, ce n'est pas la sensibilité
prétendument libérale des médias et de l'opposition
politique, mais leur refus d'assumer les implications politiquement
incorrectes de leur méfiance à l'égard de la concurrence
étrangère. Comme si pour une fois, on se tournait vers le marché
pour corriger les effets pervers de l'interventionnisme, et non plus
l'inverse.
|